Ainārs Rubikis à la tête de l’ONDIF dans Poulenc et Bruckner à la Philharmonie de Paris
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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 15-I-2024. Joel Järvenstausta (né en 1995) : Ouverture, création ; Francis Poulenc (1899-1963) : Concerto pour deux pianos et orchestre en ré mineur ; Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n° 4 dite Romantique en mi bémol majeur. Duo Geister (David Salmon et Manuel Vieillard). Orchestre national d’Île-de-France, direction : Ainārs Rubikis
Soirée forte en contrastes pour l'Orchestre national d´Île-de-France sous la direction d'Ainārs Rubikis qui oppose la verve gouailleuse du Concerto pour deux pianos de Poulenc, exaltée par le duo Geister, à la grandeur mystérieuse et fervente de la Symphonie n° 4 de Bruckner.
Concert contrasté mais également concert découverte qui permet d'entendre en ouverture de soirée une œuvre du jeune compositeur Joel Järventausta (né en 1995) intitulée Bacchanale, courte pièce festive répondant à une commande de l'Orchestre national d´Île-de-France, créée ce soir à l'occasion des 50 ans de l'orchestre. Une partition très rythmique sollicitant abondamment les cuivres (trombones et tuba) et les percussions, aux allures rappelant parfois Bernstein, où l'on peut reconnaitre diverses influences empruntées à la pop, à la musique hollywoodienne, à la musique de jeux vidéo et à la musique de fanfare… Une œuvre très colorée, à l'orchestration fournie dont Ainārs Rubikis donne une interprétation très engagée portée par une direction précise et affutée.
Gai, ludique, festif, virtuose et composite « à la manière de… » le Concerto pour 2 pianos (1932) de Francis Poulenc semble trouver naturellement sa place à la suite de cette œuvre contemporaine du fait de l'interprétation particulièrement incisive donnée ce soir par le duo Geister (David Salmon et Manuel Vieillard) superbement soutenu par un accompagnement orchestral mordant, équilibré, complice et parfaitement en phase avec les solistes. Si l'Allegro initial évoque successivement Stravinsky par sa rythmique acérée et percussive, puis Rachmaninov par son lyrisme méditatif, avant de se conclure sur une coda plus ludique et polymorphe (solo de violoncelle), on est constamment séduits par la qualité et l'à propos de l'ONDIF s'appliquant à magnifier les couleurs du dialogue entre les deux pianos. Même s'il manque un rien de cantabile dans l'énoncé du thème initial, le Larghetto paraphrase Mozart dans une ligne mélodique doucement méditative avant de céder aux charmes plus enlevés de la valse, précédant un Finale très polymorphe, véritable patchwork stylistique associant les sonorités classiques à celles du jazz, du piano bar et du music hall donnant jour à une virtuosité pianistique consommée, mais sans effet de manches.
Mais le meilleur restait à venir avec la Symphonie n° 4 dite « Romantique » d'Anton Bruckner dont Ainārs Rubikis et l'Orchestre national d´Île-de-France donnent une interprétation en tous points remarquable, parfaitement juste dans l'esprit comme dans la note, portée par la direction inspirée du chef letton, lauréat du concours de direction Gustav Mahler en 2010 et ancien directeur du Komische Oper de Berlin (2018-2022). Entamé par le cor solo, Robin Paillette irréprochable tout au long des quatre mouvements, le premier mouvement Allegro molto moderato impressionne par son équilibre, par sa richesse en nuances rythmiques et dynamiques, par la clarté de son architecture comme par la transparence de sa texture mettant au jour de très belles performances solistiques (contrechants de cors et de violoncelles). Dans une lecture passionnante de bout en bout et une manière typiquement brucknérienne avec des transitions marquées et sans lissage, Ainār Rubikis alterne grands crescendos et épisodes plus lyriques, urgence et mystère, sur un phrasé tendu et puissant conciliant tout à la fois l'attention aux détails de la partition et la continuité du discours. Bâti entre méditation et monumentalité, l'Andante quasi Allegretto met en lumière les cordes graves et tout particulièrement un somptueux pupitre d'altos, réunis dans une cantilène pleine de mélancolie avant que l'orchestre ne se densifie dans une péroraison pleine de ferveur et de verticalité. Célèbre, le Scherzo de chasse met à rude épreuve les pupitres de cordes et de cuivres dont on admire la cohésion, la réactivité, la mise en place et l'engagement sans lourdeur avec de beaux effets d'écho encadrant un trio dansant et gracieux plus que campagnard (cordes, petite harmonie). Puissant et récapitulatif, porté par une dynamique sans faille très nuancée, le Finale alterne moments de tension et de détente jusqu'à la coda finale pleine de majesté et de solennité. Magnifique !
Crédit photographique : © Victor Dmitriev
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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 15-I-2024. Joel Järvenstausta (né en 1995) : Ouverture, création ; Francis Poulenc (1899-1963) : Concerto pour deux pianos et orchestre en ré mineur ; Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n° 4 dite Romantique en mi bémol majeur. Duo Geister (David Salmon et Manuel Vieillard). Orchestre national d’Île-de-France, direction : Ainārs Rubikis