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Rudolf Noureev sagement exposé à l’Opéra de Paris

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Bibliothèque-Musée de l’Opéra de Paris. Palais Garnier, Paris. Exposition Rudolf Noureev à l’Opéra. Jusqu’au 5 avril.
Catalogue « Rudolf Noureev à l’Opéra » 80 photographies, 120 pages, 29 euros. Éditions Opéra national de Paris, 2023.

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À l'occasion des trente ans de la disparition de , l'Opéra national de Paris et la Bibliothèque nationale de France s'associent pour explorer les différentes dimensions de sa relation avec le Palais Garnier dans une sage et sobre exposition biographique.

Quelle personnalité plus flamboyante que pour le monde de la danse au XXᵉ siècle ? Considéré à ses débuts par la presse comme le « nouveau Nijinsky », aura forgé sa légende avec exubérance et ténacité, depuis sa naissance à bord du Transsibérien, non loin du lac Baïkal, à sa mort le 6 janvier 1993, à l'âge de 54 ans, touché par le Sida, comme beaucoup de sa génération.

C'est pourtant une sobre et sage exposition biographique centrée sur sa relation avec le Ballet de l'Opéra de Paris que proposent l'Opéra national de Paris et la Bibliothèque nationale de France. Le parcours présente d'émouvantes photographies en noir et blanc, des costumes ou des chaussons portés par Noureev, des extraits d'émissions de télévision auxquelles il a participé, ou encore des coupures de presse et des vidéos d'archives.

Tout au long de sa carrière brillante et itinérante, Rudolf Noureev (1938-1993) a en effet noué avec l'Opéra de Paris et son Ballet une relation intense et féconde. Celle-ci commence de manière éclatante avec l'étape parisienne de la tournée européenne du Ballet du Kirov de Leningrad au cours de laquelle Noureev décide de passer à l'Ouest. Elle est rythmée ensuite par les spectacles de l'Opéra auxquels il participe régulièrement comme Étoile invitée. Mais c'est surtout son legs en tant que chorégraphe, avec pas moins de treize ballets créés, recréés ou mis en scène au Palais Garnier entre 1974 et 1992 dont le dernier, La Bayadère, aura des allures de testament. On pourra voir ainsi les exceptionnels dessins des costumes de et des décors signés .

Noureev entre dans la légende alors qu'il n'a que 23 ans. Sa compagnie, le Ballet du Kirov de Leningrad (aujourd'hui Ballet du Mariinski de Saint-Pétersbourg) fait une tournée européenne et a pris ses quartiers à l'Opéra de Paris, depuis le 11 mai 1961. Rudolf Noureev fait sa première apparition sur la scène du Palais Garnier le 19 mai 1961 dans l'acte des Ombres de La Bayadère. Son succès est fulgurant et le public découvre alors un interprète magnétique à la danse à la fois fougueuse et sophistiquée. C'est à l'aéroport du Bourget, le 16 juin, que des agents du KGB lui signifient qu'il doit rentrer à Moscou tandis que le reste de la troupe continuera sa tournée à Londres. Il fait alors le choix de la liberté, à l'issue d'une rocambolesque échappée restée célèbre. Il parvient à se réfugier au poste de police de l'aéroport et à demander l'asile politique. Dans le contexte de la Guerre froide, il est érigé en champion de la liberté et défraye la chronique. Ayant choisi de rester en Occident, sa carrière devient très vite internationale et il danse sur toutes les grandes scènes d'Europe et des États-Unis.

Rudolf Noureev revient comme danseur au Palais Garnier en 1966 avec l'une de ses partenaires privilégiées, Margot Fonteyn, pour danser Marguerite et Armand. À partir de 1967, il est régulièrement invité à l'Opéra de Paris pour interpréter les grands rôles du répertoire parmi lesquels Giselle, Le Lac des cygnes, La Sylphide… aux côtés de Noëlla Pontois et Ghislaine Thesmar qui deviennent rapidement ses partenaires de prédilection. Il se fait également remarquer dans les œuvres créées par les Ballets russes comme Apollon musagète (Balanchine) ou encore Pétrouchka (Fokine).

Nommé directeur de la Danse de l'Opéra en 1983, il garde un statut particulier qui lui permet de se produire sur scène dans 40 représentations par saison. Il dansera ainsi dans tous les ballets qu'il crée ou remonte pour la compagnie (Basilio dans Don Quichotte, Jean de Brienne dans Raymonda, Drosselmeyer dans Casse-noisette, le prince dans Le Lac des cygnes, Mercutio dans Roméo et Juliette) ou dans les ballets de Roland Petit (Paradis perdu), Jerome Robbins (Afternoon of a Faun), Glen Tetley (Tristan avec ), Martha Graham (Phaedra's dream) et Pierre Lacotte (Marco Spada). L'exposition réserve une petite place aux photos de Rudolf Noureev avec ces autres grands noms de la danse au XXe siècle. Le plus émouvant est l'extrait vidéo du Chant du compagnon errant, de Maurice Béjart, dernier ballet que Rudolf Noureev interprète sur la scène du Palais Garnier, en 1990, aux côtés de Patrick Dupond.

