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À Radio France, 80 bougies pour Péter Eötvös

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Paris ; Maison de la Radio et de la Musique 18-I-2024. Péter Eötvös (né en 1944) : 13 Haïkus, pour chœur d’enfants (CM) ; Egyedül, pour chœur d’enfants ; Concerto pour harpe (CM) ; Halleluja-Oratorium balbulum. Quatre fragments pour mezzo-soprano, ténor, narrateur, chœur et orchestre sur un texte de Péter Esterházy. Maîtrise de Radio France, direction : Sofi Jeannin ; Xavier de Maistre, harpe ; Lambert Wilson, récitant ; Katharina Kammerloher, mezzo-soprano ; Artavazd Sargsyan, ténor ; Chœur de Radio France, direction : Lionel Sow ; Orchestre Philharmonique de Radio France ; direction : Gergely Madaras

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Toutes les forces de la Maison de la Radio et de la Musique ont été déployées, orchestre, chœur et maîtrise, pour rendre hommage à l'une des plus grandes figures du monde musical contemporain, , dont on fête les 80 ans.

Retenu à Budapest pour raison de santé (comme pour le concert hommage de l'EIC il y a quelques jours), Peter Eötvös, qui devait diriger l' lors de cette soirée anniversaire, a cédé la place à son compatriote , directeur musical de l'Orchestre philharmonique royal de Liège. Deux créations mondiales sont à l'affiche ainsi que son oratorio Halleluja-Oratorium balbulum donné en création française et invitant sur le plateau en récitant.

Une fois n'est pas coutume, la arrive sur scène « en rigolant » (une suggestion du compositeur à n'en pas douter) pour chanter, sous la direction de , les 13 Haïkus que le maître hongrois a écrit pour elle : treize miniatures (traduites du japonais par Roger Munier) qui nous parlent des oiseaux, du papillon et de la grenouille, de la nature en somme et des dangers qu'elle encourt aujourd'hui. L'écriture y est aussi sensible qu'imagée (on voit l'uguisu sauté de branche en branche), Eötvös jouant avec le rythme et la sonorité du mot, invitant les voix à imiter la grenouille. Ainsi la Maîtrise quitte-t-elle la scène en coassant ! Elle revient, assagie, pour chanter en hongrois Solitude (Egyedül), une pièce composée à douze ans par le jeune Eötvös et révisée en 2001 puis 2006 : page très émouvante sous le velouté et la douceur du chœur d'enfants superbement conduit par .

Dans le catalogue du compositeur, le nombre des concertos doit atteindre la vingtaine, tous singularisés (Jet stream/trompette), Cziffra psodia/piano), Speaking drums/percussion) etc.) selon le contexte et l'interprète dédicataire. Sans sous-titre, le Concerto pour harpe est adressé à l'interprète « sportif et dansant », dixit Eötvös, qu'est , harpiste solo à l'Orchestre Philharmonique de Vienne.

D'emblée, le dialogue entre le soliste et l'orchestre tisse une dramaturgie sonore. L'écriture inventive et facétieuse suscite les interactions d'un partenaire à l'autre et découvre une palette orchestrale d'une merveilleuse richesse dans un premier mouvement qui met constamment l'oreille en alerte. Entrent en scène les cuivres en quart de ton (Calmo ma non troppo) dans un deuxième mouvement où la vocalité affleure. Eötvös compose, à l'instar de Ravel, son jardin féérique, rehaussé de percussions scintillantes. tire de sa harpe des sonorités somptueuses, alliant la diversité des modes de jeu (harmoniques, jeu près de la table, frappe sur le bois) aux ressources propres de l'instrument partiellement désaccordé. La cadence finale, courte sous les doigts du soliste, est laissée à son appréciation, avant une coda orchestrale sans appel.

L'Orchestre Philharmonique est au complet (vents par 3) et le installé à l'arrière-scène dans la seconde partie de la soirée pour l'exécution de Halleluja – Oratorium balbulum, une œuvre étonnante de 2015 portée au disque en 2019 chez Wergo, dans sa version allemande. Le texte sarcastique, qui ne va pas sans quelques longueurs, du compatriote Péter Esterházy, est ici dit et chanté en français : il nous parle d'un monde sans avenir où le prophète balbutiant ne serait qu'un joueur de loterie même si le chœur, chargé de galvaniser les esprits via ses interventions musclées, continue sans tarir de chanter des Hallelujas, celui de Haendel bien sûr mais aussi Schein, Monteverdi, Mozart, Moussorgski, Bruckner cités littéralement. On s'interroge sur Dieu, l'homme, la musique, le silence… sur fond de catastrophe, l'attentat du World Trade Center de septembre 2001, soufflant le chaud et le froid à l'oreille de l'auditeur.

Sur scène, le Narrateur () est à la droite du chef. Il fait face à deux chanteurs, l'Ange un rien dévoyé qui s'est saoulé avec Nietzsche (la mezzo allemande ) et le prophète bègue (le ténor français ), personnage censé incarner le moine suisse Notker de Saint-Gall (circa 840-912) surnommé « Balbulus » en raison de ses problèmes d'élocution : «S'il y a encore des ha-ha-llelujas / alors vous dites qu'il y a-a-a de l'avenir.» L'orchestre est foisonnant et puissamment texturé, laissant entendre, lui-aussi, nombre de citations en phase avec le contexte narratif : ainsi cet Oiseau prophète de Schumann dûment orchestré qui ouvre et referme la partition. La richesse des couleurs restituées par un « Philhar » en grande forme, la verve des trois solistes défendant bec et ongles le livret d'Esterházy et l'envergure sonore du chœur en imposent, tous sous le geste souple de qui tient à bout de bras ce « dramma giocoso » renvoyant au précepte qui semble cher au compositeur hongrois : être grave et rester léger.

Crédits photographiques : © Christophe Abramowitz / Radio France

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