Dans un programme essentiellement fait de nouveautés et de premières mondiales, le contreténor polonais nous conduit dans l'univers riche et contrasté de l'opéra italien de la deuxième moitié du XVIIᵉ siècle. Belle performance, à la fois vocale et instrumentale, de la part d'interprètes inlassablement au service de la découverte musicale.
Le programme du tout nouvel album de Jakub Józef Orliński est à peu de choses près le même que celui de la tournée européenne « Beyond » – ou « Au-delà » – entreprise en octobre dernier. « Au-delà de quoi » ?, on ne saurait vraiment répondre à cette question, mais ceux qui ont assisté au spectacle – et nous y étions ! – pourront attester qu'avec ses talents d'acteur, d'acrobate et de danseur notre contreténor est allé bien au-delà du rituel quelque peu prévisible du traditionnel concert de musique baroque. Et il en était grand temps ! Pour l'enregistrement CD proposé au public, on pourra penser qu'en allant chercher des pièces entièrement inconnues du public – et l'on compte pour cet album une bonne dizaine de premières mondiales – Orliński et son compagnon de route Yannis François, auteur du programme, vont également au-delà des répertoires désormais prévisibles et convenus dans lesquels se complaisent certains de leurs confrères. Avouons que nous ne savions pas grand-chose de Giovanni Battista Vitali, Giuseppe Antonio Bernabei, Sebastiano Moratelli, Claudio Saracini, Carlo Francesco Pollarolo, Pietro Paolo Cappellini ou encore du Polonais Adam Jarzebski, autant de musiciens éminemment respectables à la carrière riche et féconde, dont de nombreuses compositions ont malheureusement été perdues.
On cherchera en vain, pour le disque, une logique dans l'enchaînement des morceaux. Pour la trouver, il faudra se reporter au concert, dont on ne peut qu'espérer pour bientôt une captation vidéo. Peut-être pour ne pas désarçonner complètement l'auditeur – et, on l'aura compris, le spectateur… –, le programme du CD démarre avec la seule page vraiment connue du répertoire, la scène d'Othon extraite du Couronnement de Poppée, suivie de près du célébrissime « Amaralli » de Caccini. Un des compositeurs à se détacher du programme est indéniablement le Napolitain, Giovanni Cesare Netti (1649-1686), auquel l'excellent texte de présentation consacre quelques pages à part. Il est notamment illustré par plusieurs airs dont deux, extraits de l'opéra Crinalba, sont chantés par une vieille femme se plaignant tour à tour de manque d'assiduité de son mari, puis de l'imminence de la mort. Mélange du comique et du tragique, conformément aux canons esthétiques en vogue dans l'Italie de cette époque. Le programme alterne ainsi morceaux dansés, lamenti et passages comiques, auxquels la magie du spectacle avait apporté pertinence et cohérence.
Dans tous les morceaux qu'il interprète, Orliński se montre parfaitement convaincant, autant par la chaleur et l'homogénéité de son instrument que par la technique infaillible qui lui permet d'aborder avec sérénité les passages les plus virtuoses, ou encore par les couleurs mordorées dont il sait désormais parer son chant. L'ensemble Il Pomo d'Oro, qui fonctionne ici sans chef, sait lui aussi trouver les sonorités qui animent ces pages tour à tour enjouées, électriques ou nostalgiques. Un programme enthousiasmant, on l'aura compris, mais auquel il manquerait encore la dimension spectaculaire que le DVD que nous appelons de nos vœux pourrait fournir.