Bouziane Bouteldja sublime la jeunesse à Tarbes avec Récréations

Dans le cadre de son festival annuel Le Grand Jeu, dédié aux ados et à la jeunesse, le Parvis accueillait la toute dernière création de la compagnie Dans6T, basée à Tarbes depuis 2001. 

Dans6T est une véritable institution à Tarbes. En plus d'être une compagnie professionnelle, c'est également une école de danse pluridisciplinaire et une association porteuse de projets d'action sociale et de médiation culturelle dans les Hautes-Pyrénées et au-delà. Après Telles quelles / Tels quels ou encore Ruptures, Bouziane Bouteldja continue de questionner l'identité et le vivre ensemble, cette fois-ci à travers le prisme de l'adolescence.

Et c'est au cœur même des collèges et des lycées que Récréations trouve son inspiration. Mus par une volonté de reconquérir des publics perdus et de créer du lien avec les nouvelles pratiques chorégraphiques non scéniques populaires chez les jeunes (coupé décalé, voguing, drill, etc.), Bouziane Bouteldja et ses danseurs se sont invités au sein des établissements scolaires, pour offrir aux élèves une performance surprise de danse hip-hop, afro et contemporaine. L'occasion pour la compagnie d'entamer un processus de recherche par la rencontre, l'observation des comportements et la découverte des références culturelles de toute une génération.

De ce travail est née la trame chorégraphique de Récréations, portée par cinq danseurs professionnels auxquels se greffe

un groupe de jeunes recrutés sur place, sur chaque lieu de représentation. À Tarbes, c'est une classe de Première du Lycée de la Serre de Sarsan qui a été désignée pour se prêter au jeu. Après seulement huit heures de répétitions, les élèves et la compagnie ont réussi le tour de force de parvenir à une prestation maîtrisée et aboutie dans laquelle la magie opère entre danseurs, élèves et public.

Une habile sélection de genres musicaux spécifiques permet au chorégraphe de dresser un portrait très représentatif de la jeunesse actuelle. La création musicale de Dame Civile, à la fois cohérente et variée, s'inspire tour à tour de l'électro, de la K-Pop ou encore de la drill. Bouziane Bouteldja pioche dans les éléments chorégraphiques propres à chaque style mis en scène, pour les incorporer à son écriture personnelle, elle-même nourrie de hip-hop plus traditionnel et de danse contemporaine. Les appuis sont très solides et ancrés, qu'il s'agisse de parcourir l'espace en courant, de marquer le rythme par un jeu de jambes dans un style afro ou de jaillir du sol pour se tenir en poirier. Les attitudes corporelles caractéristiques des adolescents sont aussi intelligemment exploitées pour marquer des transitions ou donner le ton entre les différents tableaux. La flemme, la gêne ou la raillerie, qui s'expriment sur les visages et dans les corps, donnent un caractère très humain et particulièrement vivant à une pièce dont la gestuelle est déjà gorgée d'énergie et d'engagement.

Une utilisation parcimonieuse des lumières et un décor très simple (un tapis de danse blanc, agrémenté d'un carré suspendu de la même couleur) viennent souligner les dynamiques sociales s'illustrant dans les différentes interactions entre groupes ou personnages, par le biais d'un espace structuré de façon géométrique.

De la vie en groupe, en passant par l'affirmation de soi, le rejet ou la joie d'être ensemble, Bouziane Bouteldja réussit le pari de ramener la jeunesse dans les théâtres et de reconquérir une autre part de public plus assidue, néanmoins lassée par certains styles plus élitistes, grâce à une écriture maîtrisée, une grande sincérité et une véritable compréhension de la génération qu'il met à l'honneur.

Crédit photographique : © Cie Dans6T