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À l’Opéra Bastille, un Casse-Noisette à bout de souffle ?

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Paris. Opéra Bastille. Ballet de l’Opéra national de Paris : Casse Noisette, ballet en deux actes. Musique : Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893). Chorégraphie : Rudolf Noureev, d’après Marius Petipa. Décors et costumes : Nicholas Georgiadis. Orchestre de l’Opéra National de Paris, direction : Andrea Quinn
11-XII-2023. Avec : Inès McIntosh, Clara ; Paul Marque, Drosselmeyer/ le Prince ; Luna Peigné, Luisa ; Chun-Wing Lam, Fritz ; Anémone Arnaud, la Mère ; Adrien Bodet, le Père ; Ninon Raux, la Grand-Mère ; Jean-Baptiste Chavignier, le Grand-Père ; et le Corps de Ballet de l’Opéra National de Paris.
13-XII-2023. Avec : Dorothée Gilbert, Clara ; Guillaume Diop, Drosselmeyer/ le Prince ; Bianca Scudamore, Luisa ; Antoine Kirscher, Fritz ; Fanny Gorse, la Mère ; Sébastien Bertaud, le Père ; Anémone Arnaud, la Grand-Mère ; Cyril Chokroun, le Grand-Père ; et le Corps de Ballet de l’Opéra National de Paris.

Bousculée par la grève des machinistes qui a conduit à l'annulation de deux représentations, la série de Casse-Noisette donnée à l'Opera Bastille pour les fêtes de fin d'année par le Ballet de l'Opéra de Paris a connu un retard à l'allumage. Retour sur les deux premières distributions.

Cela faisait près de neuf ans que Casse-Noisette n'avait pas été donné à l'Opéra de Paris, autant dire que près de la moitié de la troupe n'a jamais dansé cette production créée par en 1985 d'après la chorégraphie de Petipa et Ivanov. Les grèves des machinistes ayant conduit à supprimer les premières représentations faute de temps de répétition suffisant, tandis qu'un préavis serait posé pour d'autres représentations en fin d'année, l'ordre des prises de rôles a été inversé. tout juste promue Première Danseuse (par décision de la Direction de la Danse et non plus par voie de concours, comme cela est décidé depuis cette année), a donc dansé Clara lors de la Première aux côtés de , tandis que , récemment nommé Etoile, incarnait celui du Prince, avec en Clara, dès la deuxième distribution.

Les prises de rôle de et d' sont intéressantes. Le danseur masculin est un partenaire très attentif et il embrasse la scène de part en part avec des diagonales complètes. Il ose ajouter quelques difficultés dans lesquelles il éblouit et il investit son rôle de façon plutôt habile entre les deux visages de Drosselmeyer et du Prince. a de belles descentes de pointes ainsi qu'un format idéal pour ce rôle qu'elle s'appropriera certainement de plus en plus en le fréquentant dans des conditions plus sereines.

apporte avec sa grâce juvénile et son grand sourire, beaucoup de fraîcheur au rôle du Prince. Diop est un danseur élégant et raffiné, mais sans afféterie. La simplicité et la facilité de sa danse, conjuguées à la légèreté de ses sauts, compense le manque d'intériorité de son interprétation. Sa joie d'être sur cette scène et son enthousiasme à danser transparaissent dans chaque variation, même si son extrême jeunesse forme un contraste parfois un peu trop fort avec le métier de . Dans ses bras experts, il se laisse guider par la bienveillance et l'expérience de la ballerine, en toute confiance. Un émouvant moment de partage et de transmission.

En revanche, l'impréparation du corps de ballet lors de la Première suscite la compassion du spectateur, déçu par le niveau d'une troupe qui ne sait pas ce qu'elle fait sur scène et dont la fébrilité se perçoit dans la salle. La bienveillance que l'on peut avoir quand un danseur glisse, tombe, se blesse est infinie quand il s'agit d'un cas isolé. Pour cette Première, il y a tout eu : nombre d'entrées ratées, des techniciens visibles comme jamais aux changements de décors, des effets de lumières absents (l'arrivée de rats se fait dans l'ombre par exemple). Les danseurs se débrouillent tant bien que mal avec des mains devenues trop encombrantes et dont on ne leur aurait pas indiqué ce qu'il conviendrait d'en faire. Même les enfants de l'École de danse, qui sont habituellement sollicités avec joie, sont laissés à leur compte, dans des personnages de gamins gâtés et impolis gesticulant individuellement sans trouver le souffle d'un ensemble cohérent. Toutes ces scories ne sont visibles qu'en étant attentif, mais c'est parce que l'on aime une troupe capable du meilleur que se dessine l'incompréhension face à ce qui est présenté.

Certains de ces défauts sont heureusement corrigés dès la deuxième représentation, notamment avec une Valse des Flocons nettement plus travaillée, vive et réglée au cordeau, alors que lors de la Première, chacune des danseuses développait sa jambe à la hauteur qui lui seyait et à l'angle qui lui convenait lors du dernier manège. Le trio de marionnettes assuré par , et , les Clara, Luisa et Fritz de la deuxième distribution, est aussi très réussi !

