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Deux symphonies de Miaskovski par Alexander Rudin pour une nouvelle vision objective

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Nikolaï Miaskovski (1881-1950) : Symphonie n° 17 en sol dièse mineur op. 41 ; Symphonie n° 20 en mi majeur op. 50. Ural Youth Symphony Orchestra, direction : Alexander Rudin. 1 CD Fuga Libera. Enregistré au Grand Hall of Sverdlovsk Philharmonic, Yekaterinburg (Russie) en juillet 2022. Notice de présentation en anglais, français, russe. Durée : 68:52

 

revient à après un premier CD datant de 2019. Force est de constater que Svetlanov, auteur d'une intégrale et tout méritant qu'il soit, n'est pas un prophète indétrônable en la matière.

Nul doute que le temps de viendra ; un corpus symphonique aussi vaste ne pourra passer inaperçu des grands orchestres occidentaux. Jusqu'à présent, la discographie est dominée par l'incontournable Evgeny Svetlavov, le seul à en avoir réalisé l'intégrale. Ici et là, on trouve d'autres versions qui ont le mérite de proposer une heureuse alternative.

L'un des grands atouts d' consiste ici à nous proposer une lecture extrêmement fidèle au texte, doublée d'une capacité à laisser passer des sentiments. On sent un travail de précision sur chaque détail : le phrasé, les diverses sortes d'accents, les multiples nuances, les dynamiques, les modifications de tempo, l'articulation sont au service de l'expression et non pas seulement l'application mathématique d'indications d'écriture. Un fil directeur est lancé dès la première seconde et suivi tout au long du mouvement : on sait où l'on va et comment l'on y va. Et il faut avoir du souffle pour jouer Miaskovski, ainsi qu'une compréhension globale de ce qu'il a à dire à un moment donné, car, à l'instar de tous ces musiciens et artistes qui ont travaillé durant la période soviétique, chaque œuvre est à replacer dans son contexte historico-politique.

La Symphonie n° 17 date de 1936/37 ; la n° 20 de 1940. Mais curieusement, elles ne sont ni descriptives ni patriotiques. Les interrogations que ne cessera de se poser le compositeur correspondent davantage à un échange permanent entre les questionnements de son être et sa confrontation avec la réalité extérieure. Ainsi, interpréter Miaskovski demande encore plus de travail pour toucher une part de vérité quant à ses intentions.

La globalité ultra-subjective de Svetlanov fonctionne, mais si l'on isole une œuvre et qu'on la compare texte en main, on relativisera davantage. À titre d'exemple, le Lento assai de la Symphonie n° 17 flirte avec la lyrique de Rachmaninov : la beauté du pupitre des bois et des cuivres seuls, puis le diaphane des cordes divisées en sourdine soutenant le chant du cor, puis l'enchaînement du basson solo ; puis, rubato, la clarinette basse veloutée jusqu'à l'arrivée du quatuor des cordes, cette fois sans sourdine et à l'unisson duquel s'échappe, soutenu par la harpe, une douce clarinette solo. Du grand art, qui dure 13:50 – contre 16:50 pour Svetlanov, ô combien moins subtil. Les mêmes remarques peuvent s'appliquer au mouvement suivant : un Allegro poco vivace à deux temps débutant par des accords brefs joués en écho sur les pupitres, tombant comme des couperets avant l'entrée sèche et haletante des cordes en ostinato rythmique. Une fulgurance et une course à l'abîme rendue possible grâce à une mise en place implacable de précision, beaucoup plus lâche avec Svetlanov. Le reste est à l'avenant.

En fait, Alexandre Rudin bénéficie de deux avantages : un orchestre composé uniquement de très jeunes musiciens, dont une majorité de femmes, et une prise de son à la hauteur, ce qui n'était pas le cas pour Svetlanov. Pour le premier, il est indéniable que la nouvelle génération d'interprètes va s'investir autrement, va défendre la musique brute, débarrassée en quelque sorte du poids de l'histoire, pour lui trouver une raison d'être beaucoup plus objective. Et l'on attend toujours une version occidentale à la hauteur, mais si Rudin continue dans cette voix, alors nous sommes preneurs.

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Nikolaï Miaskovski (1881-1950) : Symphonie n° 17 en sol dièse mineur op. 41 ; Symphonie n° 20 en mi majeur op. 50. Ural Youth Symphony Orchestra, direction : Alexander Rudin. 1 CD Fuga Libera. Enregistré au Grand Hall of Sverdlovsk Philharmonic, Yekaterinburg (Russie) en juillet 2022. Notice de présentation en anglais, français, russe. Durée : 68:52

 
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