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Médée de Cherubini revient à La Scala

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Milan.Teatro alla Scala, 20-I-2024. Luigi Cherubini (1760-1842) : Médée. Opéra en trois actes. Livret de François-Benoît Hoffman (Première représentation au Théâtre Feydau de Paris le 13 mars 1797). Mise en scène: Damiano Michieletto. Décors: Paolo Fantini. Lumières: Alessandro Carletti. Costumes: Carla Teti. Drammaturgie: Mattia Palma. Avec : Maria Pia Pscitelli, Médée; Stanislas de Barbeyrac, Jason ; Nahuel Di Pierro, Créon ; Martina Russomanno, Dircé ; Ambroisine Bré, Néris ; Greta Doveri, Mara Gaudenzi, confidentes de Dircé ; Tobia Pintor, Giada Riontino, les deux fils de Jason et Médée. Timothée Nessi, Sofia Barri, voix enregistrées. Choeur et orchestre du Teatro alla Scala (chef de choeur : Alberto Malazzi), direction : Michele Gamba

Plus de soixante ans après la dernière représentation de Maria Callas en 1962, et pour faire suite au centenaire de la diva, Médée de , dans sa version originale française de 1797, revient au Teatro alla Scala.

Le mythe de la mère infanticide dans la glaçante réinterprétation post-révolutionnaire de la fin du XVIIIᵉ siècle, prend ici les couleurs du drame passionnel contemporain d'un divorce hors de contrôle. met en scène un spectacle élégant, maîtrisé jusqu'aux moindres détails comme à son habitude. Il intervient sur le livret de François Benoît Hoffman dans une perspective inattendue, celle de se placer du point de vue des enfants, fils de Jason et Médée, victimes de la fureur d'une femme trahie, ce qui devient le fil rouge de toute l'histoire. Ainsi, au lieu des longs récitatifs en alexandrins qui ponctuent les différents numéros de la tragédie lyrique de Cherubini, Michieletto a inséré de petits dialogues enregistrés, écrits par le dramaturge Mattia Palma, faisant parler les enfants à voix basse, presque en chuchotant, pour commenter les événements, anticiper le dénouement et guidant toute l'intrigue. Une solution simple et efficace qui, en faisant des enfants les protagonistes, apporte une touche poignante au spectacle, avec leur présence constante, leurs jeux innocents, leurs petites colères, leur résistance à l'égard de Créon qui tente de les amadouer en vue du mariage de sa fille Dircé avec leur propre père, Jason, tandis que les petits inconscients n'aspirent qu'à l'étreinte de leur mère, Médée…

Le spectacle s'ouvre sur un rideau où sont projetées les lettres qui composent le vers 139 de la parodie d'Euripide, ουκ είσί δόμοι φρουδα ταδ ήδη, par lequel la Nourrice annonce au chœur « La maison est en ruine, les affections sont déjà manquant ». Le décor ultra classique de Paolo Fantin est statique et épuré, si ce n'est pour la variation des lumières d'Alessandro Carlertti passant du lilas initial au vert kaki et aux tons de gris plomb. Un espace en forme de L souligné de moulures blanches représente un intérieur bourgeois, avec à droite un atrium, à gauche un simple canapé blanc années 30, et en face, après trois marches, s'ouvre au centre la petite porte blanche de la chambre des enfants. C'est le palais de Créon, où Dircé, entourée de ses servantes en costumes aux teintes pastel (Carla Teti), se prépare à épouser Jason. Délaissant ses talons et son tailleur pourpre de dame BCBG, Médée, humiliée et offensée, entre en scène vêtue de façon beaucoup plus commune, avec un jean et un jupon de soie sur un legging et des tennis.

Au climax du drame, alors que les doutes de Médée s'évanouissent, et que tout concoure à la mort et à la destruction de sa maison, une fissure lézarde le mur séparant la chambre des enfants et désintègre l'écriture « Maman vous aime » tracée auparavant par Médée. Une pluie de pierres commence à tomber du plafond, tandis que la scène de l'infanticide est filmée et retransmise par une caméra vidéo. Médée empoisonne ses enfants. Tout se joue en prise directe, bien que filtré par la vidéo en noir et blanc. Puis la mère infanticide, une fois le crime commis, sort de la chambre de ses enfants en état de transe, sans états d'âme, comme si elle était un automate dépourvu de volonté.

Pour cette troisième représentation la soprano Maria Pia Piscitelli remplace au pied levé souffrante, distribuée dans le rôle-titre, en remplacement de Sonya Yoncheva initialement prévue. Malgré quelques hésitations initiales, elle rentre dans le rôle avec courage et réussit à traduire la complexité du personnage, dans une prestation convaincante, suscitant de chaleureux applaudissements. La basse compose un Créon digne, mais sans éclats. Le ténor est vocalement impeccable dans le rôle du mari infidèle, mais sa présence scénique semble trop souvent manquer de coordination. La soprano Marina Russomanno en Dircé livre une performance technique honorable. La mezzo-soprano , est quant à elle très convaincante dans le rôle de l'esclave scythe de Médée, Néris, tandis que se distinguent les deux sopranos Greta Doveri et Mara Gaudenzi, dans le rôle des confidentes de Dircé.

Le jeune chef dirige l'Orchestre et le Chœur du Théâtre milanais dans une une exécution intense et vibrante, très étudiée dans la variation des tempos, soucieuse de respecter les voix et en parfait accord avec les mouvements scéniques.

Dans l'ensemble, un spectacle réussi avec une mise en scène innovante et une bonne adéquation avec la fosse. Les applaudissements nourris et prolongés du public de la Scala viennent saluer  les interprètes et les musiciens.

Crédit photographique : © Teatro alla Scala

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Milan.Teatro alla Scala, 20-I-2024. Luigi Cherubini (1760-1842) : Médée. Opéra en trois actes. Livret de François-Benoît Hoffman (Première représentation au Théâtre Feydau de Paris le 13 mars 1797). Mise en scène: Damiano Michieletto. Décors: Paolo Fantini. Lumières: Alessandro Carletti. Costumes: Carla Teti. Drammaturgie: Mattia Palma. Avec : Maria Pia Pscitelli, Médée; Stanislas de Barbeyrac, Jason ; Nahuel Di Pierro, Créon ; Martina Russomanno, Dircé ; Ambroisine Bré, Néris ; Greta Doveri, Mara Gaudenzi, confidentes de Dircé ; Tobia Pintor, Giada Riontino, les deux fils de Jason et Médée. Timothée Nessi, Sofia Barri, voix enregistrées. Choeur et orchestre du Teatro alla Scala (chef de choeur : Alberto Malazzi), direction : Michele Gamba

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