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FrancenDanses au TCE, ou le tour de France de nos compagnies nationales

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Paris. Théâtre des Champs-Elysées. 12- III- 2024. Soirée FrancenDanses. Dans le cadre de TranscenDanses.
Giselle (acte II, pas de deux). Chorégraphie : Martin Chaix. Musique : Adolphe Adam. Avec : Di He et Rubén Julliard, CCN-Ballet de l’Opéra National du Rhin, direction : Bruno Bouché

Extrait de gravité (2018). Chorégraphie: Angelin Preljocaj. Musique : Dimitri Chostakovitch. Avec : Mirea Delogu, Antoine Dubois, Clara Freschel, Baptiste Coissieu, Ballet Preljocaj, direction : Angelin Preljocaj

Softly, As I leave you (1994). Chorégraphie : Sol León & Paul Lightfoot. Musique : Arvo Pärt et J.S Bach. Avec : Hélène Bernadou, Kylian Tilagone, Ballet de l’Opéra National de Bordeaux, direction : Eric Quilleré

On the Nature of Daylight (Duo). Chorégraphie : David Dawson. Musique :
Max Richter. Avec : Di He et Rubén Julliard, CCN-Ballet de l’Opéra National du Rhin, direction : Bruno Bouché

Who cares ? (Extraits). Chorégraphie : George Balanchine. Musique :
George Gerschwin. Avec :  Mathieu Ganio, Dorothée Gilbert, Hannah O’Neill, Valentine Colasante, Etoiles de l’Opéra national de Paris, Ballet de l’Opéra National de Paris, direction : José Martinez

Pour sa seconde édition au Théâtre des Champs Elysées, FrancenDanses a donné carte blanche à quatre compagnies : le Ballet national du Rhin, le , le Ballet de l'Opéra national de Bordeaux et celui de l'Opéra de Paris. Un éventail éloquent permettant un certain état des lieux de la production chorégraphique française

Commençons par le moins bon : les deux choix du Ballet de l'Opéra national du Rhin qui laissent perplexes. Proposer le pas de deux du deuxième acte de Giselle, dans la relecture très moderne qu'a proposée Martin Chaix à la compagnie alsacienne il y a tout juste un an, ne permet pas de donner une idée de ce nouveau travail plutôt décoiffant. Car on n'y voit ici qu'une sage réécriture chorégraphique du pas de deux de Coralli et Perrot, les créateurs de Giselle en 1841. Il n'en ressort aucun romantisme de ballet blanc, et pour cause, puisque ce n'est pas le contexte que propose . Mais faute d'être plongé dans son univers, on ne voit qu'un adage sans relief. La même sagesse se retrouve dans le duo de , On the nature of daylight  dansé par les mêmes et Ruben Julliard, crée pour le Dresden Semperoper Ballett en 2007 et arrivé au répertoire du Ballet du Rhin en 2022. Un duo fluide mais sans éclat, qui subit de surcroit le drame de venir juste après un chef d'oeuvre absolu : la pièce pour deux danseurs signée du duo Sol Leon et Softly, as I leave you.

Le Ballet de Bordeaux a décidément le nez creux avec les pièces du duo hispano-anglais qu'il a mis à son répertoire. Après  Step Lightly, arrivé à Bordeaux en 2021 et que l'on peut voir en ce moment-même sur la scène du Grand Théâtre bordelais, voici que l'on a pu découvrir à Paris ce duo Softly, as I leave you  d'une force inimaginable, arrivé à Bordeaux l'an dernier. La musique choisie étant un aria de Bach et une pièce de , on ne sait quel est le lien avec la chanson éponyme de Matt Monro reprise par Elvis Presley, Frank Sinatra et tant d'autres, sauf qu'il s'agit bien d'une chanson de deuil (la famille de Sinatra accompagnera le faire part de sa mort par cette chanson sur son site internet).

