Avec Enguerrand de Hys et Paul Beynet, bouquet de mélodies françaises d’inspiration religieuse

Dans des mélodies desservies par un texte parfois sulpicien, Enguerrand de Hys et Paul Beynet parviennent à faire adhérer à un projet artistique innovant et original.

Très original programme que ce récital de mélodies françaises d'inspiration religieuse ! La pièce de résistance de ce disque est constituée du premier enregistrement mondial du recueil intitulé Contes mystiques, un cycle de onze poèmes de l'auteur Stéphan Bordèse (1847-1919), confié à douze compositeurs français plus ou moins contemporains, de célébrité variable, aux styles assez différents mais tous représentatifs des courants musicaux en vogue en cette fin de XIXᵉ siècle. Le cycle fut en effet créé en 1896 lorsqu'il fut donné par la cantatrice Blanche Marchesi, la fille de la célèbre Mathilde dont Frances Alda, Emma Calvé, Emma Eames, Mary Garden, Selma Kurz, Nellie Melba et Sybil Sanderson, furent parmi les plus prestigieuses élèves. Parmi les compositeurs, deux compositrices en la personne d'Augusta Holmès, autrice du prélude pour piano, ainsi que la grande Pauline Viardot dans un spectaculaire « Rêve de Jésus ». Chez les messieurs, Massenet, Fauré, Saint-Saëns, Dubois, Lecocq et Widor côtoient les moins connus Edmond Diet, Charles Lenepveu ou Henri Maréchal. Certains poèmes sur l'enfance du Christ, inspirés de scènes des évangiles apocryphes, pourront déconcerter par leur mièvrerie et leur caractère doucereux, mais on ne saurait nier la qualité musicale de l'ensemble, dont ressort au final la plus grande cohérence en dépit de traits stylistiques qui, forcément, peuvent varier d'une pièce du cycle à l'autre. Pour compléter la pièce maîtresse du CD, on a trouvé d'autres mélodies d'inspiration religieuse, lesquelles illustrent à la perfection la thématique générale du produit, tout en élargissant quelque peu la fourchette chronologique. On notera également, avec l'adjonction de chants de Maria Malibran et de Mel Bonis, le renforcement de la composante féminine de l'album.

Dans un répertoire qui pourrait susciter une certaine monotonie, Enguerrand de Hys se montre très convaincant, même s'il ne dispose pas tout à fait de la palette de couleurs de certains de ses collègues. La voix est d'un timbre agréable, la diction excellente et  le ténor s'acquitte avec sincérité de ces pages pour lesquelles il faut déployer suffisamment de musicalité pour faire oublier un texte parfois un peu simplet. Le piano de Paul Beynet lui est d'un soutien indéfectible, et contribue largement à la réussite d'un album attachant et original, qui restitue toute une époque et tout un courant de pensée attachant, quoique quelque peu suranné.