Adriana González et Marina Viotti, à deux voix

La voix plutôt que le verbe. Voilà comment résumer en quelques mots ce disque « A deux voix » de deux artistes lyriques désormais positionnées au premier plan sur la scène lyrique.

Les deux compères que sont la soprano Adriana González et le pianiste Iñaki Encina Oyón, ne sont pas à leur premier fait d'armes avec un disque autour des mélodies d'Isaac Albéniz paru en 2021, et un enregistrement dédié aux mélodies de Robert Dussaut et Hélène Covatti publié l'année d'avant. L'arrivée de Marina Viotti, artiste lyrique de l'année aux Victoires de la musique 2023, dans cette démarche discographique pourrait donc justifier à elle seule le titre de ce nouveau disque, « A deux voix ».

A la lecture de la note d'intention du pianiste, concepteur de cette programmation musicale de vingt-deux mélodies du répertoire français du XIX^e siècle, on comprend surtout que ce disque a vocation à faire un appel du pied aux programmateurs pour proposer à leurs spectateurs un prochain récital en duo.

Il est vrai que les compositeurs mis à l'honneur et les pièces choisies offrent à l'auditeur un instant musical original, riche d'intentions et de poésie, dont le premier enregistrement mondial des Papillons de Charlotte Devéria, et avec une attention certaine pour intégrer des compositrices à cette proposition discographique (Charlotte Devéria, Pauline Viardot, Cécile Chaminade). Mais pour que cette poésie opère au mieux, il en faut comprendre les mots. Il est dommage que le travail de diction et d'émission ne soient pas plus aboutis, malgré les précédentes interprétations du répertoire français et le fort intérêt pour la langue de Molière d'Adriana González (au regard de ces différents concerts). La voix charnue et colorée de la soprano n'en séduit pas moins pour autant, mêlée au large et chaud mezzo de Marina Viotti dont la variété d'intentions raffinées sait émouvoir. La technique vocale est particulièrement maîtrisée, notamment dans les vibratos de Dansons ! d'Édouard Lalo (1823-1892). Le jeu d'Iñaki Encina Oyón est, quant à lui, aussi juste dans l'ambiance de chaque pièce que dans la virtuosité technique nécessaire à un accompagnement s'exprimant plus comme un dialogue avec les voix.

On regrette également le manque d'un fil conducteur ou d'une démarche musicologique plus poussée, laissant à penser que ce disque est conçu avant tout pour plaire, toutefois avec quelques découvertes et sans rentrer dans la facilité des « tubes » de ce répertoire. Cependant, l'objectif de charmer est bien atteint, même si les textes de Victor Hugo, Auguste Dorchain, Sully Prudhomme, François Coppée, Armand Silvestre, Théophile Gautier, Théodore de Banville, Honoré de Balzac, Camille Distel ou encore Charles Ligny et André Théuriet sont passés au second plan.