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Au Japon, le Tokyo Sinfonietta rend hommage à Akira Nishimura

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Tokyo. Concert hall d’Ueno 22-XII-2024. Akira Nishimura (1953-2023) : Karura, concerto pour hautbois et ensemble ; Rose Valley, pour flûte et guitare ; Kotchomu, concerto pour violon, harpe, clarinette et ensemble ; Motoharu Kawashima (né en 1972) : And I knew ‛twas’ Toccata II, pour ensemble ; Allain Gaussin (né en 1943) : Par delà…, pour clarinette basse, piano et percussion ; Yasuyuki Watanabe, hautbois ; Daisuke Suzuki, guitare ; Mitsuharu Saito, flûte ; Tomoko Yoshinari, violon ; Mari Kimura, harpe ; Wakako Satou, clarinette. Tokyo Sinfonietta, direction : Yasuaki Itakura

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Trois œuvres dont une création posthume du regretté sont à l'affiche du concert hommage rendu par le à cette figure majeure de la création japonaise disparue en septembre dernier. Au programme également, la pièce récente (2021) du Français dont on fête, à Paris comme au Japon, les 80 ans.

Compositeur prolifique dont le catalogue compte quelques trois cents opus, était aussi chef d'orchestre et pédagogue, professeur au Conservatoire de musique de Tokyo. Il a abordé tous les genres de la composition, y compris des œuvres pour instruments japonais traditionnels. Deux concertos sont au programme de la soirée, rendant compte de l'importance de la musique concertante dans sa production.

Dotée d'une acoustique remarquable, la salle du Bunka Kaïkan de Tokyo située à l'entrée de l'immense parc d'Ueno, est comble pour ce deuxième concert donné en mémoire du compositeur. Le hautboïste Yasuyuki Watanabe est au côté du dirigé par son chef dans Karura, le concerto pour hautbois de Nishimura composé en 2000. Le titre fait référence à l'un des trésors nationaux du temple Kofuku-ji de Nara, la statue impressionnante de Karura à corps humain et tête d'oiseau ; un visage d'oiseau glacial figé dans le temps : « Je voulais briser le silence de ce bec inerte et fermé », nous dit le compositeur dans sa note d'intention. Les déflagrations (percussions et piano) qui débutent l'œuvre donnent le ton avant l'arrivée du hautbois solo qui dessine ses courbes mélodiques très ornementales aux sonorités détempérées. L'écriture est virtuose, déployant tout le registre de l'instrument dont les figures sont prolongées et amplifiées par l'ensemble. Le son et ses allures varient sans cesse sous l'action des modes de jeu du soliste (trémolos, bisbigliandi, oscillations microtonales, flatterzunge) au sein d'une écriture conciliant couleurs orientales et langage occidental. Le geste compositionnel est puissant et le discours ponctué par des résonances profondes qui en accusent la dramaturgie. Les cadences sont nombreuses qui font briller le soliste dont l'ampleur de la sonorité et la flexibilité du jeu impressionnent, tout comme la réactivité et la synergie du .

De Motoharu Kawashima, compositeur formé à la Tokyo National University of Fine Arts and Music, And then I knew twas' Toccata II met en vedette le vibraphone dont la trame rythmique, comme un fil rouge, traverse toute la composition. Le titre reprend pour partie celui d'une œuvre de Toru Takemitsu And then I knewtwas wind' (Et je savais que c'était du vent) tiré d'un poème d'Emily Dickinson. La toile sonore y est richement colorée, entre harmonie consonante, contour modal, élans mélodiques et séquences plus texturées. Si l'influence du jazz est de plus en plus prégnante au fil de l'écriture (citation furtive de Gershwin), ce sont les appeaux d'oiseaux actionnés par les instrumentistes qui prennent in fine le dessus, modifiant radicalement le paysage sonore au terme de la trajectoire.

