Thésée de Lully magnifié par les Talens Lyriques

Après Psyché en 2022, c'est avec Thésée que Christophe Rousset poursuit l'enregistrement du corpus de la tragédie lullyste.

Créé à Saint-Germain-en-Laye en 1675, Thésée est la troisième tragédie lyrique de Lully et Quinault, et celle qui connaîtra la plus grande postérité pendant plus d'un siècle. Contemporaine de la victoire du Maréchal de Turenne en Alsace, elle s'ouvre par un très long prologue à la gloire des victoires de Louis XIV. Les accents guerriers se propagent dans toute l'œuvre ; aux passages épiques succèdent des épisodes plus intimes pour décrire les intrigues amoureuses. Médée est au centre de l'histoire, qui se situe après son abandon par Jason. Elle est maintenant amoureuse de Thésée, lui-même épris de la princesse Eglé, promise au roi athénien Egée. Une nouvelle fois, le dépit de la rigoureuse magicienne va déchaîner les foudres de la vengeance contre sa rivale. Au milieu des intrigues sentimentales et guerrières, le peuple d'Athènes joue un rôle de premier plan qui confère au chœur une place importante tout au long de l'œuvre, particulièrement lorsqu'il endosse le rôle des habitants des enfers pour répondre aux injonctions de la magicienne, à l'acte III. Ici, la vengeance de Médée sera finalement déjouée par l'intervention de Minerve, et l'œuvre s'achève sur une fin heureuse inattendue aux accents héroïques.

Après la version de concert donnée à Vienne, Bruxelles et Paris, Christophe Rousset a gardé la même brillante distribution pour son dixième enregistrement d'une tragédie de Lully. Il a confié le rôle central de Médée à Karine Deshayes. La mezzo-soprano se révèle grande tragédienne dans les épisodes où la magicienne déchaîne sa violence, même si sa voix trop lyrique peine à nous toucher dans les passages plus intimes. Quant à la soprano Deborah Cachet dans le rôle de la princesse Eglé, elle émeut par ses accents amoureux mais pâtit d'une trop grande proximité vocale avec sa rivale. On aurait souhaité une caractérisation plus contrastée entre les deux héroïnes. Dans les rôles secondaires, Marie Lys et Thaïs Raï-Westphal séduisent dans le long duo de bergères qu' offre le divertissement pastoral de l'Ile enchantée à l'acte IV. Dans la distribution masculine, on apprécie le baryton Philippe Estèphe dans le rôle du roi Egée, et le ténor Mathias Vidal qui interprète un Thésée un peu en retrait. Tous les chanteurs servent l'expression du texte par une diction remarquable et une articulation jamais mise en défaut. Les passages les plus mémorablessont les interventions du Chœur de chambre de Namur, admirable de dynamique et de théâtralité, préparé par Thibaut Lenaerts. Le chœur est omniprésent tout au long de cet opéra et ses interventions, alliées à la couleur des trompettes guerrières, ponctuent avec éclat la dramaturgie de l'œuvre. Comme toujours, l'orchestre des Talens Lyriques fait montre d'une grande éloquence et d'une belle précision. Christophe Rousset apporte ici une nouvelle fois la preuve qu'il maîtrise parfaitement le grand style lullyste.