Leif Ove Andsnes et Klaus Mäkelä : les deux font la paire

A l'approche de Noël, l'Orchestre de Paris propose une soirée éminemment romantique réunissant le très lyrique et virtuose Concerto pour piano n° 3 de Serge Rachmaninov, servi par le pianiste Leif Ove Andsnes, et des extraits du féérique ballet Casse-Noisette de Piotr Ilitch Tchaïkovski.

Leif Ove Andsnes est un pianiste reconnu dans ce répertoire, auteur d'une intégrale gravée chez Warner, dirigée par Antonio Pappano avec Berlin et le LSO). C'est à son tour de gravir aujourd'hui sur la scène de la Philharmonie, l'Himalaya pianistique incontournable que représente le Concerto n° 3 de Rachmaninov (1909) dont il donne une lecture d'une droiture exemplaire, ardente, tendue, dont la précision pianistique confondante se cache derrière un aspect rhapsodique, sans effusion excessive, sans débordements percussifs, ni effets de manche caricaturaux, portée par une splendide sonorité ample soutenant sans faiblir la joute avec un orchestre de Paris superlatif. Le jeu est irréprochable, haut en couleurs tout au long des trois mouvements : un Allegro très lyrique et mélodique qui énonce le célèbre thème ouvrant sur un développement dynamique bien nuancé, virtuose, passionné, qui va crescendo jusqu'à une longue cadence où le piano, à la virtuosité explicite mais bien contenue, sait se faire tantôt orchestral, tantôt confident ; un Intermezzo sous forme de variations où le soliste instaure un dialogue tendu, riche en fluctuations agogiques (traduisant peut être l'influence d'Horowitz ?) clair, complice, ardent et symbiotique avec la petite harmonie, le cor et des cordes douloureuses (altos) ; Un Finale très rythmique, récapitulatif, tourbillonnant, virtuose, envoutant et volubile, véritable feu d'artifice pianistique, exalté par un accompagnement exemplaire qui conclut de belle façon cette superbe interprétation. Une Mazurka empruntée à Chopin, donnée en bis, parachève un triomphe mérité.

Si Klaus Mäkelä ne s'est par toujours montré très convaincant dans les difficiles partitions testamentaires de Mahler ou Bruckner où sa jeunesse enviable lui interdisait (bien malgré lui) d'y apporter toute la profondeur et le vécu nécessaire, il s'est souvent fait le champion d'œuvres moins sévères où sa maestria peu commune de la direction, son enthousiasme communicatif et la limpidité de sa gestique font merveille, toutes qualités le plaçant ce soir sur son terrain de prédilection avec ces extraits de Casse-Noisette (Acte I centré sur la veillée de Noël, éludant la série de danses) (1892) dont il nous livre une vision pleine d'enchantement et de poésie, faisant brillamment circuler la musique de pupitre en pupitre (petite harmonie, cors, cuivres, violon solo, harpe, percussions) dans un phrasé d'une précision et d'une transparence qui rendent grâce à une orchestration foisonnante, véritable féérie de timbres. Certes sans le support chorégraphique le fil narratif se détend quelque peu, qui se réduit à une succession de saynètes joliment typées dont on admire la rigueur (« un bras de fer dans un gant de velours ») de la scansion rythmique dans la marche, le galop et l'entrée des parents, autant que le lyrisme teinté de mystère marquant l'arrivée de Drosselmeyer, ou encore la véhémence de la bataille contre les souris…Tout un assortiment de couleurs pour un rêve merveilleux, précieux en cette période de l'Avent.

Crédit photographique : Leif Ove Andsnes © Gregor Hohenberg