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La Chauve-Souris à Munich : The Barrie Kosky Show, encore

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Munich. Nationaltheater. 26-XII-2023. Johann Strauss II (1825-1899) : Die Fledermaus (La Chauve-souris), opérette en trois actes sur un livret de Richard Genée et Karl Haffner. Mise en scène : Barrie Kosky ; décors : Rebecca Ringst ; costumes : Klaus Bruns. Avec Georg Nigl (Eisenstein), Diana Damrau (Rosalinde), Martin Winkler (Frank), Andrew Watts (Orlofsky), Sean Panikkar (Alfred), Markus Brück (Dr. Falke), Kevin Conners (Dr. Blind), Katharina Konradi (Adele), Miriam Neumaier (Ida)… Chœur de l’Opéra de Bavière, Bayerisches Staatsorchester ; direction : Vladimir Jurowski

et brillent par le jeu autant que par le chant, malgré la direction de qui semble les mettre à distance.


sait divertir, c'est son grand argument commercial ; il sait aussi parfois faire mieux, émouvoir et perturber, explorer les profondeurs des œuvres, mais il n'a souvent pas le temps de le faire, à force de multiplier les productions ici, là et ailleurs. Cette toute nouvelle Chauve-Souris n'a pas d'autre ambition que de divertir, et elle le fait efficacement, comme le montrent les réactions enthousiastes du public munichois, qui n'attend pas autre chose d'une œuvre qui est rituellement au programme à la période des fêtes. Est-ce pour autant suffisant ? Peut-on à ce point escamoter la face sombre de l'œuvre ? Cette face sombre, on la découvre au moins depuis la fameuse production de Hans Neuenfels à Salzbourg en 2001, spectacle aussi brillant que provocant, dans le meilleur sens du terme ; aujourd'hui, cette histoire de bourgeois qui s'affranchissent de la loi et prennent leur épouse pour des idiotes, de rats de l'opéra qui servent de chair fraîche dans les fêtes mondaines, tout cela touche aux thèmes les plus brûlants d'aujourd'hui, et on peine à comprendre comment une nouvelle mise en scène peut les évacuer aussi complètement.

Même la scène habituellement parlée du gardien de prison Frosch, autrefois occasion pour des acteurs invités de brocarder les puissants du moment, se transforme en un interminable numéro de Max Pollak, qui a développé une forme de claquettes où d'autres parties de son corps sont mises à contribution : c'est somme toute assez ennuyeux et surtout vide de tout contenu, tout comme le numéro de , l'interprète du directeur de la prison, juste après : il faut attendre près de vingt minutes au début de l'acte III pour en arriver à l'air d'Adele, et c'est interminable.

Musicalement, ne cherche pas à affronter le souvenir direct de Carlos Kleiber. Moins hédoniste, mais aussi moins mélancolique, l'interprétation de Jurowski a le mérite d'aller constamment de l'avant ; un peu plus de couleurs dans la fosse, et surtout un peu plus de soutien aux chanteurs qui n'apparaissent pas particulièrement à l'aise et pas particulièrement présents n'auraient tout de même pas fait de mal.

Les chanteurs sont donc le principal atout de la soirée. Pour leurs voix bien sûr, malgré cette impression de distance qui tient aux faiblesses de la direction, mais surtout parce qu'ils font preuve d'une énergie que la direction d'acteurs de Kosky n'a besoin que de canaliser – et c'est bien ce qu'il sait faire.

, éminent interprète de musique contemporaine, est aussi une figure comique irrésistible ; son Eisenstein est merveilleux de morgue bourgeoise indissociable du plus profond ridicule. Il s'engage corps et voix (ces passages en fausset !) dans le spectacle de Kosky, qui reste malgré toutes les faiblesses conceptuelles de cette production un formidable directeur d'acteur. en profite aussi, même si la voix ne suit pas toujours (la csárdás la pousse dans ses retranchements). en prince Orlofsky a quant à lui moins à jouer, parce que son personnage se définit d'abord par son costume monumental de drag queen. Contrairement à Bastian Kraft dans son inoubliable Rusalka à Stuttgart, Kosky ne tire rien de ce jeu sur le genre, qui n'est là que pour le grand spectacle, comme tout le reste de la débauche de costumes qui peuplent la scène, et le chanteur manque de rayonnement et de démesure. Il faut encore mentionner une Adele efficace et terrienne par et la souplesse vocale de en Alfred : Panikkar s'est fait surtout connaître lui aussi par le répertoire contemporain, mais il joue avec gourmandise le rôle du bellâtre d'opérette, y compris dans des extraits du répertoire classique qui font rire le public. C'est après tout la seule ambition de la soirée : ce n'est pas suffisant, mais au moins le but est atteint.

Crédits photographiques : © Wilfried Hösl

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Munich. Nationaltheater. 26-XII-2023. Johann Strauss II (1825-1899) : Die Fledermaus (La Chauve-souris), opérette en trois actes sur un livret de Richard Genée et Karl Haffner. Mise en scène : Barrie Kosky ; décors : Rebecca Ringst ; costumes : Klaus Bruns. Avec Georg Nigl (Eisenstein), Diana Damrau (Rosalinde), Martin Winkler (Frank), Andrew Watts (Orlofsky), Sean Panikkar (Alfred), Markus Brück (Dr. Falke), Kevin Conners (Dr. Blind), Katharina Konradi (Adele), Miriam Neumaier (Ida)… Chœur de l’Opéra de Bavière, Bayerisches Staatsorchester ; direction : Vladimir Jurowski

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