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Paris. Opéra Garnier. 03-XII_2023 Ecole de danse de l’opéra national de Paris : Démonstrations. Direction : Elisabeth Platel.
Les traditionnelles Démonstrations de l'Ecole de Danse de l'Opéra de Paris permettent aux 130 élèves de prendre leurs marques sur la grande scène en pente du Palais Garnier et de montrer l'étendue du travail effectué chaque jour à Nanterre.
Dans la grande salle de l'Opéra Garnier, le public n'est pas tout à fait le même que les autres soirs. Ici, chacun vient voir son fils, sa fille, son frère, sa sœur, sa petite-fille… Les autres spectateurs sont pour la plupart balletomanes ou aspirants danseurs rêvant d'être à la place des jeunes élèves, et partagent parfois le trac des proches de ces enfants qui savent bien qu'ils n'ont pas droit à l'erreur…. Cela est à la fois très sain, et un peu voyeur… En tout cas, terriblement humain.
Elisabeth Platel, la directrice de l'École, qui témoigne d'un véritable sens de l'histoire de la danse, a rappelé lors de son mot de bienvenue les trajectoires de trois danseuses phares de l'Opéra de Paris : Rosita Mauri, la créatrice des « Deux pigeons », ballet emblématique de l'École, qui s'est éteinte il y a exactement cent ans, Violette Verdy, qui dirigea le Ballet de l'Opéra de Paris entre 1977 et 1980 et aurait eu 90 ans cette année, et Christiane Vaussard, Étoile de l'Opéra et grande pédagogue (professeur notamment d'Élisabeth Platel) qui aurait eu cent ans cette année. Introduire ainsi cette lignée de transmissions donnait évidemment aux petits rats un sens aigu du devoir de bien faire.
Cette journée de Démonstrations qui se tient de 10h30 à 16h30 (avec une pause déjeuner) permet d'avoir un bon aperçu du travail quotidien du jeune apprenti danseur à l'Opéra, dans sa diversité des enseignements mais aussi dans son style. Et l'on voit bien que l'École française travaille surtout le bas de jambes, si solide dans la présentation (royale !) du pied, dans les petits sauts puis dans les tours, sans compter le travail de pointes pour les filles. On sent bien le stress, la concentration absolue, la décontraction très relative de ces jeunes élèves, et un sens artistique, évidemment, encore assez balbutiant. Mais peut-on le leur demander, à de si jeunes âges, et dans le concept précis de « Démonstrations », constituées d'à peine dix minutes de présentations de pas d'école ?
Ce qui frappe, cette année, c'est le beau visage des petites divisions, constituées d'enfants (entre 9 et 13 ans) déjà très matures, placés, presque enjoués, qui ont finalement la naïveté de la découverte. Les cinq petits garçons de 6ème division de Stéphane Bullion (nouveau professeur) qui débutent à la barre, ont une belle assurance, tout comme l'excellente classe de 6ème filles de Laurence Laffon. Neuf filles seulement, mais déjà de jolis développés, et un adage au milieu très inspiré. Les 5ème garçons d'Emmanuel Hoff montrent déjà une différence de physiques et de tailles parmi les onze élèves tout comme chez les 4ème garçons de Karl Paquette. Ce qui crée aussi une différence de niveau, au bénéfice des petits (très doués) déjà capables de faire deux tours très propres et même des tours à la seconde. Les 5ème filles de Muriel Hallé montrent aussi un joli sens artistique, tandis que les 4ème filles (Véronique Doisneau) aiment à montrer la qualité de leurs extensions.
S'ensuivent, dans cette matinée, les cours complémentaires des petites divisions, avec le Folklore et le Baroque enseignés par Marie Blaise, où l'on voit que la finesse du geste baroque est encore bien difficile à acquérir, là où le folklore fonctionne comme un bel exutoire ludique, tout comme les cours de caractère de Jessica Choppe. Le même manque de décontraction se ressent chez les secondes divisions mixtes en contemporain. L'esprit grahamien dispensé par Iris Florentiny n'est pas encore instinctif. En revanche, que de joie, de gaité et d'imaginaire débridé dans le feu d'artifice du mini spectacle de Scott Alan Prouty tout en mime et en chansons. On sent bien là, combien ce type de proposition est essentielle pour souffler et laisser aller son corps et son esprit au sein d'un enseignement si rigoureux.
La rigueur, c'est ce que l'on exige des grandes divisions et cela s'avère moins simple dans les 3ème et seconde divisions garçons de Christophe Duquenne et Yann Saïz. Les âges (15-16 ans) sont parmi les plus difficiles à gérer en termes de croissance. La petite batterie, les brisés volés, les manèges de grand jetés deviennent chose sérieuse et ce n'est pas toujours aisé pour tous. Mais il en est qui peuvent assurer quatre tours en 4ème, ce qui est pour le moins bluffant. Là encore, les niveaux sont très hétérogènes, ce qui doit être compliqué à gérer. La jolie classe (hétérogène là encore) des 3ème division filles de Nolwenn Daniel (nouvelle professeure), tout comme la 2nde de Fabienne Cerrutti permettent de voir comment la pointe devient une seconde peau dans un travail de relevés qui se doit d'être de plus en plus naturel. Les 1ère divisions garçons (Wilfried Romoli) et filles (Carole Arbo) ont fort à faire avec des enchainements sans pitié, ce qui est normal, puisque le concours d'entrée dans le Ballet les attend.
On sent ces jeunes gens plus libérés et inspirés dans le joli cours final de pas de deux (Wilfried Romoli) très chorégraphié, avec des couples qui semblent prendre plaisir à vivre ce qu'ils seront amenés à faire dans la carrière qui les attend. Et c'est là, l'important.
Crédits photographiques : © Svetlana Loboff
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Paris. Opéra Garnier. 03-XII_2023 Ecole de danse de l’opéra national de Paris : Démonstrations. Direction : Elisabeth Platel.