Kirill Petrenko rend un superbe hommage à Rachmaninov

Pour célébrer le 150ᵉ anniversaire de la naissance de Sergueï Rachmaninov en 2023, Kirill Petrenko met la virtuosité et la puissance de ses musiciens berlinois au service de quatre de ses chefs d'œuvre. 

Après une première parution anniversaire, nous parvient ce coffret hommage regroupant en 2 CD et 1 Blu-ray quatre partitions majeures dirigées par Kirill Petrenko qui affirme que «la musique de Rachmaninov revêt une signification considérable pour (lui) ». Le témoignage le plus ancien, les Danses symphoniques, que Simon Rattle avait le premier dirigées avec les Berlinois, datent du 15 février 2020, juste avant la pandémie. En concert, devant la salle comble, Petrenko magnifie la tension rythmique et l'orchestration luxuriante de cet ultime chef d'œuvre symphonique de Rachmaninov, qui s'achève par une apothéose fondée sur le Dies Irae qui sous-tend également les deux autres pièces symphoniques. Le chef russe use avec une visible jouissance de la puissance sonore de son orchestre, notamment dans des fortissimos cataclysmiques.

L'année suivante, en 2021, il dirige l'Île des morts, l'orchestre en habit mais devant une salle vide et la Symphonie n° 2 devant un public clairsemé, distanciation sanitaire exige. Cela ne l'empêche pas de faire resplendir la formidable orchestration du poème symphonique ni de construire avec majesté et lyrisme mais sans tomber la symphonie dans la précipitation fâcheuse qui grevait ses premières exécutions berlinoises (Beethoven et Franz Schmidt). La finesse du rendu orchestral du poème comme la grandeur de la symphonie, qui tous deux mettent en valeur les solistes berlinois, notamment les bois, dans un répertoire qui ne leur est pas le plus familier, ne méritent que des éloges.

Reste enfin le Concerto pour piano n° 2, « tube » absolu du compositeur joué en juin 2022 en plein air dans le gigantesque amphithéâtre bondé de la Waldbühne. Cette fois, l'électricité propre au concert nous vaut une version survoltée, où le pianiste Kirill Gerstein n'est pas en reste pour répondre à cet orchestre virtuose mais souvent très extérieur. La caméra s'attarde complaisamment sur la décontraction d'un public néanmoins attentif (mention au gros plan d'un bébé qui arrache consciencieusement des mauvaises herbes sur les marches pour les offrir à sa maman).

L'ensemble forme un superbe hommage au compositeur russe avec une somptuosité orchestrale constante et une direction plus mesurée et équilibrée que pour les premiers témoignages de Petrenko, mais pas forcément possédée par le souffle que mettent à diriger ces œuvres magistrales d'autres grands chefs russes comme Svetlanov, Rojdestvensky ou Ashkenazy qu'on garde en tête de nos préférences discographiques.