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La Venise baroque transplantée à l’Arsenal de Metz

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Metz. Grande salle de l’Arsenal. 21-II-2024. Francesco Cavalli (1602-1676) : scènes extraites de Eliogabalo et La Calisto. Claudio Monteverdi (1567-1643) : scènes extraites de L’incoronazione di Poppea et Il ritorno di Ulisse in patria. Domenico Freschi (1634-1710) : scènes extraites de Tullia superba et Olimpia vendicata. Antonio Sartorio (1630-1680) : scènes extraites de Giulio Cesare. Carlo Pallavicino (1630-1688) : scènes extraites de Messalina. Giovanni Legrenzi (1626-1690) : scènes extraites de Totila. Marc’Antonio Ziani (1653-1715) : scènes extraites de Alessandro magno in Sidone. Pietro Andrea Ziane (1616-1684) : scène extraite de La Candaule. Avec Claire Lefilliâtre, soprano ; Isabelle Druet, mezzo-soprano ; Mélodie Ruvio, alto ; Cyril Auvity, ténor. Les Épopées, direction et clavecin : Stéphane Fuget

Un programme original et ambitieux, porté par une équipe convaincue et enthousiaste. Une meilleure communication auprès du public aurait certainement permis d'apprécier encore plus le caractère résolument innovant du concert.


On ne pourra que rendre grâce à et à son ensemble de leur projet de faire revivre les opéras vénitiens peu connus de la deuxième moitié du XVIIᵉ siècle. Après Monteverdi et Cavalli, les pionniers dans la création du genre musical de l'opéra encore tout nouveau à l'époque, on sait que La Sérénissime avait donné le jour à un nombre important de compositeurs extrêmement actifs, qui œuvraient inlassablement pour faire vivre les très nombreux théâtres de la ville.

Qui, à part quelques rares passionnés, pourrait se targuer aujourd'hui de connaître les opéras de , , , ou encore Marc'Antonio et , même s'il est vrai que certains de leurs ouvrages ont fait l'objet de productions récentes? C'est le cas notamment de Giulio Cesare de Sartorio, dont un extrait figurait au programme du concert, et dont le livret servit d'ailleurs de base à l'opéra du même titre de Haendel. C'est donc à un projet artistique louable et ambitieux que se sont attaqués les musiciens, lesquels ont interprété, à côté de quelques pages tirées d'opéras bien connus de Cavalli ou de Monteverdi, un certain nombre de scènes extraites d'ouvrages dont le titre même est peu susceptible d'évoquer quoi que ce soit au spectateur mélomane.

De manière à rendre justice à la pertinence de ce projet, et à la qualité incontestable de l'interprétation, il eût toutefois été préférable de faire preuve d'un peu plus de pédagogie et de donner au public les clés qui lui auraient permis de mieux apprécier les différents morceaux découverts pour l'occasion. Telles quelles, les différentes scènes tirées d'ouvrages totalement inconnus ont été données à la chaine, parfois sans interruption et, sans doute plus dommageable à la cohérence du projet, sans la moindre contextualisation. Si l'on peut pardonner l'absence de texte chanté dans le programme, quelques phrases pour situer l'action en cours pour chacun des plus de dix opéras représentés ici auraient été plus que bienvenues. Pourquoi pas, après tout, un texte confié à un narrateur qui aurait pu en quelques mots situer, expliquer et tisser un fil conducteur entre les différents morceaux. Un sympathique concert aurait ainsi été transformé en un grand moment de théâtre.

La qualité de l'interprétation et le talent des différents chanteurs étaient cependant suffisants pour que l'on puisse apprécier, même de loin, l'éminente théâtralité de la plupart des pièces entendues lors du concert. De certaines, on pouvait déceler l'indéniable composante comique, mais sans que l'on puisse se faire une idée du contexte exact de l'action, ni même de l'identité des différents personnages en lice. Cela, avouons-le, reste tout de même quelque peu frustrant. De tous les intervenants, celles qui a le plus investi sa partie théâtrale est sans aucun doute la mezzo-soprano qui n'a aucun mal par sa prestance scénique et son aisance vocale à composer et habiter un personnage, qu'il s'agisse de la coquette Melanto ou de l'insatiable Néron. Ses duos avec font partie des moments les plus réussis du concert, peut-être aussi parce que les contextes de L'incoronazione et d'Il ritorno nous sont davantage connus. L'autre raison en est que le chanteur français, avec sa voix de haute-contre projetée avec force et onctuosité, reste un des meilleurs spécialistes de ce répertoire. Moins théâtrale, dotée d'une belle voix d'alto au timbre rond et captivant, trouve quant à elle sa marque dans les pages les plus mélancoliques du programme. Sur le plan strictement musical, les vrais moments d'émotion de la soirée sont dus au soprano frais et souple de , digne dans la souffrance des héroïnes tragiques que l'on devine, sincèrement amoureuse en Poppée dans le duo final, assurément le moment le plus réussi du concert. Réduit à six instruments, dirigé depuis le clavecin un peu sec de , l'ensemble accompagne avec conviction des chanteurs très investis musicalement et théâtralement, mais dont on aurait souhaité pouvoir mieux percer le propos. En bis, un très beau quatuor extrait du Deuxième Livre des Madrigaux de Monteverdi.

Crédit photographique : © Valters Pelns

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Metz. Grande salle de l’Arsenal. 21-II-2024. Francesco Cavalli (1602-1676) : scènes extraites de Eliogabalo et La Calisto. Claudio Monteverdi (1567-1643) : scènes extraites de L’incoronazione di Poppea et Il ritorno di Ulisse in patria. Domenico Freschi (1634-1710) : scènes extraites de Tullia superba et Olimpia vendicata. Antonio Sartorio (1630-1680) : scènes extraites de Giulio Cesare. Carlo Pallavicino (1630-1688) : scènes extraites de Messalina. Giovanni Legrenzi (1626-1690) : scènes extraites de Totila. Marc’Antonio Ziani (1653-1715) : scènes extraites de Alessandro magno in Sidone. Pietro Andrea Ziane (1616-1684) : scène extraite de La Candaule. Avec Claire Lefilliâtre, soprano ; Isabelle Druet, mezzo-soprano ; Mélodie Ruvio, alto ; Cyril Auvity, ténor. Les Épopées, direction et clavecin : Stéphane Fuget

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