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Un Chapeau de paille d’Italie à Bâle : la folie Fritsch

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Bâle. Theater Basel. 16-II-2024. Herbert Grönemeyer (né en 1956) : Pferd frisst Hut, comédie musicale d’après  Un chapeau de paille d’Italie (adaptation de Sabrina Zwach). Textes des chansons : Herbert Grönemeyer sauf Heiss : Sabrina Zwach/Herbert Grönemeyer. Arrangements : Thomas Meadowcroft. Mise en scène et décor: Herbert Fritsch. Costumes : Geraldine Arnold. Lumières : Cornelius Hunziker. Avec : Christopher Nell, contre-ténor (Fadinard) ; Hubert Wild, baryton (Nonancourt) ; Florian Anderer, baryton (Emile Tavernier) ; Gottfried Breitfuss, baryton-basse (Vezinet) ; Raphael Clamer, baryton (Tardiveau/ Beauperthuis) ; Sarah Bauerett, soprano (Clara) ; Florian Anderer/Gottfried Breitfuss (les Baronnes de Champigny) ; Jasmin Etezadzadeh, mezzo-soprano (Bobin) ; Nanny Friebel, mezzo-soprano (Anaïs) ; Julius Engelbach, ténor (Felix) ; Jonathan Fink (Maurice) ; Cecilia Roumi, soprano (Hélène) ; Emily Dilewski (Virginie). Choeur (chef de choeur : Michael Clark) et Sinfonieorchester Basel, direction : Thomas Wise

Après un triptyque d'opéras très remarqué in loco, revient à Bâle avec Pferd frisst Hut, la comédie musicale écrite, en coproduction avec le Komische Oper, par à partir du célèbre vaudeville d'Eugène Labiche.

Le Theater Basel a enfin franchi le pas : des surtitres dans la langue de Molière attendent le Français désireux de traverser la frontière pour découvrir le grand talent des deux Herbert. , venu du théâtre, devenu un brillant metteur en scène d'opéra : son Intermezzo, son Nez, sa Salomé se sont inscrits dans les mémoires à un point tel que la seule présence de son nom dans le programme aiguise l'appétit. , pop star adulée en Allemagne. Les deux Allemands rafraîchissent l'univers du Français Eugène Labiche, dont la pièce de théâtre Un chapeau de paille d'Italie, opéra depuis 1955 (Il Capello di paglia di Firenze, de Nino Rota), devient, en 2023, comédie musicale.

Muni d'une Ouverture, d'un Entracte et de 16 numéros chantés, Pferd frisst Hut (Le Cheval mange le chapeau), serait presque l'opéra rêvé par les deux Herbert si sa durée (trois heures pleines) n'était aussi généreuse en terme de dialogues parlés. Pferd frisst Hut suit la course folle du bellâtre Fadinard, sommé, le jour de ses noces, de remplacer le chapeau que son cheval a dévoré, celui d'une Mélisande de boulevard terrifiée à l'idée de rentrer retrouver son Golaud de mari sans le précieux atour. Si la brillante introduction, qui place haut le curseur de l'excellente exécution musicale de à la tête du Sinfonieorchester Basel, n'a rien à envier à celle du Candide de Bernstein, si l'air de Fadinard « Von Hélènes Schönheit (De la beauté d'Hélène) » est de ceux que l'on a immédiatement envie de rejouer, la suite n'est pas exempte de moments habiles mais plus impersonnels. Grönemeyer semble avoir réservé son inspiration pour la réussite sans nuages d'une seconde partie inaugurée par un très bel entracte, et dont la séduction gravit des sommets dans l'obsédant numéro pour chœur « Vom falschen Weg- Bürgermeisterjagd ». Pferd frisst Hut nécessite une fosse très fournie, le Sinfonieorchester Basel devant faire un peu de place à un piano et un synthétiseur. Il saute aux oreilles que la partition, arrangée par Thomas Meadowcroft, propulse loin du statut d'Elton John allemand auquel son répertoire n'était pas sans le cantonner jusque là.

