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Le Requiem de Verdi tout de noir vêtu par Christian Spuck et le Ballet de Zurich

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Zurich. Opernhaus. 2-III-2024. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Missa da Requiem. Mise en scène et chorégraphie : Christian Spuck ; décor : Christian Schmidt ; costumes : Emma Ryott. Eleanor Lyons, soprano ; Agnieszka Rehlis, mezzo ; Stephen Costello, ténor ; Georg Zeppenfeld, basse. Ballett Zürich ; Chœur de l’Opéra de Zurich ; Philharmonia Zürich, direction : Marco Armiliato

Avec une belle distribution musicale dominée par , l'ancien directeur de la troupe se laisser happer par une abstraction qui manque de chaleur humaine.


Christian Spuck aime le Requiem de Verdi depuis l'adolescence. Avouons-le, ce n'est pas notre cas, ce qui n'interdit pas de tenter à l'occasion de percevoir cette fascination, ces sommets émotionnels que lui comme la grande majorité des mélomanes y perçoivent – l'amateur de danse étant habitué à son corps défendant à bien pire en matière musicale, notre admiration pour le travail de Spuck compensera-t-elle cette réticence préalable ?

Le ballet qu'il a créé en 2016 pour le qu'il dirigeait alors était une collaboration entre le secteur chorégraphique et le secteur lyrique de l'Opéra de Zurich. Contrairement à l'habitude au ballet, ce ne sont pas des musiciens de second ordre qui interprètent l'œuvre : en 2016, c'était le directeur musical Fabio Luisi qui dirigeait, c'est cette fois , et les solistes sont tout autant de premier plan – y compris la soprano , remplaçant au pied levé Krassimira Stoyanova. Armiliato dirige la partition avec une fougue qui n'interdit pas le travail de détail sur les couleurs orchestrales, et il offre aux chanteurs un accompagnement flatteur : , hélas, ne fait pas dans la nuance, contrairement à la mezzo , qui unit les possibilités instrumentales de son riche timbre à des accents plus dramatiques, plus âcres, sans faute de style ni de goût. On retiendra cependant surtout ici , haute stature qui s'impose même dans la pénombre scénique, et voix d'airain qui donne à sa partie une présence émotionnelle qu'on ressent trop peu dans le reste de la soirée.

Non seulement le spectacle mobilise les effectifs considérables réclamés par la partition, mais Spuck avait recouru à l'intégralité de la troupe du , solistes comme corps de ballet. Tous sont sur scène : les interactions entre les solistes et les danseurs sont limitées, mais la présence du chœur (pour les moments où il est requis) permet de structurer l'espace, au risque parfois de créer un effet de masse qui n'aide pas les danseurs à capter notre attention.


Christian Spuck est un remarquable raconteur d'histoires, ses versions de Lulu et d'Anna Karénine le montrent ; il n'a pour autant pas peur de l'abstraction, on avait pu le voir sur la même scène avec sa formidable Fille aux allumettes, en réponse à la sévère partition de Helmut Lachenmann. Sa version du Requiem de Verdi a beaucoup plus à voir avec ce dernier spectacle qu'avec ses pièces narratives, bien entendu, mais il ne peut pas ici se fonder sur un équivalent du complexe propos politique et humain que Lachenmann développe dans son œuvre : le haut degré d'abstraction que vise Spuck, refusant toute forme de narration et de personnages, paraît ici un peu lassant, d'autant que le noir domine la scène. C'est le cas des costumes tout comme du décor, qui ne devient mobile qu'à la toute fin du spectacle, pour une image finale qui n'est d'ailleurs pas sans force ; seules quelques touches de couleur apparaissent dans les costumes après la première apparition du Dies irae, sans pouvoir dissiper l'impression écrasante du début du spectacle. Les solos, duos, trios qui constituent l'essentiel du spectacle sont un bel exemple de l'art élégant, d'inspiration néo-classique, qui nous séduit souvent dans les pièces de Spuck, et sans doute ils nous raviraient dans un autre contexte ; ainsi écrasés par la pénombre, refusant toute individuation aux danseurs qu'on voit arriver et partir sans qu'on en voie la nécessité, ils ne parviennent pas à susciter en nous l'émotion qu'ils semblent pourtant constamment appeler. Les danseurs du sont ici sans reproche, mais le contexte est tel qu'on ne les différencie qu'à peine.

Spuck entend donner une interprétation humaine du monument verdien, tourné vers la pensée de la mort et non vers la menace du châtiment que texte et musique évoquent constamment, mais on peine à retrouver ce regard à hauteur d'homme qu'un autre célèbre Requiem chorégraphique, celui tout en lumière de Kenneth McMillan sur la musique de Fauré, évoquait avec une éloquence bien plus grande.

Crédits photographiques : Gregory Batardon

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Zurich. Opernhaus. 2-III-2024. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Missa da Requiem. Mise en scène et chorégraphie : Christian Spuck ; décor : Christian Schmidt ; costumes : Emma Ryott. Eleanor Lyons, soprano ; Agnieszka Rehlis, mezzo ; Stephen Costello, ténor ; Georg Zeppenfeld, basse. Ballett Zürich ; Chœur de l’Opéra de Zurich ; Philharmonia Zürich, direction : Marco Armiliato

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