Concerts, La Scène, Musique symphonique

Klaus Mäkelä, Daniil Trifonov : duo gagnant dans Chopin et Strauss

Plus de détails

Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 24-I-2024. Anna Thorvalsdottir (née en 1977) : Archora, création française ; Frédéric Chopin (1810-1849) : Concerto n° 1 pour piano et orchestre en mi mineur, op. 11 ; Richard Strauss (1864-1949) : Une Vie de Héros, poème symphonique, op. 40. Daniil Trifonov, piano. Orchestre de Paris, direction : Klaus Mäkelä

à la tête de l' et le pianiste réunis dans un programme éclectique associant le magnétisme tellurique de , la vigueur narrative et orchestrale de et le romantisme éperdu de .

En création française, Archora pièce symphonique de la compositrice islandaise (née en 1977) composée en 2022 ouvre le concert, dessinant rapidement un nouvel espace sonore aux allures telluriques et magmatiques qui témoigne d'un important travail sur les textures. Une œuvre qui n'est pas sans rappeler les terres noires de l'Islande, s'écoulant dans un flux musical continu faisant la part belle aux sonorités graves de l'orchestre et à de surprenant effets sonores (archets et percussions). Angoissante, envoutante, riche en effets de masse, elle débute sur une impressionnante pédale des vents, dont le statisme va se voir progressivement troublé par les saillies des cordes et des cuivres avant qu'un épisode plus lyrique et dynamique (flute) n'émerge de cette mouvante nappe sonore soutenue par le grand orgue de la Salle Pierre Boulez, avant de s'achever dans une forme de respiration orchestrale apaisée.

Plus lumineux assurément le Concerto pour piano n° 1 (1830) de complète la première partie. nous en livre une interprétation admirable tout au long des trois mouvements qui séduit tant par sa virtuosité non ostentatoire que par son intériorité sans pathos excessif. L'Allegro initial voit une longue introduction orchestrale avant l'entrée retardée du soliste, d'abord d'allure martiale et décidée, virtuose et enflammée, puis plus lyrique sur une émouvante ligne mélodique où l'on peut apprécier d'emblée la variété du jeu le rubato, la légèreté et la grâce du toucher de soutenu par un orchestre complice, engagé, au phrasé très en relief, clair et nuancé, avec de beaux contrechants de cor et de basson. La Romance, sur un tempo très lent, jamais ne cède à une quelconque déliquescence, ni à un pathos sirupeux, constamment habitée d'une délicatesse un peu mélancolique très émouvante comme un tendre murmure. Le Rondo brillant, ludique, jubilatoire dansant conclut dans une complicité virtuose avec l'orchestre cette belle interprétation.

Dernier des poèmes symphoniques de , Une Vie de héros (1899) bénéficie, en deuxième partie, d'une lecture enthousiasmante, très narrative, de l' chauffé à blanc par la direction précise et fougueuse de qui trouve ici une partition à sa mesure, expressionniste, haute en couleurs portée par une orchestration pléthorique.

La présentation du Héros, annoncée par les cordes graves, se fait de façon solennelle et quelque peu ironique réunissant le tutti sur une dynamique très engagée ; les Adversaires du héros voient s'élever les moqueurs pépiements des bois, les meuglements des cuivres et le lyrisme affligé des cordes dans un entrelacement polyphonique un peu confus (volontairement ?) ; la Compagne du Héros est un moment de pure grâce, d'émotion et de prégnante sensualité porté par la superbe prestation d'Andrea Obiso qui pourrait bien être le futur violon solo titulaire de l'orchestre ;   les Combats du Héros proclamés par un appel de trompettes en coulisses mettent en branle des cordes profondes, des timbales véhémentes, des cuivres rutilants dans un maelstrom orchestral haletant, tendu, mais non confus ; les Œuvre de paix du Héros se construisent ensuite sur un ensemble d'autocitations où l'on reconnaitra les thèmes des poèmes symphoniques précédents (Don Juan, Zarathoustra, Don Quichotte, Mort et Transfiguration…) ainsi que quelques séquences plus lyriques et nostalgiques prémonitoires dirait-on du futur Chevalier à la Rose … ; la Retraite du Héros  conclut cette belle interpretation sur une sérénité retrouvée (cor anglais, harpe, cor et violon solo).

Crédit photographique : © Marco Borggreve

(Visited 3 253 times, 1 visits today)

Plus de détails

Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 24-I-2024. Anna Thorvalsdottir (née en 1977) : Archora, création française ; Frédéric Chopin (1810-1849) : Concerto n° 1 pour piano et orchestre en mi mineur, op. 11 ; Richard Strauss (1864-1949) : Une Vie de Héros, poème symphonique, op. 40. Daniil Trifonov, piano. Orchestre de Paris, direction : Klaus Mäkelä

Mots-clefs de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.