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Baden-Baden. Festspielhaus. 26-III-2024. Richard Strauss (1864-1949) : Elektra, opéra en un acte sur un livret de Hugo von Hofmannsthal. Philipp Stölzl et Phillip M. Krenn, mise en scène. Nina Stemme (soprano), Elektra ; Elza van den Heever (soprano), Chrysothemis ; Michaela Schüster (mezzo-soprano), Klytemnestra ; Johan Reuter (baryton), Orest ; Anthony Robin Schneider (basse), le précepteur d’Oreste ; Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (ténor), Aegisth ; Serafina Starke, la confidente ; Anna Denisova, la porteuse de traîne ; Lucas van Lierop (ténor), un jeune serviteur ; Andrew Harris (baryton), un vieux serviteur ; Kirsi Tiihonen, la surveillante. Chœur de la Philharmonie de Prague ; Berliner Philarmoniker, direction : Kirill Petrenko
Pour sa dernière participation au Festival de Pâques de Baden-Baden la Philharmonie de Berlin offre une Elektra sensationnelle, avec une « dream team » composée de Nina Stemme, Elza van den Heever et Michaela Schüster.
La musique de Richard Strauss pour Elektra a impressionné en 1909, et impressionne encore aujourd'hui par sa modernité et sa violence. La pièce de théâtre de Hofmannsthal sur laquelle elle est écrite échappe au reproche de pompiérisme grâce à quelques coupures bien placées, et est devenue un des meilleurs livrets d'opéra du XXᵉ siècle. Est-ce pour valoriser ce livret que les metteurs en scène Philipp Stölzl et Phillip M. Krenn ont pris le parti de projeter le texte sur la scène ? Ou est-ce pour meubler l'espace vide de tout élément de décor ? Pour contre-balancer le caractère un peu trop intimiste de l'intrigue? Sans doute tout en même temps, et cela marche modérément. La projection est faite sur des éléments horizontaux mobiles, qui se transforment en escalier, en tunnels ou en mur, qui matérialisent efficacement les ornières mentales des protagonistes, les impasses de leurs dialogues, ou le poids insupportable de leurs destins. La façon dont le malheureux Orest, comme estropié au retour d'une guerre, gravit péniblement ce décor pour accéder enfin au sacrifice libérateur restera une des plus belles images de la soirée. De même, la chute du cadavre de Klytemnestra de gradin en gradin est fort impressionnante. Et finalement, ces blocs de bétons finissent par écraser tous les survivants, malheureux Atrides victimes de leurs destinées et de leur incapacité à les dépasser. Le fait de projeter le texte sur ces blocs n'apporte ni n'empêche rien, malgré les efforts pour diversifier la taille des caractères, leur police ou leur mobilité. À l'opéra, les mots n'ont décidément de rôle actif que s'ils sont portés par des sons.
Du côté de la musique, justement, on est dans les grandes hauteurs. L'Orchestre philharmonique de Berlin développe un son absolument magnifique, avec alternativement une « muralité » immense et vertigineuse, ou une intimité des sentiments de méfiance, de haine ou de tendresse extrêmement efficace. Kirill Petrenko du bout de sa baguette crée les climats, les affects. C'est lui qui sculpte les personnages et qui fait tourner la roue du destin. Dans le rôle d'Elektra, Nina Stemme ne déçoit pas, malgré un talent d'actrice assez moyen. La voix est toujours aussi belle, aussi longue et puissante, même si les aigus passent mieux quand ils sont émis forte. La rondeur, le velouté intrinsèque de son timbre sont intacts et font merveille dans la scène de tendresse avec Orest. En Chrysothemis, Elza van den Heever est le personnage le plus touchant : dans la plénitude de ses moyens vocaux, elle irradie de vitalité et de désir d'amour, mais tout cela reste vain et sera broyé. Michaela Schüster est une bête de scène qui incarne la mère monstrueuse jusqu'au bout de ses souffrances morales. Sa voix est plutôt claire, mais son ambitus est large et sa diction admirable. Johann Reuter est très bien en Orest : voix charnue et bien articulée, porteuse d'un désespoir intrinsèque qui vient bien. L'Aeghist fat et fanfaron de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke est également très réussi. Le reste de la distribution est sans reproche, avec un petit coup de cœur pour la cinquième servante de Lauren Fagan.
C'est un spectacle puissant et magnifique, qui conclut triomphalement dix ans de présence des Berliner Philharmoniker à Baden-Baden, ceux-ci étant enfin réconciliés avec le Festival de Pâques de Salzbourg où ils reviendront en 2026. Mais les festivaliers de Baden-Baden ne sont pas inquiets pour les saisons suivantes : on leur parle du Concertgebouw et du Mahler Chamber Orchestra. Une nouvelle aventure commence.
Crédits photographiques © Monika Rittershaus
modifié le 28/03/2024 à 19h38
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Baden-Baden. Festspielhaus. 26-III-2024. Richard Strauss (1864-1949) : Elektra, opéra en un acte sur un livret de Hugo von Hofmannsthal. Philipp Stölzl et Phillip M. Krenn, mise en scène. Nina Stemme (soprano), Elektra ; Elza van den Heever (soprano), Chrysothemis ; Michaela Schüster (mezzo-soprano), Klytemnestra ; Johan Reuter (baryton), Orest ; Anthony Robin Schneider (basse), le précepteur d’Oreste ; Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (ténor), Aegisth ; Serafina Starke, la confidente ; Anna Denisova, la porteuse de traîne ; Lucas van Lierop (ténor), un jeune serviteur ; Andrew Harris (baryton), un vieux serviteur ; Kirsi Tiihonen, la surveillante. Chœur de la Philharmonie de Prague ; Berliner Philarmoniker, direction : Kirill Petrenko