La Scène, Opéra, Opéras

A Rome, La Flûte enchantée, ou l’école des sentiments selon Damiano Michieletto

Plus de détails

Rome. Teatro Costanzi. 12-I-2024. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Die Zauberflöte, K.620, Singspiel en deux actes sur un livret d’Emanuel Schikaneder. Mise en scène : Damiano Michieletto. Décors : Paolo Fantin. Costumes : Carla Teti. Lumières : Alessandro Carletti. Vidéo : Rocafilm/Roland Horvath. Avec : Juan Francisco Gatell, Tamino ; Emőke Baráth, Pamina ; Markus Werba, Papageno ; Caterina Di Tonno, Papagena ; John Relyea, Sarastro ; Marcello Nardis, Monostatos ; Aleksandra Olczyk, La Reine de la Nuit, Ania Jeruc, Valentina Gargano et Adriana Di Paola, Trois Dames ; Arturo Espinosa,Nicola Straniero, Prêtres/Hommes d’armes ; Zachary Altman, l’Orateur. Premier enfant, Dorotea Marzullo ; Deuxième enfant, Miriam Noce ; Troisième enfant, Laetitia de Paola. Chœur du Teatro dell’Opera di Roma, chef de chœur : Ciro Visco ; avec la participation de la Scuola di Canto Corale del Teatro dell’Opera di Roma ; Orchestra du Teatro dell’Opera di Roma, direction : Michele Spotti

Die Zauberflöte de Mozart revient au Teatro dell'Opera di Roma, six ans après la mise en scène de Barrie Kosky dirigée par Henrik Nánási, cette fois dans la production conçue en 2015 par pour la Fenice et sous la direction de .

La reprise romaine de cette production du chef d'oeuvre de Mozart suit la structure  du récit d'apprentissage initiatique, au regard de l'école des sentiments. La mise en scène se concentre sur le contraste entre les forces de l'obscurantisme religieux, représentées par la Reine de la Nuit, et la force rationnelle de la connaissance inspirée des Lumières et représentée par Sarastro. Pour traduire un tel contraste, qui schématise la complexité du parcours initiatique maçonnique de l'opéra de Mozart, Michieletto a choisi de transposer l'action dans une école des années 50, avec ses murs verts décrépis, ses fenêtres hautes sous plafond, ses pupitres en bois et son mobilier modeste, avec l'armoire des professeurs surmontée d'un globe terrestre. Le grand tableau noir de la salle de classe, seul élément de décor à s'animer, fait apparaitre dès l'ouverture, miracle de la technique, une vidéo prodigieuse : une craie blanche danse toute seule et retranscrit les formules d'équations mathématiques et les dessins de certains détails anatomiques, tels que le système respiratoire, les os du sternum et les clavicules. Le premier à entrer en scène est Papageno, qui n'est pas un jeune homme-oiseau ricanant, plumes sur la tête et cage à oiseaux à la main, mais un concierge plus tout jeune, à lunettes et en blouse bleue, et à la démarche légèrement arthritique… Dans l'imagination de Michieletto, Tamino, le prince de la fable de Schikaneder, devient un vieil écolier en culotte courte, apathique, réfractaire à la discipline, qui échappe aux pièges du serpent venimeux (toujours en dessin à la craie blanche sur le tableau noir) pour être sauvé par trois nonnes strip-teaseuses en voile noir…les trois dames.

Si la scène est plate, unidimensionnelle, sans profondeur, le prodige sur les planches se fait grâce à la technique. Le tableau noir se transforme en chambre de la Reine de la Nuit, mère despotique et névrosée, qui, après voir chanté son premier air se gave de tranquillisants. Le tableau noir revient ensuite et en surgit le dessin de la flûte enchantée, à la craie blanche comme les clochettes de Papageno, se matérialisant entre les mains de Tamino, ébloui, en un instrument en or.

Comme par magie, l'école devient ensuite une forêt d'arbres mélancolique représentant le royaume de Sarastro, avec les temples de la raison, de la sagesse et de la nature. Les trois enfants exhortant le héros à la fermeté, à la patience et au silence sont des mineurs avec des projecteurs sur le front. De façon très poétique, le grand tableau se métamorphose encore en un rectangle blanc laiteux, plein de ballons colorés, pour mettre en scène les animaux sauvages, interprétés par six danseurs qui, masques sur la tête, se laissent séduire par le son enchanteur de la flûte. Sous le signe du politiquement correct, Monostato le maure, serviteur de Sarastro et geôlier de Pamina avec des ambitions de séducteur, est ici un petit garçon rondouillard aux cheveux roux et en culottes courtes. Le spectacle s'écoule  ainsi avec la grâce d'un conte de fées, dépouillé à l'extrême de sa complexité.

Aussi précise soit-elle, la direction de semble parfois manquer d'intensité et de puissance, négligeant le temps et le sens du sublime, comme si elle voulait s'adapter à la simplification du spectacle.

En revanche, les voix de cette première distribution sont superbes. Habitué du rôle, le ténor se montre précis et puissant dans le rôle de Tamino, tandis que campe un Papageno plein de brio. est à la fois solennel et incisif en Sarastro. La voix de la soprano Emöke Baráth, avec son vibrato, son superbe timbre et ses couleurs, correspond parfaitement au parcours de Pamina, du repentir à l'égarement, jusqu'à la pleine conscience de l'amour conjugal. La Reine de la Nuit d', en revanche, est assez inégale : convaincante dans le premier air, elle souffre d'essoufflements et d'approximations dans le second. Parmi les rôles secondaires, notons les performances de la Première Dame Ania Jeruć et du Premier enfant de Dorotea Marzullo Le chœur de l'Opera di Roma préparé par Ciro Visco est tout à fait satisfaisant malgré quelques hésitations. Dans l'ensemble le public romain apprécie chaleureusement ce spectacle plein de poésie.

Crédits photographiques : © Fabrizio Sansoni / Opera di Roma 2024

(Visited 55 times, 1 visits today)

Plus de détails

Rome. Teatro Costanzi. 12-I-2024. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Die Zauberflöte, K.620, Singspiel en deux actes sur un livret d’Emanuel Schikaneder. Mise en scène : Damiano Michieletto. Décors : Paolo Fantin. Costumes : Carla Teti. Lumières : Alessandro Carletti. Vidéo : Rocafilm/Roland Horvath. Avec : Juan Francisco Gatell, Tamino ; Emőke Baráth, Pamina ; Markus Werba, Papageno ; Caterina Di Tonno, Papagena ; John Relyea, Sarastro ; Marcello Nardis, Monostatos ; Aleksandra Olczyk, La Reine de la Nuit, Ania Jeruc, Valentina Gargano et Adriana Di Paola, Trois Dames ; Arturo Espinosa,Nicola Straniero, Prêtres/Hommes d’armes ; Zachary Altman, l’Orateur. Premier enfant, Dorotea Marzullo ; Deuxième enfant, Miriam Noce ; Troisième enfant, Laetitia de Paola. Chœur du Teatro dell’Opera di Roma, chef de chœur : Ciro Visco ; avec la participation de la Scuola di Canto Corale del Teatro dell’Opera di Roma ; Orchestra du Teatro dell’Opera di Roma, direction : Michele Spotti

Mots-clefs de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.