Ne me touchez pas : duo sensuel au Théâtre de la Bastille

Pour sa première pièce chorégraphique, Ne me touchez pas, programmée au Théâtre de la Bastille, Laura Bachman fait équipe avec son ex-collègue du Ballet de l'Opéra de Paris, Marion Barbeau. Un duo autour du toucher, d'une grande sensualité.

On dirait une petite fille avec sa robe bleu marine à manches ballon. Une petite fille qui ne supporte pas les « chatouilles » que des bras fantômes, puis bientôt visibles, lui font subir. Rires nerveux et tressaillements de tout le corps, sursauts intempestifs, les réactions de Marion Barbeau se coulent dans cet état de corps qu'ont recherché ensemble Laura Bachman, passée par l'Opéra de Paris et par Rosas, la compagnie d'Anne-Teresa de Keersmaeker, et Marion Barbeau, première danseuse de l'Opéra de Paris aujourd'hui interprète pour Dimitri Chamblas et actrice de cinéma.

La pièce de Laura Bachman est issue d'une résidence de recherche qui lui a permis de se trouver seule en studio pour la première fois. Suite à des retrouvailles avec Marion Barbeau, avec laquelle elle était élève à l'école de danse de l'Opéra de Paris, qui furent comme un coup de foudre amical et artistique, elle l'a embarqué dans l'aventure. Ne me touchez pas est alors né d'une écoute réciproque entre les deux danseuses qui ont travaillé de longues heures en studio afin de construire ces personnages et d'imaginer la relation entre elles. Pour Laura Bachman, il s'agit d'une improvisation guidée, d'un travail à deux de recherche sur un état de corps. « Le Covid a fait ressentir le thème du toucher, extrêmement présent dans le spectacle, à un moment où l'on avait plus le droit de se toucher. Il s'agit de deux personnes qui se découvrent, se jaugent, s'aiment, se séparent, selon le regard que chacun y portera », estime Laura Bachman.

La différence de maturité et de style entre les deux danseuses permet de croiser les regards et les corps. A Laura Bachman, à la féminité plus affirmée, les poses sexualisées des modèles que l'on croise dans les studios photos, tandis que Marion Barbeau les reprend sur un mode plus enfantin et plus ludique. Leurs mouvements simples et lumineux réinventent la forme du duo, entre combat et abandon réciproque, confrontation et complicité.

Le corps partiellement dénudé se fait instrument de musique, terrain d'expérimentation, éclairé par les très belles lumières d'Eric Soyer, tandis que la musique à l'accordéon donne une note à la fois rétro et nostalgique à ce duo au féminin pluriel. C'est une pièce sur la découverte du corps de l'autre, entre sororité sensible et amitié sensuelle, ou tout se résout par le jeu, avant de revenir aux chatouilles de départ. Une très belle performance physique des deux danseuses, en parfaite osmose, applaudie par un public de fans.

Partie assez vite de la compagnie parisienne, Laura Bachman a été appelée par les sirènes de la danse contemporaine, et a travaillé plusieurs années avec Anne Teresa de Keersmaeker, une expérience qui l'a marqué, et qui lui donne aujourd'hui le goût d'une danse rythmée, précise et musicale, qu'elle pourra développer dans son prochain projet avec Marion Barbeau et d'autres interprètes, inspiré de la trilogie romanesque de Jean-Philippe Toussaint, qui l'a beaucoup inspiré pour ce duo. Marian Barbeau sera à nouveau de la partie.

De son côté, Marion Barbeau, qui poursuit désormais une carrière en solo entre cinéma et danse repartira en tournée avec Dimitri Chamblas dans Take Me Home que l'on verra en France à la fin de la saison et la saison prochaine. Mais c'est surtout le cinéma qui l'a révélé avec En corps, de Cedric Klapisch, qui lui permettra à nouveau de faire parler d'elle en 2024, avec la sortie le 3 avril du film « Un homme en fuite », avec Bastien Bouillon.

Crédits photographiques : © Christophe Manquillet