So schnell de Dominique Bagouet, retour sur un classique contemporain
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Metz. Arsenal. 21-III-2024. Dominique Bagouet : So schnell. Re-création : Catherine Legrand ; lumières : Begoña Garcia Navas. Avec Nuno Bizarro, Eve Bouchelot, Victor Duclos, Florence Casanave, Héloïse Giret, Elodie Cottet, Vincent Dupuy, Elise Ladoué, Théo Le Bruman, Louis Macqueron, Thierry Micouin, Annabelle Pulcini.
Remontée en 2020 par Catherine Legrand, la pièce que Dominique Bagouet créa en 1990 sur la cantate bwv 26 de Jean-Sébastien Bach, garde toute sa force vitale et toute sa lumineuse densité, comme nous avons pu le constater à l'Arsenal de Metz.
La danse contemporaine est faite d'éphémère, et rien ne garantit qu'on dansera encore dans quelques décennies les grands noms d'aujourd'hui. Dominique Bagouet est mort en 1992, à 41 ans, et même si une démarche de mémoire a été entreprise dès son décès sous le nom de « Carnets Bagouet », il faut bien dire que son nom s'est un peu effacé de nos mémoires – même le site internet des Carnets est resté bien ancré dans les années 90. So schnell, une de ses dernières œuvres, était rentrée au répertoire du ballet de l'Opéra de Paris en 1998, sans y être jamais reprise. En 2020, une des anciennes danseuses de Bagouet, Catherine Legrand, a choisi de la remonter, mais la pandémie de Covid a privé cette initiative de la résonance qu'elle méritait : fort heureusement, tout n'a pas été en vain, puisque quatre ans plus tard c'est au tour de l'Arsenal de Metz d'accueillir le spectacle, après plus d'une vingtaine de dates les saisons précédentes.
La démarche, à vrai dire, suscite des interrogations : Catherine Legrand, comme elle le dit elle-même, a « écarté la scénographie d'origine, pour privilégier un travail de création lumière qui fait l'espace » – peut-être des contraintes financières sont-elles à l'origine de cette réduction, mais ce n'est pas sans conséquence pour l'identité visuelle de la pièce. Ce qui reste tout de même, fort heureusement, c'est la vitalité contagieuse. Bagouet s'appuie sur une cantate de Bach qui proclame la fugacité de la vie humaine, thème qui ne pouvait qu'avoir du sens pour lui deux ans avant sa mort du sida ; et pourtant la pièce est tout sauf sombre, même si la recréation nous prive des costumes de couleur vive de la version originale.
On pense par moments au travail d'Anne Teresa de Keersmaeker dès le duo initial, par la densité de l'écriture chorégraphique, par cette danse décidée et têtue, mais Bagouet, dont la carrière s'est arrêtée au moment où celle de Keersmaeker prenait toute sa dimension, développe au cours de cette petite heure de danse une couleur émotionnelle bien différente. La joie et l'appétit de vivre dont Bagouet fait preuve ici n'a rien de la complaisance et de la bonne humeur forcée d'un divertissement inoffensif façon Who Cares ? de Balanchine : pas de sourires stéréotypés plaqués sur le visage des interprètes, la joie est toute intérieure, joie de se sentir en vie, joie d'être encore debout. La danse de Bagouet est ici verticale, faite de sauts, de marche, de course, et même si l'œuvre est un travail de troupe, elle est donne toute leur place aux individus qui la composent. Certes, il y a beaucoup de duos, des trios, des scènes plus larges, donc des interactions entre les danseurs, et même un plaisir visible d'être ensemble, mais l'expérience personnelle prime, parce qu'il faut déjà vivre sa propre vie pour pouvoir aller vers les autres. Le sens de l'espace est primordial dans cette pièce créée pour inaugurer la scène du nouvel Opéra du Corum à Montpellier : même les dimensions plus réduites de la scène de l'Arsenal laissent voir ces vastes espaces où Bagouet dessine sa danse. Faute d'avoir vu les danseurs des premières années, ceux qui avaient travaillé avec Bagouet, il est difficile de dire ce qu'ils apportent et ce qu'ils modifient à notre perception de la chorégraphie, mais l'énergie qu'ils déploient au service de la pièce est contagieuse : c'est le principe de la transmission, en danse comme ailleurs, le passage du temps ne laisse rien intact, mais on ne peut que sortir heureux d'une soirée où l'intelligence du mouvement s'unit à une délicatesse émotionnelle rare.
Crédits photographiques : © Caroline Ablain (2020)
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Metz. Arsenal. 21-III-2024. Dominique Bagouet : So schnell. Re-création : Catherine Legrand ; lumières : Begoña Garcia Navas. Avec Nuno Bizarro, Eve Bouchelot, Victor Duclos, Florence Casanave, Héloïse Giret, Elodie Cottet, Vincent Dupuy, Elise Ladoué, Théo Le Bruman, Louis Macqueron, Thierry Micouin, Annabelle Pulcini.