Pour Grönemeyer, Fritsch a vu aussi grand que pour Strauss et Chostakovitch. Également auteur du décor, le metteur en scène réunit les cinq cadres différents des cinq actes de la pièce dans la folie de guingois d'un espace mental délimité à cour comme à jardin par quatre portes dont les claquements (fortissimo de préférence) servent de boîte à rythme à un spectacle sous emprise d'une porte tournante façon hôtel de luxe ingérant et régurgitant les marionnettes de ce Ciel, mon mari ! musical jusqu'au vertige. On retrouve bien sûr dans la colorimétrie en technicolor du manège géant de ce Pferd frisst Hut la marque de fabrique d'un metteur en scène qui semble n'en plus pouvoir d'un XXIᵉ siècle qui, de sa voiture à sa salle à manger, semble avoir évacué la couleur de son quotidien. Vers la fin, le jeu d'orgues, de bout en bout envoûtant, parvient même à faire léviter les huit portes à leur tour conviées dans la folie Fritsch. C'est brillantissime.

Le terme de chanteur semble bien léger pour qualifier les dons ahurissants de ces hommes et femmes-caoutchouc ( en Emile ou en Felix !) dont l'énergie corporelle, clownesque et acrobatique, laisse pantois. Hormis en Bobin, dont le gabarit vocal fait trembler le micro HF, tous sont inconnus de ce côté de la frontière. Dès son apparition, impose un Fadinard drôlissime aussitôt que, sur-embrassé par l'oncle Vézinet, il se pétrifie par trois fois en PLS (position latérale de sécurité). D'une équipe où tous seraient à (féli)citer, se détache aussi la Clara hilarante de , modiste relookée en Odette du Lac des cygnes. , Golaud d'opérette, est assez grandiose, et la reprise en main, après l'entracte, du spectateur français légitimement épuisé, en première partie, par le dilemme cornélien du choix entre la frénésie des surtitres et celle des chanteurs, lui doit beaucoup. L'Hélène de Cecilia Roumi, promise bringuebalée piaillant d'éperdus « Papaaaaa ! », l'Anaïs Beauperthuis de , volatile vestimentaire tout en moulinets de bras évaporé dans l'étoffe, ne font pas chômer les zygomatiques. Éblouissante en terme d'invention, de rythme, friande de second degré, s'autorisant tout en terme d'ambiguïté sexuelle (énorme -mais jamais vulgaire- partie à cinq chez la Baronne, dédoublée par deux hommes !), la direction d'acteurs de Fritsch demande beaucoup à ces derniers qu'elle gâte au moins autant en retour. Quand se grippe enfin la machine infernale, tous et toutes pourraient apparaître rincés : on prédit au contraire que, pressés comme des citrons jusqu'à de malicieux saluts chargés de calmer définitivement le jeu, ces merveilleux artistes, galvanisants et possédés, auront bien du mal à trouver le sommeil…

Crédits photographiques : © Thomas Aurin

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Bâle. Theater Basel. 16-II-2024. Herbert Grönemeyer (né en 1956) : Pferd frisst Hut, comédie musicale d’après  Un chapeau de paille d’Italie (adaptation de Sabrina Zwach). Textes des chansons : Herbert Grönemeyer sauf Heiss : Sabrina Zwach/Herbert Grönemeyer. Arrangements : Thomas Meadowcroft. Mise en scène et décor: Herbert Fritsch. Costumes : Geraldine Arnold. Lumières : Cornelius Hunziker. Avec : Christopher Nell, contre-ténor (Fadinard) ; Hubert Wild, baryton (Nonancourt) ; Florian Anderer, baryton (Emile Tavernier) ; Gottfried Breitfuss, baryton-basse (Vezinet) ; Raphael Clamer, baryton (Tardiveau/ Beauperthuis) ; Sarah Bauerett, soprano (Clara) ; Florian Anderer/Gottfried Breitfuss (les Baronnes de Champigny) ; Jasmin Etezadzadeh, mezzo-soprano (Bobin) ; Nanny Friebel, mezzo-soprano (Anaïs) ; Julius Engelbach, ténor (Felix) ; Jonathan Fink (Maurice) ; Cecilia Roumi, soprano (Hélène) ; Emily Dilewski (Virginie). Choeur (chef de choeur : Michael Clark) et Sinfonieorchester Basel, direction : Thomas Wise

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