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Lieder de Schubert avec orchestre par Benjamin Appl

Dans une sélection de lieder de Schubert arrangés avec orchestre, le baryton allemand apporte une nouvelle preuve de ses affinités avec ce répertoire. Séduction vocale et intelligence du texte pour un programme fait à la fois de pièces connues et du morceaux plus rares.

En quelques années, le baryton allemand s'est imposé comme un des meilleurs chanteurs de lieder de la jeune génération. Son timbre clair et séduisant, sa musicalité sobre et raffinée compensent en effet des moyens vocaux qui restent relativement modestes au regard de ceux des grands barytons d'opéra qui écument la scène internationale. Le Lied reste donc le domaine d'élection de cet artiste dont on découvre avec plaisir et curiosité chacun des nouveaux enregistrements.

propose ainsi un nouvel album consacré à Schubert, mais avec cette fois-ci une sélection intelligente de lieder tous orchestrés par des compositeurs variés. Les grands tubes du répertoire – La Truite dans l'orchestration de , Erlkönig, An die Musik ou Nacht und Traüme dans celle de – côtoient ainsi des pages plus rares, notamment certains lieder narratifs de Schubert pour lesquels la mélodie à proprement parler n'est pas la partie essentielle. En dépit de l'attachement qu'on peut avoir pour la version originale avec piano, on aurait tort de bouder ces orchestrations qui étaient surtout destinées, à l'époque où les lois de la programmation de concert n'étaient pas celles qu'elles sont aujourd'hui, à éviter qu'un chanteur se produise avec un piano au beau milieu d'un concert avec orchestre. , un des orchestrateurs du présent enregistrement, n'avait pas manqué de rappeler à quel point il trouvait insultant de devoir écouter un chanteur interpréter des lieder sur un misérable accompagnement de piano après avoir entendu des pièces pour grand orchestre. L'instrumentation de telles pages peut également être vue comme un art de la coloration tout à fait susceptible de revisiter, en l'interprétant, les partitions dont on pensait qu'elles n'avaient plus de secret. Qu'on écoute La Truite instrumentée par Britten pour s'en convaincre. Elle est également un moyen de donner une ampleur renouvelée aux grandes pages dramatiques auxquelles elles confèrent une force et une urgence que n'ont pas certaines versions pianistiques, qui pourraient en effet paraître grêles pour soutenir une déclamation marquée par l'emphase et l'exaltation. De fait, Prometheus ou Gruppe aus dem Tartarus, orchestrés par ce postromantique presque moderniste qu'est , c'est tout de même autre chose.

Comme cela a souvent été dit, le velours du timbre de Benjamin Appl n'est pas sans rappeler celui de son mentor Dietrich Fischer-Dieskau. On trouve d'ailleurs chez les deux chanteurs une certaine affinité pour les pages calmes et contemplatives, qu'ils rehaussent de leur legato de miel. Les pièces plus dramatiques, en revanche, mettent parfois en exergue les relatives limites de leurs moyens. Ici, la beauté solaire du timbre de Benjamin Appl, sa diction exemplaire, et surtout la riche palette de nuances dont il dispose sont de très précieux atouts, dont il sait user avec son élégance et sa musicalité coutumières. On aura rarement identifié aussi distinctement les quatre voix qui composent un lied comme Erlkönig, celles du narrateur, du père, de l'enfant et du roi des Aulnes. Dans Der Tod und das Mädchen Appl atteint les notes de basse profonde parfois escamotées par ses collègues dans ce même lied. Afin de marquer des césures dans ce programme, le chef d'orchestre dirige des extraits des Danses allemandes de Schubert dans l'orchestration de Johannes von Herbeck, qu'il interprète avec grâce et légèreté. Il sait pour l'accompagnement des Lieder rester sobre et discret de manière à ne jamais couvrir l'instrument de son chanteur, tout en faisant miroiter les subtils jeux de couleur souhaités par les différents orchestrateurs.

Un disque innovant et original, qu'on rangera, dans la famille des Lieder de Schubert pour version orchestrale, à côté des autres belles réussites que sont les contributions de Matthias Goerne (avec la Deutsche Kammerphilharmonie Bremen), ou encore Thomas Quasthoff et Anne-Sofie von Otter. Ces deux derniers bénéficiaient de l'accompagnement de Claudio Abbado, qui pour beaucoup de mélomanes avait fait de ce disque une révélation. Le beau disque de Benjamin Appl n'aura pas à rougir d'un tel voisinage.

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