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András Schiff dans un récital étincelant à la Philharmonie de Paris

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Philharmonie de Paris. Grande Salle Pierre Boulez. 1-III-2024. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Capriccio « sur le départ de son frère bien-aimé » BWV 992, Ricercare à trois voix (Extrait de L’Offrande musicale BWV 1079) ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Fantaisie en ut mineur K.475 ; Jean-Sébastien Bach : Suite française n°5 en sol majeur BWV 816 ; Wolfgang Amadeus Mozart : Eine kleine Gigue K. 574 ; Robert Schumann (1810-1856) : Davidsbündlertänze op. 6 ; Felix Mendelssohn (1809-1847) : Variations sérieuses op. 54 ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°17 op.31 n°2 en ré mineur « La Tempête ». Sir András Schiff, piano

Prodigieux récital donné par dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie, convoquant Mozart, Schumann, Mendelssohn, Beethoven sous l'égide de leur principal devancier : .

« Accompagné » d'un splendide Bösendorfer aux éclats rougeoyants, Schiff déploie un jeu d'une légèreté et d'une subtilité saisissantes. Avec une grande économie de moyens, il donne à entendre un Bach d'une précision absolue, faisant redécouvrir d'abord une œuvre de jeunesse, l'aimable Capriccio « sur le départ de son frère bien-aimé », puis le Ricercare à trois voix, hallucination nichée au sein de l'Offrande musicale, aux contrepoints spectaculaires de netteté.

Avec son sens aigu de la construction, Schiff fond l'incipit de la Fantaisie en ut mineur de Mozart dans l'écho des dernières notes du Ricercare de Bach. Il livre alors une interprétation fascinante, toute en intériorité, de cette œuvre dépouillée, donnant à chaque pause ou respiration, une densité rare : c'est du silence que provient la musique, proclame justement son dernier ouvrage.

Une lumineuse Suite française n°5 de Bach survient ensuite, pleine d'allant et d'élégance. Avec un malin plaisir, Schiff lui adjoint sans interruption la vibrionnante Petite Gigue de Mozart. Dans les Davidsbündlertänze de Schumann, Schiff met la finesse classique de son jeu au service du pur romantisme. Le résultat est bouleversant : les deux faces antagonistes de l'œuvre, tantôt solaire (Florestan) tantôt méditative (Eusebius), sont explorées avec un lyrisme parfaitement dosé en même temps qu'une grande clarté d'exposition.

En incipit des Variations sérieuses de Mendelssohn, Schiff prend la liberté de placer un imprévu Prélude et Fugue de Bach. Passée la surprise, l'effet est réussi : « un programme est une composition », prévient l'artiste en exergue du programme. On suit bien volontiers. La partition de Mendelssohn est interprétée avec une grâce tournoyante, qui sublime la virtuosité de quelques unes de ces Variations, et rend justice à la rêverie des autres.

La Sonate n°17 de Beethoven (« La Tempête »), enfin, est un modèle de narration, d'une sobriété passionnée. Schiff ne force jamais le trait mais laisse s'exprimer la partition tandis que le Bösendorfer fait merveille. Les thèmes obsessionnels qui hantent l'œuvre, dont celui rebattu du dernier mouvement, ne sont ainsi jamais lassants, marquant au contraire une progression de l'émotion, qui tient aussi à la part du silence.

Schiff gratifie enfin son public enthousiaste de quelques bis : le premier mouvement de la Sonate « facile » de Mozart, le premier mouvement du Concerto italien de Bach, deux Romances sans parole de Mendelssohn dont la célèbre « Fileuse », enfin le Gai laboureur de Schumann. Il lui faudra finalement fermer le clavier du Bösendorfer pour mettre fin à cette soirée éblouissante.

Crédit photographique : Nicolas Brodard / Piano 4 étoiles

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Philharmonie de Paris. Grande Salle Pierre Boulez. 1-III-2024. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Capriccio « sur le départ de son frère bien-aimé » BWV 992, Ricercare à trois voix (Extrait de L’Offrande musicale BWV 1079) ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Fantaisie en ut mineur K.475 ; Jean-Sébastien Bach : Suite française n°5 en sol majeur BWV 816 ; Wolfgang Amadeus Mozart : Eine kleine Gigue K. 574 ; Robert Schumann (1810-1856) : Davidsbündlertänze op. 6 ; Felix Mendelssohn (1809-1847) : Variations sérieuses op. 54 ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°17 op.31 n°2 en ré mineur « La Tempête ». Sir András Schiff, piano

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