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À Bruxelles, un concert pour le temps de Noël par Stile Antico

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Bruxelles. Bozar. Eglise Saint-Jacques sur Coudenberg. 21-XII-2023. « This Joyful Birth ». Plainchant anonyme : Conditor Alma siderum ; John Taverner (ca 1490-1545) : Audivi vocem de caelo ; Heinrich Schütz (1585-1672) : O Lieber herre Gott, SWV 381; William Byrd (ca 1540-1623) : Laetentur caeli ; Sebastian de Vivanco (1551-1622) : Ave Maria; Anonyme : There is no rose, extrait du Trinity Carol Manuscrit ; Johannes Eccard (1553-1611) : Übers Gebirge Maria geht ; Tomas Luis de Victoria (1548-1611) : O Magnum mysterium ; Mateo Flecha l’Ancien (1481-1553) : El Jubilate ; Michael Praetorius (1571-1621) : Ein Kind geboren in Bethleem ; Jacobus Clemens non Papa (ca 1510-1556) : Pastores quidnam vidistis ; Claudio Monteverdi (1567-1643) : Rutilante in nocte exultant ; Richard Dering (ca 1580-1630) : Quem vidistis pastores ; Luca Marenzio (1553-1599) : Tribus miraculis ; Francisco Guerrero (1528-1599) : A un nino llorando ; John Sheppard (ca 1515-1558) : Reges tharsis ; Roland de Lassus (1532-1594) : Resonet in laudibus. Ensemble Stile Antico.

Bozar Bruxelles invitait l' pour un intense programme de Noël en forme de passionnant tour d'Europe. 

À la suite de leurs glorieux aînés – , les Tallis Scholars de Peter Philips, les Sixteen d'Harry Christophers – plusieurs « jeunes » ensembles britanniques, tels Voces 8 ou Stile Antico ont (r)affiné encore d'avantage notre vision du répertoire a capella – entre autres, renaissant – par leur approche individualisée au service de l'expression collective.

Stile Antico a été fondé voici une bonne quinzaine d'années, et, au gré d'inévitables changements d'effectif liés aux carrières individuelles ou de diverses sollicitations musicales, réunit douze chanteurs sans la tutelle fédératrice d'un chef de chœur. L'approche, malgré la puissance sonore de l'ensemble, se veut essentiellement chambriste, basée sur une écoute mutuelle, et sur le respect de chaque personnalité en l'absence d'un leadership affirmé. Elle est consolidée par l'éclatement total des pupitres, mélangés, responsabilisant ainsi au fil d'un travail sans filet chaque choriste pour un tout supérieur à la somme des parties. L'identité sonore est immédiatement identifiable, notamment par la qualité vocale tant soliste que globale, notamment avec ces trois stratosphériques soprani high trebles, d'ailleurs identiques depuis la fondation du groupe.

La Place Royale de Bruxelles est illuminée ce soir de projections au couleurs des drapeaux belge et européen pour signifier la prochaine présidence du royaume d'Outre-Quiévrain au Conseil européen. Il est assez amusant de voir programmé, indépendamment de cette actualité politique, en clôture de l'exercice 2023 de Bozar, un ensemble britannique chantant l'unité dans la diversité d'une Europe utopiquement idéalisée et musicalement prégnante. La programmation fait le tour du continent en quatre-vingts minutes et dresse un parcours du calendrier liturgique allant de l'Avent (l'antienne grégorienne Conditor Alme Siderum, entonnée auguralement depuis la nef par les voix d'hommes) jusqu'à la fête de la Circoncision (premier janvier – avec le célèbre O magnum Mysterium de ), donné ce soir avec une ferveur mystique des plus brûlantes.

Le parcours musical est très bien agencé, regroupant parfois des pages illustrées par le prestigieux ensemble londonien au gré de sa déjà riche discographie. Chaque pièce est placée délicatement en son écrin pour trouver un écho ailleurs au gré des pages sélectionnées. En effet, plusieurs axes pourront être débusqués par l'auditeur attentif au fil de ce somptueux programme.

Tout d'abord, il y a ce mélange de langues, de traditions populaires ou savantes, de cultures religieuses diverses, véritable épiphanie par leurs variétés du mystère de l'Incarnation. À des pages parfois très austères (tel le sublime mais redoutable Audi vocem de Caelo de , confié aux seuls pupitres aigus) répondront en total contraste l'exubérant Jubilate véritable ensalada sacrée aux accents rustiques de Matteo Flecha l'Ancien, ou le villancico A un nino Llorando de , tous deux donnés en quatuor de solistes.

