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Sur l’échiquier d’Alice avec Sofia Avramidou

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Paris. Cité de la Musique- Philharmonie de Paris. Le Studio. 10-III-2024. Sofia Avramidou (née en 1988) : De l’autre côté d’Alice, pour soprano, comédiens/marionnettistes, quatre instrumentistes et électronique (CM) ; Livret de Mélanie Le Moine d’après De l’autre côté du miroir de Lewis Carroll ; mise en scène, Aurélie Hubeau. Mathilde Barthélémy, soprano ; Solistes de l’Ensemble Intercontemporain : Alain Billard, clarinette basse ; Éric-Maria Couturier, violoncelle, Nicolas Crosse, contrebasse ; Aurélien Gignoux, percussion ; Étudiants de l’École nationale supérieure des arts de la marionnette de Charleville-Mézières : en alternance : Élise Cornille, Gurvan Grall, Luana Montabonel et Maxence Moulin /Marina De Munck, Julie Gouverne, Pierre Lac et Lucas Sivignon, comédiens-marionnettistes ; Julien Aléonard, ingénieur du son et RIM ; Julie Faure-Brac, direction plastique, construction des marionnettes et couture ; Ionah Mélin, scénographie et accessoires ; Samuel Ferrand, lumière.

Enfants et parents sont nombreux dans le Studio de la Philharmonie de Paris, préparés pour certains d'entre eux en amont par les artistes, pour assister au spectacle de la compositrice , De l'autre côté d'Alice, réunissant chanteuse, marionnettistes-comédiens et solistes de l'.

La compositrice et chanteuse grecque aime la littérature, les contes et Lewis Carroll qu'elle a déjà sollicité dans sa pièce de Cursus à l'Ircam, Keep digging the hare hole, en 2017. C'est le deuxième livre, moins connu, d'Alice au pays des merveilles (De l'autre côté du miroir et ce qu'Alice y trouva) qui l'inspire dans ce nouvel ouvrage scénique spécialement conçu pour le jeune public et dont écrit le livret. L'histoire est la suivante : ayant passé à travers le miroir qui orne la cheminée du salon, Alice se retrouve dans un monde étrange où les personnages sont des pions évoluant sur un échiquier géant dont les cases sont quadrillées par des ruisseaux. Elle va les franchir tant bien que mal, au fil de rencontres aussi étonnantes que farfelues. Car au bout du plateau, elle veut devenir reine… Sur scène, la chanteuse , quatre instrumentistes de l'EIC (clarinette basse, violoncelle, contrebasse électrique et percussion) et quatre marionnettistes-comédiens (les étudiant.e.s de l'Institut international de la marionnette de Charleville-Mézières), tous dirigés par la metteuse en scène et marionnettiste .

Ainsi l'héroïne est-elle une marionnette, imaginée par et construite par Coline Fouilhé et Julie Faure-Brac ; pas vraiment jolie mais rigolote, la petite fille joufflue à lunettes est en short et baskets, avec une voix « plurielle » (principe de choralité, souligne ) dans le sens où les quatre marionnettistes/comédiens et la chanteuse elle-même lui prêtent leur voix. Un jeu d'échecs géant occupe le bord du plateau dont chaque case/bloc servira de matériau de décor ; on déconstruit l'échiquier pour bâtir un autre élément scénique au fil de la dramaturgie ; tandis que les huit cases du jeu sont autant d'épisodes extraordinaires que va vivre Alice et qui la feront grandir. Elle s'interroge tout au long du parcours : qui rêve et qui raconte? Une question qui renvoie à la parabole célèbre de Tchouang-tseu (dans « Le Rêve du papillon ») sur l'identité des personnes et des choses. « Je pleure donc j'existe », dit Alice au sortir d'une aventure particulièrement éprouvante.

Si la dimension philosophique plane au-dessus de nos têtes blondes, comme certains jeux de langage un rien virtuoses de la part des comédiens, les images, les couleurs et le rythme joyeux du plateau (très, parfois trop, soutenu!) qu'entretiennent nos quatre marionnettistes/comédiens nous tiennent en haleine. Ces derniers manipulent, jouent la comédie et s'inscrivent parfois dans le mouvement musical avec un parlé-rythmé exigeant. Après l'arrivée des fleurs géantes (leur créatrice est Julie Faure-Brac) qui parlent et chantent (premier air de ), le personnage de la Reine rouge et son costume extravagant font autorité. Il révèle les talents d'un gosier tout terrain (celui de toujours) à travers ses excentricités vocales auxquelles participent les instrumentistes en fond de scène et le traitement électronique. Les événements s'enchaînent selon la logique du rêve, irrationnelle et fantastique ! Après l'intervention des contrôleurs de la RATP, la « case » du papillon (Tchouang-tseu n'est pas loin!) et celle du « bois où les choses n'ont pas de nom » calment le jeu et font advenir l'aura poétique : « Être le rêve de quelqu'un », chante la soprano sur un accompagnement très fin des instrumentistes. Épaulés par l'électronique, les quatre musiciens (Alain Billard, Éric-Maria Couturier, Nicolas Crosse et Aurélien Gignoux) sont présents sur tous les fronts, assurant le bruit des transports en commun, la sonorisation des jeux vidéos ; ils donnent même à entendre le ronflement du Roi! L'épisode du cavalier blanc et de sa prisonnière fait valoir la virtuosité des marionnettistes (sans la musique cette fois) tandis que la pauvre Alice, ballottée d'un bord à l'autre, résiste vaillamment à ce mauvais traitement. L'afflux de tous les personnages sur scène à la huitième case où elle devient reine, vire au chaos et à la cacophonie, à la limite du cauchemar pour Alice qui met un terme à son rêve : le pays des merveilles n'est pas toujours celui des rêves !

Le spectacle, on l'aura compris, s'adresse aux petits comme aux grands, Lewis Carroll autant que le livret de proposant différents niveaux de lecture. Le travail collaboratif opère dans cette éblouissante féérie où la jeunesse du plateau, le rythme soutenu et le flux d'idées mettent en alerte les yeux et les oreilles, donnant à chaque composante de l'écriture, le son, la voix, l'imagerie du texte mais aussi le geste des marionnettistes, sa place et son plein rayonnement.

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Paris. Cité de la Musique- Philharmonie de Paris. Le Studio. 10-III-2024. Sofia Avramidou (née en 1988) : De l’autre côté d’Alice, pour soprano, comédiens/marionnettistes, quatre instrumentistes et électronique (CM) ; Livret de Mélanie Le Moine d’après De l’autre côté du miroir de Lewis Carroll ; mise en scène, Aurélie Hubeau. Mathilde Barthélémy, soprano ; Solistes de l’Ensemble Intercontemporain : Alain Billard, clarinette basse ; Éric-Maria Couturier, violoncelle, Nicolas Crosse, contrebasse ; Aurélien Gignoux, percussion ; Étudiants de l’École nationale supérieure des arts de la marionnette de Charleville-Mézières : en alternance : Élise Cornille, Gurvan Grall, Luana Montabonel et Maxence Moulin /Marina De Munck, Julie Gouverne, Pierre Lac et Lucas Sivignon, comédiens-marionnettistes ; Julien Aléonard, ingénieur du son et RIM ; Julie Faure-Brac, direction plastique, construction des marionnettes et couture ; Ionah Mélin, scénographie et accessoires ; Samuel Ferrand, lumière.

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