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Mannheim. Alte Schildkrötfabrik. 29-XII-2023. Kurt Weill (1900-1950) : Der Silbersee (Le Lac d’argent), conte d’hiver en trois actes sur un texte de Georg Kaiser. Mise en scène : Calixto Bieito ; décor : Anna-Sofia Kirsch ; costumes : Paula Klein. Avec Patrick Zielke (Olim), Christopher Diffey (Severin), Rita Kapfhammer (Frau von Luber), Mirella Hagen (Fennimore), Uwe Eikötter (Baron Laur)… Orchester des Nationaltheaters Mannheim ; direction : Jürgen Goriup
Ni le lieu atypique ni la mise en scène ne permettent de faire vivre le drame écrit par Georg Kaiser pour Kurt Weill.
Calixto Bieito, à côté des grandes scènes européennes, passe aussi souvent par Mannheim : son spectacle précédent, Jakob Lenz de Rihm, était un de ses plus beaux, hélas vu seulement par le public local alors qu'il aurait bien mérité de rayonner plus largement. Cette fois, il se confronte à une tâche particulièrement difficile, celle de sauver Der Silbersee (Le Lac d'argent) de Kurt Weill, sur un livret du bien oublié dramaturge expressionniste Georg Kaiser. Créé trois semaines après l'arrivée au pouvoir de Hitler avec grand succès, il est vite interdit, mais ce n'est pas cette hostilité politique de sombre mémoire qui explique son absence de nos scènes contemporaines : si on joue les collaborations de Weill avec Brecht beaucoup plus souvent que celles avec Kaiser, c'est d'abord parce qu'il y a un abîme dans la qualité littéraire des deux auteurs : la manière dont Brecht, dans le dialogue comme dans les poèmes qui forment les songs, fait flèche de tout mot, manque cruellement ici, face aux bavardages et au propos ambitieux mais vague de Kaiser.
Le théâtre de Mannheim est en travaux, comme beaucoup d'autres théâtres allemands avec des chantiers qui ne semblent pas vouloir finir (Augsbourg, Komische Oper, bientôt Stuttgart et Karlsruhe, et le doyen de tous les chantiers, l'Opéra de Cologne, en travaux depuis 2012). Pour ce spectacle, on nous envoie dans une banlieue improbable, difficilement accessible en transports en commun, dans une ancienne usine située sur le parking d'un grossiste alimentaire. Dans la halle toute en longueur, Bieito a installé un dispositif bifrontal, qui n'a rien de franchement original et le dispense pour ainsi dire de tout autre décor. Sa mise en scène se limite donc pour ainsi dire à sa direction d'acteurs, comme il arrive souvent chez les metteurs en scène trop occupés. Tout le monde bouge donc beaucoup, mais sans parvenir à donner aux personnages le profil que leur refuse le texte, sans parvenir à donner une atmosphère aux différentes scènes.
Il ne nous reste donc que la musique de Weill, plus lyrique que dans ses collaborations avec Brecht. Même si on comprend bien pourquoi seules ces dernières ont véritablement intégré le répertoire, on ne peut nier la qualité de cette musique, et on regrette bien qu'aucune solution théâtrale ne réussisse à lui donner véritablement vie. La distribution est dominée par la soprano Mirella Hagen, radieuse et percutante, et par la basse généreuse de Patrick Zielke, au sein d'une vaste distribution un peu plus anonyme. On regrette beaucoup que, faute d'un vrai théâtre, il faille autant sonoriser les chanteurs et l'orchestre, au point qu'on cherche souvent du regard la personne qui chante. L'orchestre dirigé par Jürgen Goriup donne beaucoup de dynamisme à la soirée, mais ce n'est pas encore ce soir qu'on trouvera le chemin du Lac d'Argent.
Crédits photographiques : © Christian Kleiner
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Mannheim. Alte Schildkrötfabrik. 29-XII-2023. Kurt Weill (1900-1950) : Der Silbersee (Le Lac d’argent), conte d’hiver en trois actes sur un texte de Georg Kaiser. Mise en scène : Calixto Bieito ; décor : Anna-Sofia Kirsch ; costumes : Paula Klein. Avec Patrick Zielke (Olim), Christopher Diffey (Severin), Rita Kapfhammer (Frau von Luber), Mirella Hagen (Fennimore), Uwe Eikötter (Baron Laur)… Orchester des Nationaltheaters Mannheim ; direction : Jürgen Goriup