Ilya Gringolts et Pascal Rophé pour les paysages de Michael Jarrell

Pascal Rophé et l'Orchestre National des Pays de la Loire poursuivent leur exploration de l'oeuvre orchestral de Michael Jarrell avec des solistes de premier rang. Ilya Gringolts prend la relève de Tabea Zimmermann et Renaud Capuçon.

Au fil des années, Pascal Rophé trace avec le label Bis un parcours discographique sous le double signe d'œuvres rares du début du XXᵉ siècle à aujourd'hui, de Ravel (Cantates de Rome), Dutilleux (le ballet Le Loup), Dusapin (A Quia…) et donc Michael Jarrell avec des solistes de référence, Véronique Gens, Michael Spyres, Carolin Widmann, entre autres.

Michael Jarrell bénéficie de son deuxième album monographique, qui voit Ilya Gringolts prendre la relève de Tabea Zimmermann et Renaud Capuçon. Dans Paysages avec figures absentes – Nachlese IV, pièce pour violon et orchestre composée en 2009, le compositeur s'était attaché à ne pas développer les figures engendrées par le violiste, d'où cette idée de « paysages avec figures absentes », un titre repris directement du livre de l'écrivain et poète Philippe Jaccottet (NRF, 1970) sur la campagne, la nature, sa condition d'homme. Moments étals et zébrés, éclats et échos, réverbérations et résonances, temps qui s'écoule et s'égoutte, un voyage poétique de 18 minutes.

Sechs Augenblicke (Six moments) pour orchestre est la pièce la plus récente de cet album, composée en 2022, mais sans rupture d'univers par rapport aux Paysages, dont elle partage la durée. Écrite durant le confinement, Jarrell n'a pas conçu ces six pièces comme un ensemble cohérent, ce sont des moments qui ne constituent pas un ensemble achevé, même si les deux pièces centrales les plus courtes (une minute trente environ chacune) sont aussi celles qui ont la matière la plus concentrée, comme une implosion. Matière concentrée ne veut pas dire la plus sonore : ce sont aux deux extrémités de l'œuvre qu'on l'on trouve carillons déclamatoires, colonnes sonores et éclats de percussions.

…un long fracas somptueux de rapide céleste… pour percussions et orchestre est la pièce la plus ancienne, puisqu'elle remonte à 1998. Elle a également une source littéraire, Un balcon en forêt de Julien Gracq, qui évoque une bataille sur la Meuse et le fracas des canons. Rien de martial dans cette composition économe de moyens qui s'ouvre effectivement sur une explosion initiale de l'orchestre et des percussions, avant de laisser le soliste Florent Jodelet prendre progressivement tout l'espace, et que cet espace devienne à son tour silence, ni apaisé ni angoissant, juste le silence infini…

Comme toujours avec Pascal Rophé, ce répertoire de notre XXIᵉ siècle sonne avec clarté, vigueur et poésie, comme une évidence, donnant à la grande formation symphonique la finesse et l'agilité des petits ensembles.