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À Genève, poésie et beauté avec Sidi Larbi Cherkaoui

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Genève. Grand Théâtre. 19-XI-2023. Sidi Larbi Cherkaoui : Noetic. Chorégraphie : Sidi Larbi Cherkaoui. Musique : Szymon Brzóska, Alexandre Dai Castaing. Scénographie : Alexander Dodge. Costumes : Les Hommes. Lumières : David Stockholm. Dramaturgie : Adolphe Binder. Ana Vieira Leite (chant) ; Shogo Yoshii, (percussions, flûte). Avec Yumi Aizawa, Céline Allain, Jared Brown, Adelson Carlos, Anna Cenzuales, Zoé Charpentier, Quintin Cianci, Oscar Comesaña Salgueiro, Diana Dias Duarte, Armando Gonzales Besa, Zoe Hollinshead, Mason Kelly, Emilie Meeus, Léo Merrien, Stéfanie Nola, Juan Perez Cardona, Luca Scaduto, Sarah Shigenari, Geoffrey Van Dyck, Manuel Vega, Madeline Wong.
Sidi Larbi Cherkaoui : Faun. Chorégraphie : Sidi Larbi Cherkaoui. Musique : Claude Debussy, Nitin Sawhney. Scénographie, lumières et vidéo : Adam Carrée. Costumes : Hussein Chalayan. Avec Yumi Aizawa, Juan Perez Cardona.
Damien Jalet et Sidi Larbi Cherkaoui : Boléro. Chorégraphie : Damien Jalet et Sidi Larbi Cherkaoui. Scénographie : Marina Abramović. Lumières : Urs Schönebaum. Costumes Riccardo Tisci. Musique : Maurice Ravel. Avec Zoé Charpentier, Quintin Cianci, Oscar Comesaña Salgueiro, Diana Dias Duarte, Ricardo Gomez Macedo, Julio León Torres, Emilie Meeus, Léo Merrien, Sarah Shigenari, Geoffrey Van Dyck, Madeline Wong. Orchestre de la Suisse Romande. Direction musicale : Yannis Pouspourikas

Venus remplir de toutes parts le Grand Théâtre de Genève, les amateurs de danse ont réservé un accueil chaleureux et profondément ressenti aux trois pièces emblématiques de qui, bien qu'elles datent d'une dizaine d'années, ont su garder leur part de beauté et de rêve.


Pour illustrer ce propos liminaire, nous devons bien reconnaître que le ballet Faun créé en 2009 au Sadler's Wells de Londres, s'invite dans l'esprit le plus touchant d'une beauté évidente. D'abord par la musique ô combien inspirante de L'après-midi d'un faune de que l' distille avec une clarté lumineuse et envoûtante sous la belle baguette du chef . Avec le fond de scène occupé par l'image d'un bois de feuillus changeant au gré des éclairages que peuvent donner les heures de la journée, voire les saisons de l'année, la poésie de ces quelques feuilles qui se détachent des arbres en scintillant, comme pour éclairer encore un peu l'ambiance de leur chute, offre un décor de rêve aux deux danseurs dont les corps s'attirent et se repoussent dans des attitudes enveloppantes et des gestes harmonieux. Le faune (), puissant sans brutalité, dialogue avec l'éthérée nymphe () sans autre propos que l'harmonie de leurs corps échangeant la grâce d'une danse qu'on voudrait qu'elle se prolonge bien au-delà des instants de cette partition musicale. Ce petit quart d'heure de joaillerie musicale et dansante scelle le sceau de la beauté possible admirablement servie par la conjonction des artistes. Chorégraphe, danseurs, musiciens, décorateurs, éclairagistes tendent vers la potentialisation de leur art dans un seul but : l'émotion.


Créé en 2014 pour la GöteborgsOperans Danskompani, Noetic a déjà fait l'objet de chroniques dans nos lignes lors d'une représentation à La Villette en juin 2016. Cette longue pièce réunis vingt-deux danseurs dans l'univers glacial d'un cube blanc. Dans le programme de la soirée, le maître du Ballet du Grand Théâtre de Genève présente sa chorégraphie comme «la géométrie sacrée, la vie urbaine sous formes de fonctions mécaniques, le microcosme reflété dans le macrocosme». Il traduit ce monde, aux sons de percussions japonaises, dans une musique contemporaine de , discrètement étourdies par le spectacle virevoltant des danseurs s'épanchant en ensembles désorganisés mais savamment ordonnés où se mêlent dans une agitation presque soûlante, des hommes vêtus comme des garçons de café, des femmes aux robes noires courtes et souples. Bientôt, des groupes se forment, s'enlacent, pour se défaire aussitôt, pour se coller face aux murs, laissant place à un danseur dont la souplesse ferait mourir d'envie n'importe quel adepte de yoga. Des mille manières de se mettre au sol, il en invente mille autres de se relever. Une performance anonyme dans l'ensemble de la troupe mais qui impressionne tant la dépense corporelle semble n'avoir aucune limite chez ce danseur.

