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Au Louvre, les cordes de l’Orchestre de Paris dans la salle des batailles

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Paris. Musée du Louvre. 2-III-2024. Salle Le Brun. Heinrich Ignaz Franz Biber (1644-1704) : Battalia a 10 en ré majeur C 61 pour cordes et clavecin ; Georges Enesco (1881-1955) : Octuor à cordes en ut majeur op.7 ; ensemble de cordes de l’Orchestre de Paris et Klaus Mäkelä (violoncelle)

Le Musée du Louvre a donné carte blanche au chef et violoncelliste et à l', un projet en six dates (courant de mars à juin) tressant des liens entre musique et toiles de maîtres.

Le premier rendez-vous est dans la Salle 914 dite « Le Brun » abritant les toiles monumentales du peintre figurant les batailles d'Alexandre le Grand, l'un des plus fiers conquérants de l'histoire qui fascinait Louis XIV : une manière pour Charles Le Brun d'asseoir sa prééminence artistique à la cour avec des formats gigantesques qu'aucune galerie, à l'époque, n'avait pu accueillir toutes ensemble.

L'estrade a été dressée devant les toiles, accueillant les cordes de l' avec leur chef qui est ce soir dans le rang, au côté de sa partenaire violoncelliste Manon Girardot. Le programme d'une heure réunit deux œuvres rares du répertoire : la Battalia a 10 du Bohémien (né près de Prague en 1644) et l'Octuor à cordes du Franco-roumain dont l'exécution publique est toujours un événement.

Collant à la thématique picturale, Battalia a 10 – quatre violons, quatre altos et deux violoncelles – avec continuo (la claveciniste Marie van Rhijn) d' est, à sa manière, pittoresque. La musique peint au XVIIᵉ siècle, le compositeur mettant à l'œuvre toutes les ressources des cordes pour faire entendre et vivre la bataille : archet battant la corde avec le bois, pizziccatos de main gauche ou claquant sur le manche, frappe de pieds des interprètes imitant les tambours, évocation des sabots des chevaux : autant de modes de jeu bruitistes qui colorent cette fresque sonore témoignant de l'imagination du compositeur. Dans l'Allegro du 2 (« La compagnie dissolue pleine d'humour »), Biber décrit la cacophonie en faisant entrer successivement chaque instrument dans un ton différent pour former au final un cluster dissonant. En revanche, l'Aria n'est que séduction sous l'ornementation gracieuse du premier violon (Nikola Nikolov) quand l'Adagio final (« Lamento des mousquetaires blessés ») fait entendre un chromatisme dépressif frôlant la dissonance : musique à programme anticipant de deux siècles les aspirations d'un Berlioz, Battalia a 10 est un petit chef d'œuvre joué avec beaucoup d'élan et un plaisir non dissimulé par les dix archets en parfaite synergie.

Moins batailleur peut-être mais tout aussi fougueux, l'Octuor à cordes op.7 (1900) en do majeur d'Enesco (quatre violons, deux altos et deux violoncelles) est l'ouvrage d'une quarantaine de minutes d'un prodige de 19 ans, violoniste et compositeur, qui manie en virtuose la forme autant que l'écriture : la référence à Liszt est patente, dont le jeune Enesco reprend le modèle formel de sa Sonate en si mineur où les quatre mouvements enchaînés sont organiquement liés. Est prégnant également, dans l'invention mélodique, le mélos populaire cher au musicien d'origine roumaine qui se disait « enfant de la terre » ; s'ajoutent, à une écriture aussi mouvante que foisonnante, le lyrisme postromantique et la richesse du contrepoint. Ainsi ces canons entre le violon et l'alto dans un premier mouvement « très modéré » où la tendance rhapsodique et ses fluctuations de tempo donnent au flux musical vitalité et liberté. Noté « très fougueux », le deuxième mouvement resserre d'autant le maillage de l'écriture, évoquant parfois le climat dramatique et tendu de Verklärte Nacht (La nuit transfigurée) écrite l'année précédente par Schönberg. Le mouvement lent est une cantilène suave que se partagent violons et altos, appelant les divins contrechants des violoncelles dans un équilibre des forces souverain. La valse finale confine au fantastique, entretenant la surenchère expressive et les lignes tendues vers des sommets paroxystiques. L'énergie y est constamment réamorcée et la sonorité toujours contrôlée dans une acoustique plutôt généreuse que les musiciens ont su parfaitement dompter.

Survolté et quasi guerrier sous les archets incandescents des huit artistes, l'Octuor à cordes d'Enesco ne démérite pas aux côtés des batailles d'Alexandre le Grand.

Crédits photographiques : © Mathias Benguigui Pasco & Co ; © ResMusica

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Paris. Musée du Louvre. 2-III-2024. Salle Le Brun. Heinrich Ignaz Franz Biber (1644-1704) : Battalia a 10 en ré majeur C 61 pour cordes et clavecin ; Georges Enesco (1881-1955) : Octuor à cordes en ut majeur op.7 ; ensemble de cordes de l’Orchestre de Paris et Klaus Mäkelä (violoncelle)

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