Il y a aussi ce Temps multiséculaire qui dévide son fil en quelques minutes, depuis le célèbre Carol anglais anonyme du quinzième siècle There is no rose, jusqu'au O Lieber Herre Gott, extrait de la Geistliche chormusik d' publiée en 1648, pièce la plus tardive du présent concert. En filigrane s'immisce l'histoire politico-religieuse européenne parfois convulsive en total contraste avec les diverses expressions musicales souvent sereines : au Laetantur Coeli d'un , catholique militant au pays de l'anglicanisme triomphant, répondront des pages germaniques d'essence luthérienne signées ou Michaël Praetorius, elles-mêmes opposées aux pages de la contre-réforme espagnole la plus engagée, représentée par le poignant Ave Maria de . Un bel exemple de parfait et intemporel œcuménisme musical.

Ailleurs des textes similaires sollicitent des pages contrastées : au simple et presque bonhomme Quem vidistis pastores d'un répond le somptueux et spectaculaire Pastores quidnam visidistis du Flamand Clemens non Papa extraordinaire par son énergie vivifiante et ses rencontres harmoniques flamboyantes. Enfin, il y a aussi le charme de la découverte de pages moins courues, tel ce Tribus Miraculis signé , compositeur bien plus connu pour sa production madrigalesque ou le planant Reges Tharsis  de , extraordinaire par sa sollicitation des pupitres aigus et de fait plus couru de l'autre côté du Channel que sur notre continent.

Pour cet étonnant parcours, l'on peut compter sur l'homogénéité superlative de l', idéal dans les pages renaissantes tant par sa justesse d'intonation à toute épreuve que par son engagement fervent. La courbe individuelle de chaque voix n'est jamais surlignée et peut intégrer avec élan et conviction la globalité d'une polyphonie toujours aérée et intelligible même au sein des écheveaux les plus touffus – et ce malgré l'acoustique généreusement réverbérée de l'église Saint-Jacques sur Coudenberg. Cette approche très sonore peut apparaître un rien lisse dans les pages plus tardives, clairement orientées vers l'ère baroque et d'autres ressorts expressifs : il manque peut-être à l'interprétation du motet de Schütz déjà mentionné, le sens rhétorique, l'intelligence du mot au-delà du seul sortilège sonore, que pouvaient lui conférer le Cantus Cölnn (de Konrad Junghänel) ou le Collegium Vocale de Gand (de Philipe Herreweghe). On peut aussi trouver un rien timorée l'approche madrigalesque du Rutilante in nocte exultant de , déclinaison sacrée du célèbre madrigal Io mi son giovinetta. Mais que de somptuosités ailleurs, telles en ce conclusif Resonet in Laudibus  de – « le » compositeur quasi « régional » de ce périple- donné avec une allégresse contagieuse et une conviction ravageuse.

Le public jusque là silencieux au fil de ce concert sans pause réserve à Stile Antico une standing ovation méritée, assez rare pour ce type de concert plutôt austère, à laquelle le groupe répond par un bref bis et un retour à , histoire de nous rappeler à la fois, en cette fin d'année 2023, le quadricentenaire de la disparition de cet autre Orpheus Britannicus … et le somptueux album, paru chez Decca, que cet ensemble so british lui a consacré en cette année jubilaire.

Crédits photographiques : Stile Antico © Kaupo Kikkas

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Bruxelles. Bozar. Eglise Saint-Jacques sur Coudenberg. 21-XII-2023. « This Joyful Birth ». Plainchant anonyme : Conditor Alma siderum ; John Taverner (ca 1490-1545) : Audivi vocem de caelo ; Heinrich Schütz (1585-1672) : O Lieber herre Gott, SWV 381; William Byrd (ca 1540-1623) : Laetentur caeli ; Sebastian de Vivanco (1551-1622) : Ave Maria; Anonyme : There is no rose, extrait du Trinity Carol Manuscrit ; Johannes Eccard (1553-1611) : Übers Gebirge Maria geht ; Tomas Luis de Victoria (1548-1611) : O Magnum mysterium ; Mateo Flecha l’Ancien (1481-1553) : El Jubilate ; Michael Praetorius (1571-1621) : Ein Kind geboren in Bethleem ; Jacobus Clemens non Papa (ca 1510-1556) : Pastores quidnam vidistis ; Claudio Monteverdi (1567-1643) : Rutilante in nocte exultant ; Richard Dering (ca 1580-1630) : Quem vidistis pastores ; Luca Marenzio (1553-1599) : Tribus miraculis ; Francisco Guerrero (1528-1599) : A un nino llorando ; John Sheppard (ca 1515-1558) : Reges tharsis ; Roland de Lassus (1532-1594) : Resonet in laudibus. Ensemble Stile Antico.

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