Les guerriers de la beauté de Marco da Silva Ferreira au 104

Deux semaines après sa création pour le Ballet de Lorraine, le chorégraphe portugais Marco da Silva Ferreira montre CARCAÇA au Centquatre Paris avec une compagnie surpuissante de bêtes de scène. Un spectacle détonnant et revigorant.

Comme des guerriers de la beauté, les créatures de Marco da Silva Ferreira sont vêtues de collants noir, taillés et strippés, qui servent de support à un costume d'Aleksandar Protic qui sera évolutif au fil du spectacle, s'étoffant de bandes de tissus colorés. Sur un rythme percussif proche de la samba, le spectacle propose un voyage musical et chorégraphique extrêmement ambitieux. Le rythme – assuré par le percussionniste João Pais Filipe et amplifié par la musique électronique de Luis Pestana – est en effet la base de toute la construction chorégraphique, très structurée par des unissons et des ensembles à 2, 4 ou 6 danseurs et de multiples combinaisons et re combinaisons de mouvements. Les danseurs virtuoses et puissants de Marco da Silva Ferreira livrent alors dans CARCAÇA une énergique performance physique, autant que musicale.

Grand connaisseur du répertoire traditionnel portugais, Marco da Silva Ferreira entonne une chanson populaire, la célèbre Cantiga sem maneiras, chant révolutionnaire écrit en 1974 par José Mario Branco en hommage aux travailleuses portugaises. Le plateau se transforme en scène ballroom, avant de basculer vers un quadrille de danses folkloriques, complètement revisitées. Le contraste entre la formule ultra contemporaine du spectacle (costumes, scénographie, musique électro) et la tradition portugaise crée un mélange détonnant et revigorant. Marco da Silva Ferreira lui-même est un danseur incroyable, avec un jeu de jambes élastique, digne d'un footballeur. Au milieu de la pièce, il livre un solo virtuose, à un rythme survolté.

Hérault de la nouvelle scène lusophone, Marco da Silva Ferreira croise culture populaire et danse de rue, tradition lusitanienne et influence coloniale pour une fête absolue des corps. Il invente par exemple un nouveau vocabulaire corporel à partir d'un basculement d'une jambe à l'autre, semi fléchies, sur la tranche des baskets et exploite au maximum les capacités physiques de chacun de ses danseurs, entre house ultra dopée et voguing explosif.

Performance chorégraphique exceptionnelle, CARCAÇA porte haut le flambeau d'une esthétique et d'une signature totalement inédite sur la scène contemporaine.

Crédits photographiques : © José Caldeira