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Franz Liszt et Jean Guillou magnifiés par Zuzana Ferjenčíková à l’orgue de Saint-Eustache

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Franz Liszt (1811-1886) : Orpheus ; Prometheus ; Thasso : Fantaisie et Fugue sur B.A.C.H. ; Valse oubliée n° 1. Jean Guillou (1930-2019) : Ballade ossianique n° 1 « Temora » op. 8 ; Pensieri pour Jean Langlais op. 54 ; Eloge I op. 52 ; La chapelle des abîmes op. 26. Zuzana Ferjencikova à l’orgue de l’église Saint-Eustache à Paris. 2 SACD Aelous. Enregistrés du 7 au 11 novembre 2022. Notice de présentationen français, anglais, allemand. Durée totale : 69:22 et 68:12

 

Les noms de et de sont intimement liés par leurs musiques virtuoses et fantastiques. A Saint-Eustache, Zuzana Ferjenčíková réunit ces deux immenses musiciens dans un dialogue subtil et révélateur d'une inspiration commune.

Cet album est la révélation de tout un ensemble harmonieux réunissant , , l'église et l'orgue de Saint-Eustache à Paris autour de la personnalité musicale de l'interprète qui fut l'élève du Maitre Guillou. Tous ces protagonistes en ce lieu emblématique chargé d'histoire rappellent déjà combien y a une place importante. Sa Messe solennelle y fut créée en 1866 et l'une des chapelles abrita longtemps son buste. fut nommé titulaire de l'orgue monumental en 1963 et restera à cette tribune plus de 50 ans. C'est dire la relation intime qui existe à jamais entre lui, le lieu et l'orgue. Cet instrument est donc idéal pour traduire ces pages, reflets d'un immense courant créateur.

Le programme propose en alternance des œuvres de Liszt transcrites ou adaptées pour l'orgue par Jean Guillou. Il s'agit essentiellement de Poèmes symphoniques pour orchestre, traduits de manière fortement expressive pour l'instrument à tuyaux. L'orchestration initiale est entièrement préservée par la riche palette sonore du grand orgue de Saint-Eustache et apporte même à de nombreuses reprises un impact sonore plus impressionnant à ces œuvres, depuis la légèreté des flutes jusqu'aux tutti des plus étourdissants. Sont ainsi proposés trois Poèmes : Orpheus, Prometheus et Tasso. Les deux premiers furent souvent joués en concert par Jean Guillou et même gravés sur disque. Par contre le dernier, Tasso est inédit. Jean Guillou en avait bien fait la transcription, mais ne l'ai jamais joué en public ni enregistré. L'auditeur découvre cette œuvre très développée dans l'interprétation éblouissante de Zuzana Ferjenčíková. L'œuvre puise son inspiration dans une œuvre de Goethe Torquato Tasso. Long de presque 23 minutes, Tasso évoque l'Italie, Venise et les chansons de gondoliers, un imaginaire intense que Jean Guillou a su capter par des choix de registrations très sophistiqués et rendus magnifiquement par l'interprète.

Une autre œuvre de Liszt figure ici, la Fantaisie et Fugue sur le nom de B.A.C.H. Jean Guillou a rassemblé les quatre versions existantes pour le piano et l'orgue pour en faire une version de synthèse puisant au travers de ces diverses approches la quintessence de l'œuvre. C'est une version dite « syncrétique » que le maitre joua beaucoup au cours de sa carrière. La Valse oubliée n°1 conclu le programme Liszt en une adaptation très proche du piano.

Zuzana Ferjenčíková est slovaque, et pratique le piano, l'orgue et la composition. Elle a longtemps bénéficié des cours donnés par Jean Guillou à Zurich puis à Saint-Eustache à Paris. Grande virtuose et musicienne sensible, elle est l'une des interprètes les plus à même de traduire les intentions du maitre, en particulier au travers de ses propres œuvres qui constituent ici une grande partie du programme. La plupart d'entre elles sont peu connues et surgissent ici en de délicieuses découvertes. La Ballade ossianique « Temora » reprend une œuvre plus ancienne Pour le tombeau de Colbert écrite en 1962 en hommage à ce ministre royal enterré à Saint-Eustache. Comme assez souvent et pour diverses raisons, Jean Guillou rebaptise ultérieurement certaines compositions, et celle-ci est devenue « Temora », évocation d'un château écossais, empreinte de mélancolie.

Pensieri à la mémoire de Jean Langlais est une pièce inhabituelle dans l'art de Jean Guillou, reposant sur une harmonie délicate et des jeux doux en un Adagio plein de rêveries… La pièce Regard offre un kaléidoscope complexe de couleurs et de brefs instants furtifs, subtilement reliés les uns aux autres. L'auditeur peut laisser libre cours à son imagination. Une œuvre de Jean Guillou est plus connue, voire célèbre, c'est La chapelle des abîmes composée en 1971. Elle s'inspire d'un roman de Julien Gracq Au château d'Argol qui décrit dans la forêt une chapelle abandonnée d'où sort des sonorités d'orgue, sorte d'improvisation fantastique évoquant l'histoire du roman. Il n'en fallait pas moins à Jean Guillou pour imaginer sa propre musique.

Comme à son habitude, le label Aeolus dirigé par Christoph Frommen nous gratifie d'une captation exceptionnelle de l'orgue de Saint-Eustache à Paris en format SACD multi-channel surround, bien sûr lisible sur toute platine CD habituelle. Le plaisir sonore est total, comme ici quand il s'adresse à un orgue de plus de 100 jeux dans une acoustique hautement remarquable. Cet album en hommage à Jean Guillou disparu il y a tout juste cinq ans lui rend pleinement justice, là même où il a conçu ses œuvres pour orgue et dans l'interprétation de l'une de ses meilleures disciples, grande dame de l'orgue. L'album précise « Volume 1 », on se réjouit d'avance de la suite…

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