Un leg exceptionnel en tant que chorégraphe

L'Opéra national de Paris a voulu profiter de l'anniversaire de la disparition de Rudolf Noureev pour mettre en valeur son legs exceptionnel à la compagnie parisienne, en tant que chorégraphe. Après Casse-noisette programmé pour les fêtes de fin d'année 2023, deux ballets seront remontés cette saison : Don Quichotte en mars 2024 et Le Lac des cygnes en juin-juillet 2024. Il faut dire que Rudolf Noureev aura durablement marqué de son empreinte le répertoire de la compagnie en apportant sa vision personnelle et parfois iconoclaste de ballets issus de l'héritage de Petipa, notamment. La chorégraphie de Cendrillon (1986) transpose, par exemple, le conte de Charles Perrault dans l'univers hollywoodien des années 1930. Les relectures de Don Quichotte (1981), de Raymonda (1983), du Lac des cygnes (1984), de Casse-Noisette (1985) ou de La Belle au bois dormant (1989) participent pleinement de l'héritage laissé par Noureev à l'Opéra de Paris. C'est au travers de ces lectures nouvelles que se dessinent les contours du « style Noureev » : une complexité technique mettant plus particulièrement en lumière la virtuosité des interprètes masculins ainsi que des décors et costumes somptueux imaginés par des artistes de renom (Nicholas Georgiadis, Ezio Frigerio, Hanae Mori, Franca Squarciapino, Petrika lonesco…).

Mais l'exposition permet aussi de redécouvrir avec intérêt les photos, décors et costumes des ballets issus de la seule imagination de Rudolf Noureev et inspirés par des œuvres littéraires, comme Manfred (1979), La Tempête (1984) ou Washington Square (1985) qu'il serait intéressant de revoir sur scène.

Le 4 février 1982, Rudolf Noureev est nommé directeur de la Danse à l'Opéra de Paris, poste qu'il quittera en 1989, juste après l'inauguration de l'Opéra Bastille. C'est le premier poste permanent de Noureev, jusqu'alors plutôt nomade, jonglant entre des engagements partout dans le monde. En tant que directeur de la Danse, il a notamment en charge la programmation des ballets, la distribution des danseurs et la nomination des Étoiles, dont Sylvie Guillem, Isabelle Guérin, Élisabeth Maurin, Manuel Legris, Laurent Hilaire. Sa personnalité solaire, sa passion et sa discipline marquent toute cette génération, qui portera littéralement sur ses épaules son cercueil lors du dernier hommage qui lui sera rendu après sa mort à l'Opéra Garnier.

Rudolf Noureev donne une impulsion nouvelle au Ballet, comme en témoignent de nombreuses coupures de presse exposées sous vitrine. Des tournées internationales, en particulier aux États-Unis, scandent son mandat et obtiennent un succès retentissant. Sous sa direction, trois studios sont inaugurés sous la coupole du Palais Garnier qui portent le nom de grands chorégraphes, Lifar, Balanchine et Petipa, auquel Noureev est profondément attaché. Fort de sa carrière et des liens qu'il a noués, il invite des chorégraphes contemporains à créer pour la compagnie, comme William Forsythe, Francine Lancelot, Jiri Kylián, Merce Cunningham, Maguy Marin, Jerome Robbins ou Roland Petit…

Malgré la richesse des documents exposés, l'exposition au commissariat partagé entre Opéra national de Paris et Département de la musique de la BnF manque d'un véritable parti-pris et d'une scénographie à la hauteur de la flamboyance et de la personnalité hors-norme de celui dont l'influence sur le Ballet de l'Opéra de Paris et son répertoire est encore très vivace.

Pour compléter, il sera toujours possible d'aller au Centre national du costume et de la scène à Moulins pour visiter la « collection Noureev », spectaculaire espace permanent consacré au grand danseur.

Crédits photographiques : Rudolf Noureev avec les danseurs de l'Opéra de Paris lors d'une répétition de Don Quichotte d'après Marius Petipa, 1981 © Francette Levieux ; Rudolf Noureev dans Petrouchka (Mikhail Fokine), 1972 © Colette Masson / Roger-Violet ; Nicholas Georgiadis : Maquette du costume de Kitri dans Don Quichotte de Rudolf Noureev d'après Marius Petipa (1981) Collection privée ; Rudolf Noureev et dans Tristan (Glen Tetley), 1974 © Colette Masson / Roger-Violet

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