Attaché à la terre japonaise où il a enseigné durant de longues années, multiplie les affinités avec la culture nippone. Des titres comme Satori, Jardin Zen ou encore Tokyo-city en témoignent aisément. L'exécution d'Au delà… par le Tokyo Sinfonietta consacre une tournée d'une quinzaine de jours au Japon où, invité par diverses universités de Kyoto, Osaka et Tokyo, le compositeur a donné master-classes et conférences.

Par delà… (2021) est une co-commande de Radio France et de l'Ensemble Intercontemporain, écrite pour clarinette basse, piano et percussion. Donnée ce soir par les solistes du Tokyo Sinfonietta, la pièce d'une quinzaine de minutes est un cheminement vers la lumière, une partition composée à une période douloureuse de la vie du compositeur, marquée par la disparition de son épouse. Une voix off (celle de Gaussin) prélude à la musique, donnant à entendre le court poème écrit de sa main qui accompagne la partition : « Par delà, l'invisible / la route fièvre, inerte, / évapore le grain aveugle de l'oubli […]».

Amorcé par les scansions aux allures de rituel de la grosse caisse voilée, le son d'abord bruiteux (souffle et granulation) émerge lentement du silence, porté par un processus d'amplification et un mouvement de spirale qui libère la résonance et propulse les sonorités vers l'aigu. Le discours s'anime, donnant vie aux « figures rubans » chères au compositeur, trajectoires mélodiques évoquant ici «l'extraordinaire chorégraphie des étourneaux dans le ciel », écrit Gaussin dans sa note d'intention. La dernière phase est une méditation tendue introduite par la résonance du vibraphone : polyphonie flottante tissée par les trois instruments qui fait basculer l'écoute dans une autre dimension du temps et de l'espace. Le célesta relaie alors le piano (Ami Fujiwara), la clarinette basse d'Haruyo Nishizawa émet un dernier appel éperdu tandis que s'entrechoquent dans la pleine lumière, les petites cymbales tibétaines dont la percussionniste (Yoko Ishizaki), bras levés, laisse grandir l'aura scintillante sous son geste circulaire.

Le souffle en tant qu'énergie primordiale traverse également la pièce pour flûte et guitare Rose Valley de Nishimura qui met sur le devant de la scène le guitariste Daisuke Suzuki et la flûtiste Mitsuharu Saito. Les modes de jeu pratiqués par les deux instrumentistes (sons glissés, bisbigliandi, attaques percussives, oscillations microtonales, fluctuations du timbre) autant que les couleurs recherchées évoquent les instruments traditionnels du Japon (shakuhachi et shamisen). La pièce est d'une grande volubilité, superbement restituée par les deux instrumentistes virtuoses rompus à ces techniques de jeu spécifiques.

Kotchomu (Le rêve du papillon) a été composé au printemps dernier par . Ce triple concerto pour violon, harpe, clarinette et ensemble, donné ce soir en création, est une co-commande du Tokyo Sinfonietta et d'Izumi Sinfonietta Osaka dont Nishimura était le directeur artistique.

Le titre fait référence à la parabole célèbre du penseur chinois Tchouang-tseu inscrite dans son Zhuangzi, chapitre II, « Discours sur l'identité des choses », qui pose la question de la frontière entre le rêve et la réalité, entre le vrai et le faux. Le discours musical est tendu, l'assise harmonique puissante et l'écriture foisonnante, alternant entre opulence orchestrale et déploiement mélodique des solistes, sans que l'empreinte de la musique traditionnelle y soit véritablement présente. Le violon (Tomoko Yoshinari) rayonne dans les sphères lumineuses de son registre, inscrit sur les résonances d'une harpe très volubile (Mari Kimura). La clarinette (Watakato Satou) n'est pas en reste, dotée, comme les deux autres solistes, de cadences vertigineuses auxquelles l'orchestre offre un écrin sonore somptueux et éminemment ciselé. Aux côtés du Tokyo Sinfonietta conduit avec fermeté par son chef , les trois solistes sont de haut vol, donnant la pleine mesure d'une écriture aussi brillante qu'éminemment expressive.

Crédits photographiques : © ResMusica

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