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Bruce Liu choisit un parcours français original et attachant

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Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Gavotte et ses six doubles ; Les Sauvages ; Les Tendres Plaintes ; Les Cyclopes ; Menuets I et II ; La Poule. Charles-Valentin Alkan (1813-1888) : Barcarolle op. 65 ; Le Festin d’Esope op. 29. Maurice Ravel (1875-1937) : Miroirs. Bruce Liu, piano. 1 CD Deutsche Grammophon. Enregistré en novembre 2022, au studio Teldex de Berlin. Notice de présentation en anglais et allemand. Durée : 61:16

 
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Le pianiste canadien d'ascendance chinoise a choisi un programme entièrement français qui s'étend sur trois siècles, sans doute pour mieux affirmer son éclectisme et sa sensibilité.

Quand a gagné en 2021 le 18e concours Chopin de Varsovie, il avait montré un tempérament musical déjà très affirmé. Après ses premières publications chez DG (Bach, Rameau, Chopin), c'est avec une certaine finesse et une dose d'audace qu'il propose un programme fait de Rameau, Alkan et Ravel. Commencer le disque par la Gavotte et ses six doubles, c'est en quelque sorte commencer par le plus difficile, ou du moins, le plus dénudé. Peu de pédale, peu de virtuosité : que du jeu subtil sur les couleurs, les attaques et les dynamiques. D'emblée, il est clair que ce jeu-là l'emporte sur le métronome, que cherche prioritairement du sens et de la poésie, et qu'il les trouve aisément. Fondues ou disruptives, les variations s'enchaînent néanmoins bien dans une belle progression, sans trop d'effets vains et dans une très belle harmonie colorée. Ce Rameau-là est totalement affranchi de ses racines XVIIIᵉ siècle, et annonce le Ravel à venir. De la même veine sont les Tendres Plaintes, très intériorisées et émouvantes, ou les Cyclopes, particulièrement gracieux. Les deux Menuets, absolument pas dansables, nous entrainent dans les brumes du rêve et la Poule chante comme un rossignol en amour. Les Sauvages en revanche sont très surprenants. A force de rubato divers, le rythme de base se trouve disloqué. Foin du rythme primal, du tam-tam fondamental : nous avons là des sauvages ivres ou enfumés, qui tombent, se rattrapent et se bousculent à qui mieux mieux. C'est à la fois irritant et drôle, mais en tout cas marqué d'une certaine logique.

Les Miroirs de Ravel sont simplement magnifiques, brillants et délibérément impressionnistes. A force de virtuosité, les éléments d'eau et d'air fusionnent par reflets réciproques et s'évaporent peu à peu. Les Noctuelles frétillent et s'évanouissent dans l'éther, la Barque sur l'océan s'envole dans une griserie sonore d'une grande beauté. L'Alborada danse jusqu'à la transe, à la limite de la violence, et l'écho des Cloches s'enfonce dans un espace d'une profondeur insondable.

Tout aussi réussis, voire davantage encore, sont les Akan. La Barcarolle est un sommet de rêve éveillé, de charme léger, de chant pianistique. Les mots manquent pour décrire le raffinement des nuances, et avec quelle délicatesse effleure l'émotion sans y plonger de trop. Une vraie merveille. Le Festin d'Esope et ses 25 « variantes » est donné conformément à la note du compositeur : sans aucune licence (allegretto senza licenza quantunque), mais pas sans esprit ni humour. De ce festival de difficultés techniques, Bruce Liu fait un feu d'artifice jubilatoire, en sautant à pieds joints et une agilité extrême dans tous les contrastes de nuances et de couleurs qu'offre cette partition difficile.

Remarquablement enregistré, ce disque est bien plus qu'une démonstration de virtuosité et de sensibilité. Malgré quelques choix discutables dans Rameau et qui évolueront sans doute avec le temps, c'est un très beau chemin de rêve, de danse et de poésie qui nous est proposé. Oui, un disque très attachant. A quand Debussy, Messiaen et Tristan Murail ?

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Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Gavotte et ses six doubles ; Les Sauvages ; Les Tendres Plaintes ; Les Cyclopes ; Menuets I et II ; La Poule. Charles-Valentin Alkan (1813-1888) : Barcarolle op. 65 ; Le Festin d’Esope op. 29. Maurice Ravel (1875-1937) : Miroirs. Bruce Liu, piano. 1 CD Deutsche Grammophon. Enregistré en novembre 2022, au studio Teldex de Berlin. Notice de présentation en anglais et allemand. Durée : 61:16

 
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