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La Destouches-Lobreau, une directrice d’opéra à l’honneur

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Michelle Poncet ou la « Destouches-Lobreau », directrice de l’opéra de Lyon au XVIIIe siècle. Anne Le Berre. Editions Symétrie, collection Symétrie Recherche, série Histoire du concert. 156 pages. 26 €. Octobre 2023

 

L'approche biographique sur le rôle de directrice d'opéra au travers de Michelle Poncet, dite la « Destouches-Lobreau », est l'occasion de faire revivre la vie musicale et lyrique de la ville de Lyon au XVIIIe siècle.

Comme le nom de la collection l'indique (Symétrie Recherche), ce travail a été mené dans le cadre d'un parcours universitaire afin d'obtenir un master 2. C'est donc un cadre formaté et assez scolaire qui nous est proposé (problématique posée, travail bibliographique mis au premier plan avec une multitude de références, réflexion sur plusieurs notions comme les écueils de la biographie par exemple, etc.), qui rassurera les habitués de la recherche en musicologie, tout en étant plutôt facile à s'approprier pour les autres. Certains, pourtant, pourront regretter qu'un vrai travail éditorial n'aie pas été entrepris à l'occasion de cette publication, ce format, sans illustration de surcroit, pouvant être un frein à une lecture fluide et agréable. Par ailleurs, le prix fixé (26 €) pour un livre de 156 pages, limitera le nombre de potentiels lecteurs qu'un travail de deuxième cycle universitaire aurait pu intéresser.

Même si la démarche s'inscrit dans une perspective biographique, sait parfaitement contextualiser son personnage et son parcours d'un point de vue historique, politique, institutionnel, administrative voire sociologique. Mais à l'inverse de la première affirmation de l'autrice, Michelle Poncet n'est pas « une figure oubliée de l'histoire de l'opéra-comique ». C'est l'opéra-comique qui a été oublié par les salles de spectacles nationales, et qui retrouve sa place grâce à un intérêt vivace pour ce genre depuis quelques années déjà dans le milieu de la musicologie. Avec plus de vingt-cinq années de direction de l'Académie royale de musique de Lyon, autant sur scène que dans l'ombre, c'est au contraire le parcours d'une personnalité marquante de ce genre musical qui est retracé dans cet ouvrage. Le nom de Destouches est-il vraiment si méconnu pour les lyricomanes qui s'intéressent un temps soit peu aux interprètes de cet art ?

On regrette que l'autrice évoque une « problématique du genre dans l'étude de l'opéra-comique », faisant considérer par le lecteur Michelle Poncet d'abord comme une femme, avant de la placer en tant qu'artiste. C'est quarante-cinq ans après la mort de la Destouches-Lobreau (1824) que la direction de troupes de théâtre est interdite aux femmes : pourquoi l'évoquer dès l'introduction de cette étude ? Elle n'a d'ailleurs pas été la première à diriger l'Académie Royale de Musique de Lyon, Madeleine Eucher, dite « La Desmarais », avait assuré ce rôle avant elle entre 1722 et 1738, soit durant seize ans ! sait dans son chapitre « Être directrice d'opéra en France au XVIIIe siècle » remettre dans le contexte cette approche caractéristique de notre époque, qui n'avait pas lieu d'être du temps de la protagoniste de cet ouvrage, tout en s'y fourvoyant généreusement dans sa conclusion : « le XVIIIe siècle a été un moment exceptionnel pour les femmes – un moment de libéralisation, de liberté, d'autonomisation, qui se construit autour de l'opéra-comique. La Révolution, finalement conservatrice, entérine ce mouvement, puisqu'aucune femme ne dirigera plus l'Opéra de Lyon, et ce jusqu'à aujourd'hui ». Et pourquoi ne pas plutôt retenir la force de Michelle Lobreau en faveur de l'autonomie et de la stabilité de la scène lyrique lyonnaise face à celle parisienne, écrasante pour le monde de l'opéra en province ? Sa proximité avec la municipalité locale qui joue sur ce développement culturel peut d'ailleurs faire sourire un bon nombre de nos contemporains après les baisses de subventions de l'actuelle équipe municipale et les coupes budgétaires de la Région qui ont largement contribué à l'obligation pour l'Opéra de Lyon de baisser temporairement le rideau à l'approche de l'été 2023.

Cet ouvrage nous donne envie d'approfondir le milieu lyrique du XVIIIe siècle en province entre Bordeaux, Marseille, Toulouse, Grenoble et Lyon, qu'un regard pluriel sur les « sœurs Poncet », toutes trois directrices de spectacles durant cette période, pourrait apporter : Angélique Destouches, la « Destouches de Bordeaux » (directrice entre 1748 et 1752) et Marie Poncet-Dunan, la « Destouches-Dunan » qui prendra la succession de sa sœur à Lyon en 1782, deux ans après le départ de Michelle Poncet, pour seulement trois ans. De qualité, cette étude assure ainsi finalement son rôle.

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Michelle Poncet ou la « Destouches-Lobreau », directrice de l’opéra de Lyon au XVIIIe siècle. Anne Le Berre. Editions Symétrie, collection Symétrie Recherche, série Histoire du concert. 156 pages. 26 €. Octobre 2023

 
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