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Nancy. Opéra national de Lorraine. 20-II-2024. Joseph Haydn (1732-1809) : Die Schöpfung (La Création), Hob. XXI:2, oratorio en trois parties sur un livret de Gottfried van Swieten. Mise en scène et vidéo : Kevin Barz. Décors et costumes : Anika Stowasser. Lumières : Victor Egéa. Vidéo : Johannes Wagner. Avec : Julie Roset, soprano ; Jonas Hacker, ténor ; Sam Carl, basse ; Séverine Maquaire, artiste soliste du chœur. Chœur de l’Opéra national de Lorraine (chef de chœur : Guillaume Fauchère), Orchestre de l’Opéra national de Lorraine, direction : Marta Gardolińska
À grand renfort de technologies numériques, Kevin Barz met en scène l'oratorio La Création de Joseph Haydn mais n'aboutit qu'à une version de concert illustrée sans grande profondeur. Au sein d'une distribution contrastée brille tout particulièrement le soprano angélique et aérien de Julie Roset.
Les oratorios sont des œuvres vocales de musique pure, conçus à l'origine pour être donnés sans action ni décors ni costumes. La tendance de les porter à la scène n'est pas nouvelle et a même donné de formidables réussites comme, pour n'en citer qu'une, Theodora de Haendel dans la vision de Peter Sellars à Glyndebourne en 1996. Pour La Création de Haydn, Kevin Barz se propose de confronter (sans les opposer, dit-il) le texte biblique de La Genèse, qui inspire l'œuvre, aux avancées scientifiques de l'humanité.
Sous les costumes et les maquillages très précis d'Anika Stowasser, le chœur de vingt-huit chanteurs évoque ainsi les grands découvreurs de l'Histoire, d'Archimède à Alan Thuring. D'immenses écrans LED l'entourent de toutes parts et s'animent des vidéos de Kevin Barz et Johannes Wagner. Elles rappellent successivement et toujours en accord avec le texte les grandes étapes de l'origine de l'humanité depuis le Big Bang (atomes puis molécules dont l'eau H2O) en passant par les étoiles et l'astronomie, l'apparition de la vie et la biologie, les plantes et la photosynthèse, l'évolution des espèces et la génétique pour aboutir à l'Homme en fin de deuxième partie. Le résultat scénique est plutôt statique et assez peu différent d'une version de concert avec son chœur installé sur une estrade. Quant aux vidéos très illustratives et didactiques, elles sollicitent peu l'imaginaire.
La troisième partie, consacrée au couple originel Adam et Ève et à leurs louanges du Créateur, se tourne vers l'avenir et, avec un certain humour, vers notre monde envahi par le numérique et apporte enfin sur scène vie et interactions. L'homme et la femme se rencontrent via une application sur leurs téléphones portables. Quand Adam se pose en seigneur et maître de sa compagne, celle-ci ne s'en laisse pas conter et se fait remplacer par un robot. Décrit comme révolutionnaire, cet androïde nommé AMECA et prêté exceptionnellement par la société OFFIS d'Oldenburg ne fait qu'une courte apparition sans réellement convaincre. Ce n'est d'ailleurs pas le seul élément techniquement inabouti ; les vidéos géantes sont parfois saccadées et la synchronisation des visages projetés en morphing avec les lèvres des chanteurs est imparfaite. Enfin, le projet annoncé de dénoncer les théories créationnistes ou complotistes et le scepticisme ambiant envers les sciences passe totalement inaperçu.
La soprano Julie Roset, encore auréolée de sa victoire au concours Operalia 2023 et censée incarner ici l'Archange Gabriel puis Ève, domine la distribution. Avec son aisance radieuse, sa vocalisation aérienne et liquide et la pureté de son timbre, chacune de ses interventions est un moment de grâce. En difficulté pour souder ses registres, entre un aigu systématiquement en force et des basses certes profondes mais moins sonores, Sam Carl est moins convaincant en Archange Raphaël ou en Adam. Bien que moins sollicité, Jonas Hacker fait valoir une jolie technique de ténor mozartien au timbre suave quoiqu'un peu nasal.
Le Chœur de l'Opéra national de Lorraine, acteur essentiel de l'ouvrage et fort bien préparé par Guillaume Fauchère, assure homogénéité, plénitude et précision dans les polyphonies mais réussit toujours mieux la nuance piano que les tutti forte, où les voix (les sopranos surtout) tendent à vociférer et saturer. La direction de Marta Gardolińska est un soutien constant aux chanteurs auxquels elle offre des tempi adaptés à chacun. Elle soigne aussi les couleurs instrumentales descriptives de l'orchestration mais peut parfois être en déficit de cohésion (les attaques manquant de netteté du prélude) ou se montrer brutale (les interventions trop exposées des timbales).
Peut-être trop ambitieux, le spectacle ne tient pas toutes ses promesses. Cependant, l'appel aux technologies modernes les plus avancées a su éveiller l'intérêt des spectateurs plus jeunes qui se pressaient en nombre à la représentation. C'est de ce côté une incontestable réussite, d'autant que la représentation est également accessible dans le monde virtuel du Métavers via la plateforme Sansar et le sera jusqu'à la fin de la saison en cours.
Crédits photographiques : Julie Roset, Jonas Hacker et Sam Carl / Le Chœur de l'Opéra national de Lorraine © Simon Gosselin
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Nancy. Opéra national de Lorraine. 20-II-2024. Joseph Haydn (1732-1809) : Die Schöpfung (La Création), Hob. XXI:2, oratorio en trois parties sur un livret de Gottfried van Swieten. Mise en scène et vidéo : Kevin Barz. Décors et costumes : Anika Stowasser. Lumières : Victor Egéa. Vidéo : Johannes Wagner. Avec : Julie Roset, soprano ; Jonas Hacker, ténor ; Sam Carl, basse ; Séverine Maquaire, artiste soliste du chœur. Chœur de l’Opéra national de Lorraine (chef de chœur : Guillaume Fauchère), Orchestre de l’Opéra national de Lorraine, direction : Marta Gardolińska