Avec Andreas Scholl, exploration de la musique de František Tůma

Programme sur mesure pour le contreténor allemand et le Czech Ensemble Baroque, avec la découverte du compositeur tchèque František Tůma, maillon manquant entre la génération des Fux, Caldara et Porpora et celle de Haydn et Mozart.

De vingt-cinq ans plus jeune que Zelenka, de plus de trente ans l'aîné de Mysliveček, František Tůma fait partie de cette génération de compositeurs tchèques – bohèmes comme on aurait dit autrefois – qu'il est plaisant et utile de redécouvrir aujourd'hui. Sa musique, inscrite dans la continuité de celles de tous ces musiciens actifs à Vienne au cours de la première moitié du XVIIIᵉ siècle – Fux, Caldara et Porpora, notamment – propose un intéressant maillon dans la route vers le style galant qui allait, à partir des années 1730, dominer la production musicale pendant toute la période classique. Encore ancrée, avec sa rigueur contrapuntique, dans le XVIIᵉ siècle finissant, elle annonce en effet, notamment dans ses compositions instrumentales, le style léger et insouciant qui allait charmer un public de plus en plus vaste et de plus en plus avide de musique et de divertissements. La sinfonia a quattro, présente en milieu de programme, en fait largement foi.

On louera tout particulièrement la pertinence d'un programme qui, construit en chiasme, propose une pièce avec chœur et soliste, une cantate pour voix seule, une pièce instrumentale, puis à nouveau une cantate pour voix seule et en guise de conclusion une nouvelle pièce pour solistes et chœur. Le Dixit dominus sur lequel s'achève le CD, avec son instrumentation à la fois réduite et luxuriante – présence de timbales, de trombones et de trompettes – est sans doute un des plus enthousiasmant qu'on ait écrits. Sur le plan historique, toutes les pièces retenues ici datent de la période 1741-1750, celle où Tůma fut compositeur en résidence à la cour de l'impératrice Élisabeth-Christine, veuve de Charles VI, dont les goûts musicaux, en dépit de moyens financiers relativement limités, privilégiaient encore la flamboyance et le faste de l'époque baroque. La difficulté de l'écriture vocale pour les pièces retenues ici atteste la présence à Hetzendortf de chanteurs de qualité, même si aucun grand nom du chant international ne semble avoir séjourné à la cour de l'impératrice.

L'interprétation pour ces différentes pièces est de la plus grande qualité. Bien qu'ayant déjà une longue carrière derrière lui, le contreténor Andreas Scholl dispose toujours d'un instrument égal et homogène sur toute l'étendue de la voix. Sa technique sans faille lui permet d'assumer crânement les pages les plus virtuoses, et il sait toucher et émouvoir dans les pages plus intériorisées. Le Czech Ensemble Baroque, sous la direction de Roman Válek, est visiblement convaincu du bienfondé de l'entreprise, et la belle énergie déployée est tout à fait communicative tout au long de l'écoute.

Un CD qui sera une belle surprise pour les tous ceux qui auraient pu se dire: « Encore un compositeur de musique baroque » ! Ils seront vite séduits par la pertinence et par la qualité de la réalisation.