Jakub Józef Orliński : au-delà du geste musical, l’émotion

Dans le cadre d'une grande tournée internationale, le programme Beyond (Au-delà) du dernier album de Jakub Józef Orliński et de l'ensemble Il Pomo d'Oro a fait étape à l'Opéra-Comédie de Montpellier.

Le seicento italien propose toute la palette des passions pour un programme concocté sur-mesure par le chanteur-danseur Yannis François, qui offre là un merveilleux terrain de jeu au contre-ténor polonais. Véritable bête de scène, Orliński fait de son récital un spectacle flamboyant, où sa présence scénique ne parasite en rien la parfaite expressivité de sa voix. Car, si l'agilité vocale était déjà là, la voix du contre-ténor a gagné en maturité, et la palette des affects est plus variée qu'en 2020. L'émotion est bien au rendez-vous de la musicalité. Il n'était peut-être pas utile de chanter l'Amarilli de Caccini en étant couché, mais ça marche… Les changements de couleurs entre airs tendres et explosifs sont parfaitement maîtrisés, comme le sont les jeux de scène pleins de surprises pendant les intermèdes instrumentaux : une chorégraphie de pantin désarticulé, un saut en bas de la scène pour une déambulation au milieu du public… Sans oublier les séquences grotesques où le chanteur se travestit en vieille femme dans des airs de l'Adamiro de Netti. Entre chaque pièce, les enchaînements sont parfaitement pensés, malheureusement un peu gâchés par les applaudissements intempestifs du public.

Il faut dire que la complicité avec l'ensemble Il Pomo d'Oro est parfaite. Complicité déjà ancienne, puisqu'ils ont réalisé ensemble trois autres programmes, dont le dernier, Anima aeterna, avait suscité notre enthousiasme. Ici, Il Pomo d'Oro est mené par  l'excellent premier violon d'Alfia Bakieva, toute en précision et en nuances, dans un engagement total des instrumentistes. Le continuo est particulièrement riche et fourni, s'accordant avec une belle musicalité aux contrastes des affects (mention particulière pour Miguel Rincon au théorbe et à la guitare). Si le programme commence avec Monteverdi, Cavalli et leurs contemporains bien connus, il nous emmène peu à peu sur des chemins moins balisés : qui connait Giovanni Cesare Netti, Carlo Pallavicino,  Sebastiano Moratelli ? Il y a même un clin d'œil aux origines polonaises d'Orliński, avec une pièce instrumentale d'Adam Jarzębski, pleine d'allant. Le programme se termine par une lamentation élégiaque de Moratelli, aux longues notes filées, suivie par un superbe postlude instrumental, pendant que le noir se fait peu à peu sur la scène. Et ce sont ensuite pas moins de cinq rappels, où l'entreprise de séduction du contre-ténor est à son comble, avec vocalises comiques, ambitus barytonnant et autres prouesses vocales chantées avec une apparente facilité très réjouissante. Deux airs de Haendel concluent ces rappels généreux, sans oublier une dernière acrobatie de hip-hop pour achever de séduire un public déjà conquis.

Crédit photographique : © OONM