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Luxembourg. Philharmonie, Salle de Musique de Chambre. 29-XI-2023. Leoš Janáček (1854-1928) : Quatuors à cordes n° 1 Sonate à Kreutzer et n° 2 Lettres intimes ; György Ligeti (1923-2006) : Quatuors à cordes n° 1 Métamorphoses nocturnes et 2. Quatuor Diotima.
Au plus haut niveau instrumental, les Diotima livrent un parcours passionnant dans l'œuvre de deux compositeurs que tout n'oppose pas forcément.
Le public n'est pas très nombreux en ce sinistre mercredi de novembre, et il est bien enrhumé (critique compris), mais il est attentif, visiblement connaisseur et (critique compris) enthousiaste. Ce qui réunit les deux compositeurs au programme de cette généreuse soirée est d'abord qu'ils ont écrit chacun deux quatuors ; ils sont certes tous les deux originaires d'Europe centrale, mais aux deux extrémités de cette vaste région, et avec un ancrage très différent dans leurs régions d'origine. On peut être tentés de considérer qu'ils appartiennent à au moins deux mondes différents (les deux quatuors de Ligeti appartiennent-ils au même monde ?), et pourtant l'écart chronologique n'est pas si grand – moins d'un demi-siècle pour l'ensemble du programme, de 1923 à 1968, et même seulement vingt-cinq ans entre le second Janáček et le premier Ligeti.
Le Quatuor Diotima s'empare de ce quatuor de quatuors avec son esprit de sérieux habituel, mais donne à chaque œuvre sa couleur propre. C'est le Quatuor n° 1 de Janáček qui ouvre le concert, avec toute la fougue romanesque attendue, des couleurs chaudes et une ampleur sonore qui en font une grande aventure qui ne manque pas de moments inquiétants. Le contraste est grand avec le Quatuor n° 2 de Ligeti qui suit : on aura beaucoup entendu de Ligeti au cours de cette année 2023 : on a pu souvent admirer son humour autant que son sens de l'invention sonore. Ici, l'humour n'est pas là, et l'expérimentateur Ligeti passe au second plan. Ce qu'on entend sous les archets (et les doigts) des Diotima frappe d'abord par sa puissance expressive : même si Ligeti ne prend jamais directement position dans les affaires de son temps, ce qu'on entend là dessine un monde particulièrement inquiétant, éclairé par une lumière blafarde qui découpe des volumes saisissants.
Après l'entracte, on en revient aux années 50 avec le Quatuor n° 1 de Ligeti, où les Diotima jouent pleinement le jeu des réminiscences bartókiennes, sans chercher à tendre la partition vers la modernité nouvelle de la maturité de Ligeti. Cette fois les couleurs sont beaucoup plus chaudes, le lyrisme pleinement assumé – et la précision toujours remarquable. Pour finir, le Quatuor n° 2 de Janáček s'ouvre sur cette même chaleur, cette même ampleur lyrique, vite interrompu par un épisode que les Diotima rendent particulièrement grinçant : il y a quelque chose de fantomatique ici même là où le lyrisme est au premier plan, et leur esprit de sérieux n'est pas contradictoire avec une imagination sonore qui leur permet de donner à chaque phrase, à chaque contraste, toute leur puissance. Une soirée passionnante.
Crédits photographiques : © Michel Nguyen
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Luxembourg. Philharmonie, Salle de Musique de Chambre. 29-XI-2023. Leoš Janáček (1854-1928) : Quatuors à cordes n° 1 Sonate à Kreutzer et n° 2 Lettres intimes ; György Ligeti (1923-2006) : Quatuors à cordes n° 1 Métamorphoses nocturnes et 2. Quatuor Diotima.