Parler en chantant, où les évidences d’une philosophie de l’opéra
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Parler en chantant, une philosophie de l’opéra. Maud Pouradier. Les éditions du Cerf. 362 p. 27 €. Novembre 2023
Dans son nouvel essai, la philosophe Maud Pouradier répond à une multitude de questions sur l'art de Parler en chantant à l'opéra, auxquelles un nombre incalculable d'auteurs et de musicologues ont déjà répondu.
Maître de conférences en esthétique et philosophie de l'art à l'Université de Caen Normandie, l'autrice ne propose pourtant pas à son lecteur la forme conventionnelle d'un travail universitaire. Cela aurait pu être une force pour élargir un lectorat peu enclin à ces codes très marqués, c'est ici au contraire une faiblesse.
Sur la forme, l'utilisation du « je » nous amène bien loin de la connivence entre un auteur et son lecteur, c'est ici un lien professoral qu'entretient Maud Pouradier tout au long de son texte. Avec une prose et un argumentaire quelque peu confus, l'autrice enchaîne les références philosophiques diverses et variées bien trop rapidement pour un lecteur qui ne les manie pas régulièrement. Le déroulé de ses démonstrations se révèle bien trop diffus pour convaincre, et attise peu notre curiosité.
Il faut dire que cette lecture est finalement une succession de portes ouvertes (« L'opéra semble à la fois particulièrement artificiel, et produire un effet d'incarnation très intense »), et de problématiques déjà largement étudiées par de nombreux auteurs emblématiques et de musicologues plus ou moins aguerris (comme par exemple : « l'opéra est d'abord une œuvre théâtrale, et non une œuvre musicale », une thèse minoritaire selon elle). Maud Pouradier relate même une succession d'évidences qui interroge sur le public visé par ce travail (« la musique permet d'exprimer quelque chose d'inaccessible pour le langage ordinaire »), un constat bien éloigné du style alambiqué de cette étude qui n'est pas toujours cohérent avec les affirmations qui sont parfois très discutables (« l'opéra a une puissance d'incarnation que le théâtre ou le cinéma n'ont pas »), arbitraires, voire caricaturales (« lyricophilie, lyricophobie »).
Structurellement, une fois qu'il a été « défendu » que l'opéra est une œuvre théâtrale, l'autrice souhaite démontrer que l'opéra « n'est pas d'abord un théâtre où la musique est continue, mais un théâtre où l'on chante en continu ». Doit-on vraiment découvrir, néophyte ou lyricomane converti, que l'opéra est avant tout du chant ?
Une fois la formulation d'un « rejet » appuyé d'une interprétation représentationnaliste et la réalisation d'un inventaire des actes d'énonciation chantants qui apportent peu à la réflexion, Maud Pouradier s'interroge, trop longuement, sur la distinction entre le chanteur et son personnage, avec une justesse bien éloignée d'un Diderot qui avait largement étudié la question dans son Paradoxe sur le comédien (un classique !). Après le déroulement d'une thèse de l'équivocité bien nébuleuse, l'autrice s'aventure dans un mysticisme hasardeux où « Dieu est entré dans la voix humaine » et « certains personnages peuvent devenir des figures christiques. »
La bibliographie déséquilibrée entre ouvrages philosophiques et musicologiques, est cohérente avec la frustration ressentie à la lecture de cet ouvrage.
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Parler en chantant, une philosophie de l’opéra. Maud Pouradier. Les éditions du Cerf. 362 p. 27 €. Novembre 2023
Éditions du Cerf