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Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). « The Sonata project Salzburg ». Sonates n° 11 K. 331 “Alla turca”, n° 8 K. 310, n° 14 K. 457. Fantaisie n°4 K. 475. Yundi, piano. 1 CD Warner Classics. Enregistré à la Großer Saal du Mozarteum de Salzbourg. Notice de présentation en français, anglais, allemand. Durée : 60:20
Warner ClassicsLiszt, Chopin – un peu moins Beethoven – et un fabuleux Concerto pour piano n° 2 de Prokofiev avec Ozawa apparaissaient comme le répertoire de prédilection, du moins au disque, du pianiste Yundi. Le vainqueur de l’édition 2000 du Concours Chopin de Varsovie n’était pas attendu dans la musique de Mozart. Pour autant, son nouvel album sous étiquette Warner Classics est des plus remarquables.
Rares sont les albums exclusivement consacrés à l’œuvre pour piano de Mozart qui ne causent pas (aujourd’hui davantage qu’hier) une certaine lassitude, voire un ennui réel. D’où l’idée d’un « project » (traduire par « concept ») proposé car il ne peut plus y avoir de récital sans sous-titre (« The Sonata Project Salzburg ») comme si l’auditeur (ex-mélomane) manquait à ce point de culture, qu’il lui faille une “béquille” pour entendre d’affilée, trois sonates et une fantaisie… Cette musique si délicate qui ne prétend rien et dit tout à la fois, impose à l’interprète autant de concentration que d’abandon et, plus encore, l’art de la fantaisie. C’est, ici, chose faite.
Dès les premières mesures de la Sonate “alla turca”, le jeu de Yundi séduit. Un jeu apparemment sobre, équilibré au “millimètre” entre rondeur et précision. Il est vrai que la remarquable captation souligne chaque nuance d’une approche lyrique, c’est-à-dire qu’elle répartit les mains en fonction de personnages imaginaires. Les sonates de Mozart sont ainsi pensées comme des duos dans lesquels toutes les suggestions sont autorisées et les excès prohibés. Yundi ne cherche pas à épater l’auditeur concentré sur le seul finale “turc” de la sonate. Il déroule une véritable histoire avec des fins de phrases amoureusement ciselées, variant sans provocation les attaques lorsqu’il faut suggérer une danse paysanne dans l’une des variations du premier mouvement. Il ne bariole pas non plus ses “personnages” de maquillage : il les laisse s’exprimer avec une ironie à peine dissimulée. Le Menuetto, petite danse volontairement raide et stricte n’a nul besoin d’être appuyé. La qualité du phrasé y est parfaite avec une main très arrondie et qui ne cesse de chanter. Dans le fameux Rondo, allegretto “Alla turca” (étranger à la culture musicale ottomane de l’époque, mais en revanche plus proche de la société française brocardée avec délectation), on croirait entendre les oies et les vaniteux de la cour de France.
La Sonate en la mineur (K. 310), la huitième du cycle, fut composée à Paris au cours de l’été 1778. La mère de Mozart, qui accompagnait le jeune musicien, mourut le 3 juillet. La Sonate fut créée trois jours après l’enterrement. Les tensions dramatiques y sont exacerbées comme pour mieux témoigner de l’instant vécu. Yundi travaille davantage sur le resserrement des phrases, mais sans aucune dureté et avec un toucher perlé. La main gauche est habilement dosée, élargissant les couleurs à celles d’un orchestre imaginaire, celui de la Symphonie n° 40 à venir. Quel superbe mouvement lent ! Voilà un Andante cantabile con espressione de concerto révélé avec la sûreté du geste d’un graveur sur cuivre auquel la faute de goût est interdite. Impeccablement construite avec chaque voix bien dissociée l’une de l’autre, cette page pressent déjà le Beethoven tardif quand le Rondeau “à la française” du finale tire nos oreilles vers Schubert. C’est un Mozart longuement pensé.
La Sonate en ut mineur K. 457 aurait été composée quelques jours après le Concerto pour piano n° 18 K. 456. Son caractère tragique amplifie celui de la précédente sonate. À la main droite, la voix de soprano y est somptueuse dans l’expression de l’inquiétude et de la plainte mêlées. Chaque phrase est tenue et développée avec une logique imparable. L’esprit à nouveau schubertien nous est révélé dans l’Adagio malgré les ornements qui tentent – et cela est particulièrement réussi – de dissimuler une sorte de douloureux regret. Yundi joue parfaitement d’un sentiment d’urgence… sans précipitation !
Les cinq fantaisies pour le clavier que Mozart composa sont très certainement nées d’improvisations. La plus célèbre d’entre elles, en ut mineur K. 475, est annonciatrice de ce que l’on nomme le préromantisme. Elle aurait d’ailleurs pu s’appeler tout aussi bien “moment musical” ou “impromptu”. Yundi ne surjoue pas la violence d’une telle confession. En revanche, il souligne les demi-teintes de la partition, les silences éloquents, une inquiétude jusque dans la modération des tempi de la première partie. Nulle exagération, de justes proportions et un toucher d’une saveur rare… L’un des meilleurs disques de Yundi.
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Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). « The Sonata project Salzburg ». Sonates n° 11 K. 331 “Alla turca”, n° 8 K. 310, n° 14 K. 457. Fantaisie n°4 K. 475. Yundi, piano. 1 CD Warner Classics. Enregistré à la Großer Saal du Mozarteum de Salzbourg. Notice de présentation en français, anglais, allemand. Durée : 60:20
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