Mais le deuxième acte reste une pièce montée indigeste à plusieurs titres. Seule la pastorale, trio délicat et technique dansé à la perfection par , Inès McIntosh et lors de cette deuxième distribution nous fait plonger dans le XVIIIe à la Pompadour, époque choisie par Georgiadis, concepteur des décors et des costumes de cette production de 1985. La Valse des Fleurs n'a toujours pas trouvé ses marques et danseuses comme danseurs semblent très empruntés avec leurs perruques poudrées, sur le grand plateau de Bastille. Outre le grand flottement dans la mise en place, on note des tempi approximatifs et des lignes pas toujours parfaites – à revoir.

Un autre problème se fait jour au fur et à mesure que se déroule le spectacle, c'est son absence de mise en scène et son décalage total avec notre contexte sociétal et les attentes des spectateurs, qui ont changé en une décennie. Certes, du fait des engagements sur la diversité pris par l'Opéra de Paris, les Chinois sont renommés les Cascadeurs et perdent leur natte et leur crâne chauve. Mais les stéréotypes nationaux perdurent (les Russes sont toujours un peu alcoolisés, les Arabes dégagent de la sensualité – fabuleuses Roxane Stojanov et au demeurant). Le plus grave étant la relation entre Clara et son parrain Drosselmeyer. Rappelons qu'il s'agit d'une petite fille et d'un vieil homme grincheux et poussiéreux, dont le regard jeté par lors de la dernière scène du ballet ne trompe pas : la concupiscence. Ne serait-il pas temps de revoir la représentation de ce personnage et de mieux articuler la narration du ballet, dans cette production démodée et à bout de souffle qui manque de féérie ?

On comprend mieux ce qu'a voulu faire Karl Paquette dans sa version pour le jeune public, Mon premier Casse-Noisette, actuellement à l'affiche du Théâtre Mogador, pour simplifier la narration et dépoussiérer le ballet, tout en en conservant les morceaux de bravoure.

Crédits photographiques : ©  Agathe Poupeney / Opéra national de Paris

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Paris. Opéra Bastille. Ballet de l’Opéra national de Paris : Casse Noisette, ballet en deux actes. Musique : Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893). Chorégraphie : Rudolf Noureev, d’après Marius Petipa. Décors et costumes : Nicholas Georgiadis. Orchestre de l’Opéra National de Paris, direction : Andrea Quinn
11-XII-2023. Avec : Inès McIntosh, Clara ; Paul Marque, Drosselmeyer/ le Prince ; Luna Peigné, Luisa ; Chun-Wing Lam, Fritz ; Anémone Arnaud, la Mère ; Adrien Bodet, le Père ; Ninon Raux, la Grand-Mère ; Jean-Baptiste Chavignier, le Grand-Père ; et le Corps de Ballet de l’Opéra National de Paris.
13-XII-2023. Avec : Dorothée Gilbert, Clara ; Guillaume Diop, Drosselmeyer/ le Prince ; Bianca Scudamore, Luisa ; Antoine Kirscher, Fritz ; Fanny Gorse, la Mère ; Sébastien Bertaud, le Père ; Anémone Arnaud, la Grand-Mère ; Cyril Chokroun, le Grand-Père ; et le Corps de Ballet de l’Opéra National de Paris.

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1 commentaire sur “À l’Opéra Bastille, un Casse-Noisette à bout de souffle ?”

  • Manish dit :

    Bonjour,
    Je ne suis pas un spécialiste du ballet et vient tout juste de regarder la deuxième représentation, diffusée à la télévision fin 2023, que j’avais enregistrée il y a bientôt un an

    Guillaume Diop était assez scolaire, il fait trop attention à sa partenaire, comme quelqu’un qui passe un examen et qui oublie de jouer

    Dorothée Gilbert semblait un peu rigide et trop âgée pour son partenaire si jeune

    De plus, en regardant des représentations étrangères sur internet, la première déception est la comparaison avec la fée du sucre ici amalgamée avec Clara qui finalement interprète assez mal sa danse, aucune féerie, on a presque l’impression qu’elle est robotique

    D’ailleurs même le celesta est à peine audible alors que c’est l’air le plus célèbre du ballet

    Je regrette que la partie chinoise n’ait rien conservé de chinois. C’était une vision exotique de la Chine à l’époque, rien de raciste et personne ne va au ballet pour voir un documentaire ethnographique authentique. D’ailleurs, les chinois eux-mêmes ne s’en sont jamais plaints, les critiques viennent que de blancs bien-pensants

    La représentation de la pastorale et la danse des fleurs furent parfaites et les enfants à la hauteur

    Le gros point fort de cette version, les costumes, pour le coup beaux et qui échappent au kitsch habituel

    Dommage que cette version sombre soit la seule présentée à Paris

    Les américains qui présentent plusieurs versions à chaque Noël savent garder la magie, la technique et surtout ne devient pas trop de l’original

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