C'est bien peu se pencher sur l'esprit que le chorégraphe voudrait imprimer dans notre conscient mais, ce n'est pas ce ballet de bandes de carbone que chacun érige en cerceaux pour construire une hypothétique (et mal réussie) sphère qui donnera au spectateur la clé du mystère de ce spectacle noétique. Rappelons que la «noétique» recouvre un terme utilisé en philosophie moderne pour désigner divers concepts liés à la pensée et à la compréhension. Une conception suffisamment hermétique pour se contenter des effets visuels de cette chorégraphie somme toute bien agréable à admirer.


Troisième pièce au programme, le célèbre Boléro était très attendu tant par la popularité de la musique de que par celle de la conception chorégraphique que avait déjà imprimé en 1961 dans la mémoire populaire, conception sublimée par Claude Lelouch dans la danse de Jorge Donn dans son film Les uns et les autres de 1981. Chez les deux chorégraphes et , point de démonstration solo mais un ensemble d'une bonne dizaine de danseurs tournoyants sans cesse à l'instar de derviches tourneurs pour souligner l'obsession répétitive de la musique de Ravel. Une pièce que les deux chorégraphes ont confié au répertoire d'autres compagnies, comme le Ballet de l'Opéra de Paris, en 2013.

Sur le sol est projeté l'image de divers cercles concentriques, tels ceux que fait une eau dont le calme est rompu par le jet d'une pierre. Se reflétant sur un jeu de miroir, ces images et celle des danseurs tournant sans discontinuer, excite puis bientôt trouble la vue du spectateur. Vêtus de juste-au-corps transparents et brodés de parements blancs laissant imaginer le squelette osseux, les gestes restent souples et harmonieux sans toutefois apporter l'émotion qu'on attend. Dans la fosse, on note les premières fatigues d'un jusqu'ici impeccable protagoniste. Sollicité par une extrême attention à la direction de l'orchestre, aux rythmes imposés des danseurs, l'orchestre nous apparaît quelque peu fatigué par ces longues séquences orchestrales. Moins inspiré, le chef tend à donner de la lourdeur aux ultimes mesures de l'œuvre ravélienne alors qu'on espère l'éclatement sonore à l'apparition, drapée d'un grand manteau noir, de la Mort.

Ces ultimes notes déchaînent cependant les ovations d'un public ravi de l'admirable prestation du Ballet du Grand Théâtre de Genève. Saluant de concert, sans qu'aucun d'entre eux ne se mette en évidence de ce qu'il a pu être un soliste à un instant ou à un autre, les danseurs donnent l'image d'une troupe soudée offrant son art vers l'excellence. Ce spectacle de grande qualité reste touchant de sincérité artistique. Le rideau baissé, le public enthousiaste rappelle la troupe du ballet pour lui offrir une ovation toute particulière et grandement méritée.

Crédit photographique : GTG © GregoryBatardon, GTG © MagaliDougados (Boléro)

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Genève. Grand Théâtre. 19-XI-2023. Sidi Larbi Cherkaoui : Noetic. Chorégraphie : Sidi Larbi Cherkaoui. Musique : Szymon Brzóska, Alexandre Dai Castaing. Scénographie : Alexander Dodge. Costumes : Les Hommes. Lumières : David Stockholm. Dramaturgie : Adolphe Binder. Ana Vieira Leite (chant) ; Shogo Yoshii, (percussions, flûte). Avec Yumi Aizawa, Céline Allain, Jared Brown, Adelson Carlos, Anna Cenzuales, Zoé Charpentier, Quintin Cianci, Oscar Comesaña Salgueiro, Diana Dias Duarte, Armando Gonzales Besa, Zoe Hollinshead, Mason Kelly, Emilie Meeus, Léo Merrien, Stéfanie Nola, Juan Perez Cardona, Luca Scaduto, Sarah Shigenari, Geoffrey Van Dyck, Manuel Vega, Madeline Wong.
Sidi Larbi Cherkaoui : Faun. Chorégraphie : Sidi Larbi Cherkaoui. Musique : Claude Debussy, Nitin Sawhney. Scénographie, lumières et vidéo : Adam Carrée. Costumes : Hussein Chalayan. Avec Yumi Aizawa, Juan Perez Cardona.
Damien Jalet et Sidi Larbi Cherkaoui : Boléro. Chorégraphie : Damien Jalet et Sidi Larbi Cherkaoui. Scénographie : Marina Abramović. Lumières : Urs Schönebaum. Costumes Riccardo Tisci. Musique : Maurice Ravel. Avec Zoé Charpentier, Quintin Cianci, Oscar Comesaña Salgueiro, Diana Dias Duarte, Ricardo Gomez Macedo, Julio León Torres, Emilie Meeus, Léo Merrien, Sarah Shigenari, Geoffrey Van Dyck, Madeline Wong. Orchestre de la Suisse Romande. Direction musicale : Yannis Pouspourikas

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