Or, le ballet débute dans une caisse. Une grande boîte en bois verticale, telle une boîte d'allumettes géante, ou bien justement un cercueil, dans laquelle se meut une femme, qui semble ne jamais en sortir. Prise en étau dans sa mort prochaine à moins que ce ne soit dans son espace mental, elle se cogne aux trois lattes de bois, en haut, en bas, à droite, à gauche, accroupie, levant une jambe à la verticale, se dressant, se rasseyant, comme si elle cherchait une liberté qu'à l'évidence, elle ne pouvait ou bien s'interdisait aussi de prendre. La force de cet incroyable solo (qui rappelle un peu celui de Sylvie Guillem dans Smoke de Mats Ek), c'est que jamais son interprète, l'impressionnante , ne laisse entrevoir une quelconque émotion. Seul son corps s'enivre, s'affole, s'essaie à comprendre où sont désormais les limites de son espace. C'est d'une inventivité folle, cela prend aux tripes et surtout, cela montre jusqu'où peut et doit aller la danse : demander à son corps d'exprimer une émotion, sans même que cela passe par les traits du visage. C'est alors qu'un homme vient vers elle. Va-t-il la sauver ? La sortir de cette prison mentale ? bénéficie lui aussi d'un solo bouleversant, à la recherche de lui-même, dansant avec Elle, sans vraiment la voir. L'image de l'homme jambes demi-pliées, de profil, tendant les bras vers une hypothétique partenaire, restera comme une hypnotique vision de la solitude…

Ce duo des danseurs bordelais fût incontestablement un moment fort de la soirée, préalablement servi par un quatuor formidable signé Angelin Preljocaj. Tiré de son ballet « Gravité» (2018) qui propose des tableaux très diversifiés à partir d'un montage musical, le chorégraphe a choisi de montrer ici celui qui est interprété sur le Concerto pour piano, trompette et orchestre de Chostakovicth. Deux danseuses de sa compagnie ( et , impressionnantes) commencent à mouliner leurs mains, à toute vitesse et ce, sur une incroyable durée, avant que deux danseurs ( et ) ne les prennent… en main. Le quatuor, très physique, parfois même un peu trop gymnique, détient une force catapultée et visuellement très réussi, puisque ces quatre corps en blanc, fort bien éclairés, semblent comme des statuaires mouvantes qui se dessinent dans un espace indéfectiblement noir.

En clôture, le Ballet de l'Opéra de Paris a délégué quatre Etoiles maison, Dorothée Gilbert, Hannah O'Neill, Valentine Colasante et Mathieu Ganio, qui s'empare de chacune d'entre elles avec un romantisme fou dans Who cares ? de , entré au répertoire l'an dernier. Présenter ces solos et duos ne permet pas, là encore, d'entrer dans l'univers tap dance et Broadway du ballet. Et les puristes balanchiniens n'y reconnaîtraient sans doute pas leur Mister B, dans cette poésie trop douce et insuffisamment jazzy des danseurs français. Mais qu'à cela ne tienne, C'est d'une beauté fulgurante, dansé avec talent, et superbement emmené principalement par et , poête cherchant sa belle dans un New York aux gratte-ciels éloquents. L'Opéra de Paris s'offre ici un « happy end » payant, pour une soirée riche, mais bien trop courte (1h10 sans entracte, et sans orchestre…)

Crédits photographiques : © Agathe Poupeney ; © Pierre Planchenault ; © JC Carbonne

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Paris. Théâtre des Champs-Elysées. 12- III- 2024. Soirée FrancenDanses. Dans le cadre de TranscenDanses.
Giselle (acte II, pas de deux). Chorégraphie : Martin Chaix. Musique : Adolphe Adam. Avec : Di He et Rubén Julliard, CCN-Ballet de l’Opéra National du Rhin, direction : Bruno Bouché

Extrait de gravité (2018). Chorégraphie: Angelin Preljocaj. Musique : Dimitri Chostakovitch. Avec : Mirea Delogu, Antoine Dubois, Clara Freschel, Baptiste Coissieu, Ballet Preljocaj, direction : Angelin Preljocaj

Softly, As I leave you (1994). Chorégraphie : Sol León & Paul Lightfoot. Musique : Arvo Pärt et J.S Bach. Avec : Hélène Bernadou, Kylian Tilagone, Ballet de l’Opéra National de Bordeaux, direction : Eric Quilleré

On the Nature of Daylight (Duo). Chorégraphie : David Dawson. Musique :
Max Richter. Avec : Di He et Rubén Julliard, CCN-Ballet de l’Opéra National du Rhin, direction : Bruno Bouché

Who cares ? (Extraits). Chorégraphie : George Balanchine. Musique :
George Gerschwin. Avec :  Mathieu Ganio, Dorothée Gilbert, Hannah O’Neill, Valentine Colasante, Etoiles de l’Opéra national de Paris, Ballet de l’Opéra National de Paris, direction : José Martinez

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