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Maria Callas, encore et toujours

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Jean-Jacques Groleau : Maria Callas. Éditions Actes Sud. 208 pages. 21 €. Septembre 2023.

 

Les Clefs d'or

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En variant le ton d'une écriture littéraire soignée, Jean-Jacques Groleau revient sur les épisodes douloureux ou flamboyants de la vie de , l'artiste, l'icône et la femme.

Des milliers d'articles, d'interviews. Des milliers de compte-rendus de concerts, de représentations lyriques, de critiques de disques. Des milliers de chroniques vantant son talent, fustigeant son caractère entier, ses humeurs, ses scandales. On a tout dit, tout écrit sur . Des centaines de livres ont disséqué chaque instant de sa vie. Artistique autant que privée.

Aujourd'hui encore, le centième anniversaire de sa naissance ravive la flamme des écrivains, comme si la mémoire d'une telle figure tutélaire menaçait de s'effacer. Alors refleurissent les articles sur ses prestations passées, sur l'image que la diva a laissé dans le monde de l'opéra, et sont réédités ses disques les plus emblématiques. Et bien sûr, des livres.

L'ouvrage de Jean-Jacques Groleau pourrait s'affirmer comme «le livre de plus» sur la vie et la carrière de . Sauf que, quand bien même l'auteur ne nous apprend rien que l'amateur de la Callas ne sache déjà, son livre mérite le détour non tant par ce qu'il nous raconte que par la manière d'illustrer la vie de Maria Callas. On sent chez Jean-Jacques Groleau l'admiration profonde qu'il porte au destin hors du commun de la soprano. On ne parle bien que de ce qu'on aime bien. Et Jean-Jacques Groleau aime Maria Callas. Son écriture est le reflet de cette admiration. Dans une fluidité journalistique de haut niveau, sans inutile pathos, sans emphase exagérée, l'auteur captive le lecteur avec une écriture alerte, claire et vivante. Se lisant comme un roman, ces quelques deux cents pages nous montrent une Maria Callas dans une lutte perpétuelle pour la perfection.

Jean-Jacques Groleau ouvre la première moitié de son livre pour nous faire découvrir une Callas vivant une jeunesse toute entière dédiée à la survie familiale. Dans une Grèce en guerre, occupée, misérable, la lecture de ces pages se percute avec la situation des conflits actuels qui secouent nos actualités. Dès lors, il nous est plus aisé d'appréhender les difficultés matérielles que la famille de Maria Callas a pu endurer durant cette période. Pendant que sa mère tente d'introduire sa fille ainée vers de potentiels maris fortunés, on découvre une Maria Callas, 16 ans en 1939, étudiant le chant et contrainte de «cachetonner» ici et là pour ramener quelques drachmes susceptibles d'alléger les charges familiales. Pas question d'art au sens le plus strict concernant Maria mais le besoin d'avoir un retour sur investissement sur les sacrifices matériels investis pour sa formation musicale. Est-ce le désespoir économique de la mère, le devoir assumé de la fille? Reste que Jean-Jacques Groleau laisse entrevoir cette lutte familiale comme le ciment de ce que sera la suite de la carrière de Maria Callas. Une volonté farouche de réussite. Avec l'auteur, on partage l'importance de cette période de la vie de Maria Callas en réalisant le nombre impressionnant de «petits concerts», d'apparitions scéniques, de radio crochets, que Maria Callas a donné durant toute cette période.

Dans la seconde partie de son livre, dans un style plus léger, Jean-Jacques Groleau relate par le menu la carrière américaine, mexicaine et européenne de Maria Callas montrant au passage le souci toujours présent de la soprano de donner à son chant la vérité de l'esprit des personnages qu'elle interprète. En dépit du respect extrême de l'auteur pour l'art de la soprano, il n'hésite jamais de relever les failles de la voix de la Callas, ses fatigues, ses prestations où elle n'était pas à la hauteur de sa réputation. Ainsi, après la flamboyance vocale des dix premières années de sa carrière européenne, Jean-Jacques Groleau relève le déclin approchant de Callas, déclin entrecoupé de quelques moments miraculeux laissant espérer un renouveau qui ne viendra pas.

Dans la dernière partie de son livre, l'écriture de Jean-Jacques Groleau se fait plus sombre comme partageant la tristesse de la diva, moralement détruite par l'abandon cruel d'Aristote Onassis, et la fin d'un mythe.

En refermant cet hommage, bien écrit, fait à la femme autant qu'à l'artiste, reste l'irrésistible envie de plonger dans sa discothèque et de réécouter les documents sonores laissés par cette extraordinaire artiste. Ainsi cette Lucia di Lammermoor de Donizetti sous la direction de Herbert von Karajan en 1955, ou ce délirant final de La Somnambula de Bellini sous la baguette de Leonard Bernstein en 1955. Merci au disque d'avoir conservé cette Maria Callas dans ses moments sublimes qu'elle a offert au monde.

A noter que la préface du livre est écrite par André Tubeuf, disparu en 2021. Il s'agit d'un portrait édité à l'origine dans L'Offrande Musicale (Robert Laffont, 2007, collection bouquins) : « Une voix, un visage, un mythe. »

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