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Canine Jaunâtre 3 : comme un joli sourire avec une dent moche

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Maison de la danse, Lyon. 5.III. 2024. Première française. Entrée au Répertoire du Ballet de l’Opéra de Lyon. Canine jaunâtre 3. Chorégraphie, costumes et musique : Marlene Monteiro Freitas. Scénographie : Yannick Fouassier, Marlene Monteiro Freitas. Lumières : Yannick Fouassier. Son : Rui Antunes. Avec les Danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon.

Le titre de la pièce renversante de la chorégraphe parle de lui-même. Oyez âmes sensibles, ce spectacle grinçant perclus d'inventivité et de trouvailles dansées, chantées, mimées, caricaturées, donne à penser pour longtemps.

Il en va d'une épopée sportive absurde, les vingt cinq danseurs du Ballet de l'Opéra de Lyon envahissent la scène avec grâce, dans des postures parfois incongrues (vomir, tousser, bugger, se gratter très très longuement et partout…), revêtus du dossard numéro 3, dotés de gants en plastique violet, d'une tenue de basket XXL, short et T-shirt en simili velours noir, rouge à lèvres rouge détourant la bouche à la clown triste inquiétant et au visage blanchi.

L'entrée des danseurs en silence se plaçant en ronde pour chanter a capella, de façon recueillie, The Wheeping song de Nick Cave, force déjà le respect. C'est une tempête de gestes qui s'en suit, difficiles à décrire et même à regarder dans leur ensemble parfois ; tant tout mouvement compte et s'articule dans un grand flot de déhanchés robotiques qui se libèrent par l'animalité, ou pas, puis reviennent à une réflexion sur les limites de notre humanité, le sens du cynisme, la barbarie toujours à venir en dépit d'efforts éthiques désespérants.

Ce serait un match nul de tennis (Home 0/ Guest 0), le filet, situé en avant-scène, sépare d'ailleurs les interprètes du public. Les danseurs prodiges s'y glissent comme des oiseaux sur un fil. Le ton oscille entre les Temps modernes de Chaplin et un marathon fantastique, tel un cauchemar dans lequel la course folle vers le jeu frénétique ferait voyager en un univers, où tout se lie en boucle sans jamais s'arrêter (chaîne de montage cathartique qui nous délivrerait par l'Art de nos terreurs ou anneau de Moebius, va savoir).

La grande chorégraphe à l'aura magnétique avait créé cette pièce extraordinaire, et loufoque sans l'être, pour la Batsheva Dance Company en 2018. Elle s'inspire certes des carnavals de son enfance cap-verdienne, mais pour les détourner vers d'autres horizons cognitifs, rien n'y est grotesque, tout est burlesque, et finement ciselé. « The audience », le public, est invité à interagir, tout à coup, à se sortir de sa torpeur, à répondre à l'appel du danseur. Succès garanti !

D'une reprise de Back to Black d'Amy Winehouse à une parodie du Lac des Cygnes, le son et leurs chants justes surprennent et enchantent, déclenchant des larmes ou des rires étouffés. Nous ne savions pas encore que les danseurs du Ballet de l'Opéra de Lyon chantaient aussi bien, toujours aussi doués pour tout répertoire du classique aux performances. Avec la chorégraphe, ils ont adoré danser comme « hypnotisés », disent-ils.

Dans ce spectacle, on entend aussi Nina Simone ou Steve Reich. Difficile, encore, de décrire cette prouesse sans entracte effectif, ce dernier se fait avec le public, tant elle regorge de signes ; les vingt cinq danseurs se mouvant en triade ou en escadrille, virevoltant sans cesse, engageant la conversation avec notre âme. Le défi fou de suivre la chorégraphe virtuose est relevé haut la main par le Ballet de l'Opéra de Lyon, qui y mobilise toutes ses ressources.

Cette entrée à son répertoire du Ballet de l'Opéra de Lyon fera date, interrogeant au plus juste notre rapport au monde et au jeu ici, sous ses angles les plus retors, en fascinant par la beauté et la profondeur du résultat.

Crédits photographiques : © Peter Hönneman

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Maison de la danse, Lyon. 5.III. 2024. Première française. Entrée au Répertoire du Ballet de l’Opéra de Lyon. Canine jaunâtre 3. Chorégraphie, costumes et musique : Marlene Monteiro Freitas. Scénographie : Yannick Fouassier, Marlene Monteiro Freitas. Lumières : Yannick Fouassier. Son : Rui Antunes. Avec les Danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon.

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