Un Projet Pinocchio inabouti à l’Opéra Bastille

A destination du jeune public, la compagnie Cas Public a présenté à l'amphithéâtre de l'Opéra Bastille un spectacle déconcertant autour du personnage Pinocchio.

Un écran qui s'allume, un joli dessin animé montrant un bout de bois qui est taillé et qui s'anime peu à peu. Des danseurs qui arrivent sur scène avec une grande poupée et commencent à lui crier dessus dans plein de langues en même temps que la vidéo diffuse des images d'un paysage enneigé. On peut imaginer alors que le récit inspiré par le personnage de Pinocchio va s'orienter vers la notion d'apprentissage qui au cœur du conte initiatique de Carlo Collodi, mais l'attention de la chorégraphe Hélène Blackburn est d'axer son propos sur la question de la métamorphose. De métamorphose, il en est bien sûr question dans le conte de Pinocchio et l'on retrouvera le nez qui s'allonge, les ânes et les mains en bois dans le ballet, mais sans que tout cela ne soit relié à une trame narrative. L'on se perd un peu dans la multiplicité des intentions : à force de vouloir trop en dire, le propos en devient finalement confus. Il est bien entendu possible de proposer des œuvres abstraites à des jeunes spectateurs, mais ici le titre suscite un horizon d'attentes qui ne correspond pas à la réalité du spectacle.

Les six danseurs, tous talentueux (Alexander Ellison, Gianni Illaquer, Leah Hamel, Douglas Oliveira avec une mention spéciale pour Norika Isomura et Adrian Maxwell-Campagna) s'emparent avec énergie de la chorégraphie. Ils sont jeunes, pour la plupart fraîchement diplômés de leurs écoles de danse respectives et leur joie de danser se transmet à la salle. L'amphithéâtre de l'Opéra Bastille est d'ailleurs un écrin de choix pour faire découvrir la danse aux enfants : tous les spectateurs voient bien la scène et sont au plus proche des gestes et des expressions des danseurs, ce que les petits spectateurs n'ont pas manqué de souligner au sortir de la salle.

Les scènes variées se succèdent à un rythme adapté à l'attention des enfants. Deux sont particulièrement réussies : celle où les interprètes revêtent leur bonnet d'âne et la scène suivante où tous se meuvent sur une musique d'inspiration traditionnelle. D'autres scènes sont par contre particulièrement gênantes. L'utilisation d'une poupée de chiffon anthropomorphe de la taille d'un enfant de 4-5 ans pour symboliser Pinocchio interroge et peut susciter une certaine peur chez les plus jeunes. Ces poupées inertes, parfois au nombre de deux, engendrent même le malaise lorsqu'elles sont trainées par terre telles des cadavres, d'autant plus qu'un des danseurs ( Adrian Maxwell-Campagna) est revêtu au même moment d'un costume évoquant une momie ou un linceul. Les autres costumes font plus penser aux tenues de travail des danseurs qu'à des vêtements de scène et encore moins à quoi que ce soit qui évoque le conte. La partie vidéo, est finalement celle qui évoque le plus le lien avec l'histoire de Pinocchio et elle est visuellement la plus réussie, mais elle est trop déconnectée de la danse pour instaurer un véritable dialogue avec la scène. Au final, malgré quelques bonnes idées et la qualité des interprètes, ce Projet Pinocchio a déçu tant les enfants que leurs accompagnateurs de part sa confusion et son trop grand décalage avec son sujet.

Crédits photographiques : © Bordo Moncsi /Opéra national de Paris

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