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Les Noces de Figaro ou la molle journée à Munich

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Munich. Nationaltheater. 9-XI-2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Le Nozze di Figaro, opéra sur un livret de Lorenzo da Ponte d’après Beaumarchais. Mise en scène : Evgeny Titov ; décors et costumes : Annemarie Woods. Avec Huw Montague Rendall (Il Conte), Elsa Dreisig (La Contessa), Louise Alder (Susanna),
Konstantin Krimmel (Figaro), Avery Amereau (Cherubino), Dorothea Röschmann (Marcellina), Willard White (Bartolo), Eirin Rognerud (Barbarina), Martin Snell (Antonio). Chœur de l’Opéra national de Bavière, Bayerisches Staatsorchester ; direction : Stefano Montanari.

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Dans une mise en scène inaboutie, une jeune distribution se bat en vain contre la direction indifférente de .

Certes, on ne va pas les regretter. Ni Constantinos Carydis, qui avait massacré la partition comme rarement à leur création en 2017, ni Christoph Loy qui n'avait pas signé un très bon spectacle. Mais comment peut-on encore justifier aujourd'hui de mettre au rebut la mise en scène d'un grand classique à peine six ans après sa création, et une bonne vingtaine de représentations ? En termes environnementaux comme en termes économiques, c'est un non-sens.

Et puis, la mise en scène qui la remplace est-elle plus ambitieuse, plus créative, plus digne de durer que celle de Loy ? Hélas non, et il ne faut même pas attendre l'entracte pour s'en convaincre. Ce qui frappe dès les premières images, c'est l'écrasement des personnages par le décor d'Annemarie Woods, un très haut mur décrépit percé sur la gauche d'une porte. Cette structure ne se lève qu'au début du dernier acte, pour révéler certes de la verdure comme on peut s'y attendre, mais cette verdure n'est pas très pastorale : ce qu'on voit là, c'est la plantation de cannabis du comte, format industriel. Oui, après l'absurde spectacle salzbourgeois de Martin Kušej, nous voilà encore chez les gangsters. Mais là où Kušej irritait par la suractivité, réduit ce contexte à quelques signes épars ; cela ne suffit pas à construire un concept, pas plus que les quelques allusions à des plaisirs SM, par exemple ce grand fauteuil qui révèle à un moment du premier acte ses secrets et réapparaît à la fin du spectacle, mais ne sert au fond pas à grand-chose. Pour le reste, rien d'autre n'arrive qu'une direction d'acteurs banale, quand elle n'est pas entièrement absente : l'air de la comtesse à l'acte III est chanté par exactement comme en concert, avec quelques pas au milieu pour donner une illusion de mouvement, et ce n'est pas le seul cas de la soirée – que quelques spectateurs particulièrement mal informés applaudissent au beau milieu de l'air rend le moment plus pénible encore.


L'autre problème de la soirée est dans la fosse : dit dans le programme que l'opéra est souvent joué trop lentement, ce qui entraîne l'ennui des spectateurs, et que les récitatifs, en particuliers, doivent être joués vite dès lors que la diction italienne le permet – et livre exactement une interprétation comme celles qu'il dénonce. Dans les récitatifs, la diction des chanteurs n'est pas assez incisive, le tempo souvent trop posé, et ce n'est pas le continuo envahissant joué par le chef qui compensera ; pour le reste, le problème n'est pas tant le tempo que le manque de variété, qui concerne aussi bien les couleurs orchestrales que la dynamique. L'orchestre joue bien, garde une légèreté de ton qui soulage après la pesante emphase du Philharmonique de Vienne à Salzbourg, mais il manque décidément un chef pour les mettre en mouvement – ce qu'avait su faire il n'y a pas si longtemps Ivor Bolton, dans la molle production de Loy.

Hélas, cette direction alanguie pèse aussi sur la jeune distribution, qui aurait mérité un chef beaucoup plus attentif. Les hommes ne s'en remettent pas : le comte d' chante bien, sans doute, mais sans impact, sans charisme, et (Figaro) est beaucoup moins marquant qu'il y a un an sur la même scène dans Così fan tutte. , elle aussi présente dans ce Così, fait meilleure impression cette fois, parvenant presque à faire exister son personnage ; la comtesse d' réussit bien ses airs, mais elle reste dans l'ombre quand elle n'est pas seule sur scène – d'autant que sa voix ne se différencie pas assez de celle de sa servante. L'interprète de Cherubino, , est elle aussi transfuge du Così de l'an dernier, ce qui semble indiquer chez Serge Dorny la volonté de constituer une troupe mozartienne durable – on imagine qu'un Don Giovanni suivra au début de la saison prochaine. Elle aussi chante bien, mais mériterait un cadre plus favorable, et notamment un chef qui l'aide à donner un tour un peu plus personnel à son interprétation. Aux côtés de ces jeunes chanteurs, deux vétérans parviennent un peu mieux à donner du relief à leurs rôles, en Bartolo et en Marcellina, à qui on n'a cependant pas laissé son air – l'ensemble des scènes 4 à 7 de l'acte IV sont coupés, y compris des récitatifs habituellement conservés, ce qui va à l'encontre des propos de Montanari lui-même dans le programme.

Ne sait-on plus monter aujourd'hui Les Noces de Figaro ? Don Giovanni continue à inspirer les metteurs en scène, Tcherniakov, Haneke ou Castellucci ; Les Noces, elles, sont montées comme un passage obligé, comme si les metteurs en scène étaient gênés par le poids des événements qui les contraint à une narration linéaire au détriment de dimensions plus oniriques, inconscientes ou mythiques : dans ce cas, autant vaut une production en costumes d'époque, qui au moins ne promettrait pas plus qu'elle ne tiendrait, comme celle de David Mc Vicar au Royal Opera. En attendant, faute de voir des Noces véritablement pensées pour aujourd'hui, il serait temps que l'Opéra de Bavière prenne à bras le corps le problème de son répertoire mozartien, décidément en friche faute de productions à la fois ambitieuses et pérennes.

Crédit photographique © Wilfried Hösl

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Munich. Nationaltheater. 9-XI-2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Le Nozze di Figaro, opéra sur un livret de Lorenzo da Ponte d’après Beaumarchais. Mise en scène : Evgeny Titov ; décors et costumes : Annemarie Woods. Avec Huw Montague Rendall (Il Conte), Elsa Dreisig (La Contessa), Louise Alder (Susanna),
Konstantin Krimmel (Figaro), Avery Amereau (Cherubino), Dorothea Röschmann (Marcellina), Willard White (Bartolo), Eirin Rognerud (Barbarina), Martin Snell (Antonio). Chœur de l’Opéra national de Bavière, Bayerisches Staatsorchester ; direction : Stefano Montanari.

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