Nouvel an festif à Berlin avec Joana Mallwitz et Lea Desandre
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Berlin. Konzerthaus. 1-I-2024. Claudio Monteverdi/Frank Löhr, Lo spirito di Orfeo ; Jacques Offenbach, Ouverture d’Orphée aux enfers ; Claudio Monteverdi, Lettera amorosa ; airs et pièces instrumentales de Mozart (Voi che sapete, ouverture des Noces de Figaro), Rossini (Temporale et Una voce poco fa extraits du Barbier de Séville), Prokofiev (extraits de Roméo et Juliette), Gounod (Je veux vivre dans ce rêve) et Bernstein (Somewhere et Symphonic Dances extraits de West Side Story). Lea Desandre, soprano ; Konzerthausorchester Berlin, direction : Joana Mallwitz
La nouvelle directrice musicale de l'orchestre du Konzerthaus et sa soliste font la démonstration de leur versatilité, dans un programme qui ne manque pas d'ambition.
Il est difficile de choisir entre les nombreux concerts de Saint-Sylvestre et de Nouvel An qui se succèdent à Berlin : cette année, le concert du Philharmonique de Berlin méritait qu'on s'y arrête, mais on pouvait aussi aller au Konzerthaus pour un concert un peu plus directement festif. Pour autant, le programme choisi par Joana Mallwitz n'est pas sans ambition, pour l'essentiel de la soirée du moins. À la tête de l'orchestre du Konzerthaus dont elle est la directrice musicale depuis le début de la saison, elle accueille comme soliste Lea Desandre, qui chante une série d'airs qui va bien au-delà de son répertoire habituel. Elle commence certes par Monteverdi, au cœur de son répertoire : Lo spirito di Orfeo, suite arrangée d'après L'Orfeo par Frank Löhr, commence par la Toccata qui ouvre l'opéra, parfaite pour ouvrir une nouvelle année musicale ; ensuite, la soliste chante l'air de la Musique, puis d'autres airs de l'opéra, interrompus par des passages orchestraux que Löhr fait enfler jusqu'au grand orchestre symphonique. L'idée est d'emplir tout l'espace du Konzerthaus, avec des musiciens répartis dans l'espace, mais il faut bien avouer qu'on franchit sans complexe les frontières du kitsch à plusieurs reprises.
Desandre reste ensuite chez Monteverdi avec la Lettera amorosa du Septième livre, accompagnée au clavecin par la cheffe. Elle chante avec élégance, avec un sens certain du style, mais aussi avec une tendance au maniérisme qui affadit les passions qui sont la matière même de cette musique : c'est souvent le cas au disque et au concert, notamment dans ses concerts avec l'Ensemble Jupiter et Thomas Dunford, qui manquent si cruellement de chair et d'ampleur. On la préfère dans le répertoire plus tardif qui occupe la suite du programme, Cherubino, Rosina et la Juliette de Gounod : la voix s'y déploie plus librement, sans alanguissement, avec une fraîcheur qui fait merveille. On lui reprochera simplement, malgré sa virtuosité certaine, de privilégier dans les vocalises la ligne aux angles, ce qui donne souvent une impression de flou.
Dans les abondants passages orchestraux de ce long concert, Joana Mallwitz dirige avec énergie et allant, sans négliger les passages plus graves du Roméo et Juliette de Prokofiev, qui forment le début de la seconde partie, et sans oublier d'introduire chaque morceau avec une verve qui conquiert le public. On aurait à vrai dire pu se passer des très anecdotiques Danses symphoniques de West Side Story : la cheffe confirme ainsi sa versatilité, du baroque à la comédie musicale, mais on aurait préféré une partition un peu plus riche, et pourquoi pas un peu plus contemporaine pour conclure sa démonstration. Elle aura en tout cas prouvé qu'on pouvait fêter le Nouvel An autrement qu'en ressassant les mêmes rengaines et les mêmes vénérables chefs, et c'est décidément beaucoup.
Crédits photographiques : © Julien Benhamou
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Berlin. Konzerthaus. 1-I-2024. Claudio Monteverdi/Frank Löhr, Lo spirito di Orfeo ; Jacques Offenbach, Ouverture d’Orphée aux enfers ; Claudio Monteverdi, Lettera amorosa ; airs et pièces instrumentales de Mozart (Voi che sapete, ouverture des Noces de Figaro), Rossini (Temporale et Una voce poco fa extraits du Barbier de Séville), Prokofiev (extraits de Roméo et Juliette), Gounod (Je veux vivre dans ce rêve) et Bernstein (Somewhere et Symphonic Dances extraits de West Side Story). Lea Desandre, soprano ; Konzerthausorchester Berlin, direction : Joana Mallwitz