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And God created great whales, œuvre pour orchestre et chant de baleines du compositeur arméno-américain Alan Hovhaness (1911-2000), composée en 1970, a enregistré un franc succès public international.
Alan Hovhaness, au cours de sa longue carrière, a constitué un catalogue très abondant, plus de 500 partitions, abordant pratiquement tous les genres musicaux. Sa renommée repose en majeure partie sur environ 67 symphonies, de nombreux concertos, des pièces orchestrales mais aussi des œuvres vocales et d'autres encore destinées à de plus modestes formations (musique de chambre, piano seul, divers effectifs…).
Il fut fortement influencé par ses racines arméniennes, par les courants baroques et classico-romantiques puis par ses multiples contacts avec les cultures rencontrées et étudiées au Japon, en Inde, en Corée, à Hawaï…
Cette pièce, intitulée Et Dieu créa les grandes baleines, son opus 229 n° 1, est un poème symphonique résultant d'une commande passée par le chef américain André Kostelanetz et l'Orchestre philharmonique de New York en février 1970. Ils souhaitaient la composition d'une musique incorporant des chants majestueux et troublants de baleines. « Je trouvais ces chants très beaux », confia Hovhaness. La création a lieu à New York le 11 juin 1970 à l'occasion des concerts promenades du New York Philharmonic sous la direction de cet ardent défenseur du compositeur qu'était Kostelanetz. L'œuvre, dont le titre est emprunté au livre de Genèse (1 :21), sera souvent enregistrée et connaitra une forte popularité.
En plus des bandes enregistrées de chants de baleines à bosse de l'Océan Atlantique, l'œuvre fait appel à un orchestre comprenant 3 flûtes (dont 1 picolo), 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons pour les bois, 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones et 1 tuba pour les cuivres auxquels s'ajoutent des timbales, 4 percussionnistes, harpe, piano et la famille des cordes.
Et Dieu créa les grandes baleines contient musicalement des traits pentatoniques en ce qui concerne la mélodie, de même qu'une écriture d'une volonté aléatoire, ce que Hovhaness qualifie de « chaos libre sans rythme ». S'y intercalent par intermittence les cris des cétacés. Les enregistrements concernent les voix de baleines à bosse de l'Océan Atlantique et des baleines boréales. Ce travail de captation sous-marine est dû à Roger Payne et Frank Wattington dans les années 1960. Après le début de la première apparition des sons enregistrés, survient un violent et spectaculaire sommet confié aux trombones et ponctués par le glockenspiel.
Hovhaness oriente l'écoute en indiquant la présence de passages rythmiques libres et rapides confiés aux cordes qui suggèrent l'esprit de la mer tandis que les cors, les trombones et le tuba évoquent les montagnes sous-marines. Les petites créatures marines sont suggérées par les sections staccatos des bois avec une rythmique libre et étincelante. Puis des glissandi de trombones et de violons imitent le chant des baleines. Une simple mélodie pentatonique jouée aux violons au-dessus d'un air de harpe exprime une musique figurant les océans et les vagues sans bornes. Elle annonce les chants enregistrés. Une vague géante ou le bruit d'un cyclone au rythme chaotique amène la musique vers une fin caractérisée par un jeu sauvage et puissant ainsi que Hovhaness le recommande clairement aux instrumentistes.
Cette musique correspond à la naissance d'un nouvel état d'esprit correspondant à une plus grande diffusion, une réelle prise de conscience, du respect de la nature en général et du monde sous-marin en la circonstance. Les baleines étaient alors fortement menacées d'extinction.
Un peu plus tôt, cette volonté de sauver les baleines s'était aussi manifestée dans The Whale, une cantate de Johan Tavener de 1966. Cette pièce de Hovhaness s'inscrit donc dans la mouvance illustrée vers la même époque par le Finlandais Einojuhani Rautavaara avec sa partition intitulée Cantus Arcticus, un Concerto pour oiseaux et orchestre, écrit en 1972. Les cris d'oiseaux enregistrés au niveau du cercle arctique sont aussi intégrés à l'orchestre avec un immense talent et un rendu sonore impressionnant.
Quel accueil reçut cette courte partition. Les réactions publiques lors de concerts ou secondaires à l'écoute d'enregistrements, dans leur majorité, émirent des avis positifs et bienveillants. Toutefois des commentaires plus nuancés furent parfois émis par la critique professionnelle. À juste titre le New York Times sous la plume de Larry Rohter ne cacha pas le risque de s'empêtrer dans un résultat kitsch. De son côté, le magazine Gramophone s'avéra plutôt nuancé et insista sur la position borderline du travail de Hovhaness. L'effet produit est « époustouflant » pour CD Review : « Plein de moments en or d'un compositeur qui n'a pas honte de parler aux mélomanes ordinaires ». Vox y décèle le « mariage obsédant d'un orchestre symphonique et de baleines à bosse. » The Foundry Theatre (2000) parle d' « une aventure musicale extraordinaire et obsédante dans la psyché d'un artiste. »
En conclusion, cette courte musique d'une douzaine de minutes stimulée par un courant écologique aboutit à un travail intéressant et unique dans l'immense catalogue du compositeur et à ce titre relativement peu typique de son esthétique générale. Pour autant l'expérience mérite vraiment de ne pas sombrer dans l'oubli tout en constituant un témoignage universel.
Conseils d'écoute
Philharmonia Orchestra, dir. David Amos, 12'51, enregistrement de juin 1988, Crystal Records CD810. Avec Concerto n° 8 pour orchestre, Elibris, Alleluia et Fugue, Anahid. Pour cet enregistrement Hovhaness précise que l'on a utilisé les cris de baleines à bosse de l'Océan Pacifique et des orques (killer Whales).
Seattle Symphony, dir. Gerard Schwarz, 12'14, enregistré en septembre 1993, Delos DE 3157. Avec Symphonie n° 2, Alleluia et Fugue, Celestial Fantasy.
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