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Paris. Opéra Comique ; Salle Favart. 06-XI-2023. Pascal Dusapin (1955*) : Macbeth Underworld, opéra en huit chapitres, chanté en anglais sur un livret de Frédéric Boyer, d’après Macbeth de Shakespeare. Mise en scène : Thomas Jolly. Reprise et dramaturgie : Katja Krüger. Collaboration : Alexandre Dain. Décors : Bruno de Lavenère. Costumes : Sylvette Dequest. Lumières : Antoine Travert. Chef de chant et Piano luth : Yoan Héreau. Avec : Katarina Bradić, Lady Macbeth ; Jarrett Ott, Macbeth ; Maria Carla Pino Cury, Mélanie Boisvert, Melissa Zgouridi, Weird Sisters ; Hiroshi Matsui, Ghost ; John Graham Hall, Porter/Hecat ; Rachel Masclet, Child. Musique de scène : Paul Serri, Violoneux ; Sabine Tavenard, Piccolo ; Illya Amar, Anne Briset, percussions. Figurants : Adhal Bara, Geoffrey Boissy, Alexander Espinosa Correoso, Michael Guevara, Adrien Minder, Aurélien Piffaretti, Gabriel Soler, Kim Tassel. Chœur accentus (Chef de chœur : Richard Wilberforce). Orchestre de l’Opéra national de Lyon, direction musicale : Franck Ollu.
Vue à sa création bruxelloise en 2019, la mise en scène de Thomas Jolly pour Macbeth Underworld de Pascal Dusapin trouve enfin l'Opéra Comique, trois ans après la date prévue et avec une distribution presque intégralement retouchée.
Prévue en première parisienne le 25 mars 2020, une semaine seulement après le début du premier confinement, la production de Macbeth Underworld aura dû attendre trois années et demi et un nouveau directeur pour voir enfin le jour à l'Opéra Comique. Créée en 2019 à La Monnaie, l'ouvrage à déjà été repris depuis dans une seconde mise en scène de l'œuvre, apparue dès 2021 à Sarrebruck.
Longuement commentée lors de sa création bruxelloise, la proposition de Thomas Jolly apparaît enfin chez le coproducteur français de l'œuvre en se voulant très obscure, tout en gardant le côté kitsch du metteur en scène, qui jamais ne rend véritablement sombre la réécriture en forme de réminiscence aux enfers du chef-d'œuvre de Shakespeare par Frédéric Boyer. Avec de grands arbres aux branches en forme de mains, qui finiront inéluctablement par enserrer Macbeth, ou encore des mains – plusieurs fois citées par le texte – visibles blanches sur fond noir pour agir de manière autonome, la proposition scénique nous emmène plus dans un pastiche de violence à la façon de La Famille Adams ou de Sleepy Hollow, qu'au pays des âmes mortes dans lequel sont censés être tombés les protagonistes.
Resserré à quelques rôles, comme récemment l'opéra de Benjamin sur un autre texte de l'époque élisabéthaine, l'ouvrage de Pascal Dusapin dure lui aussi une heure quarante cinq environ et privilégie l'absence d'entracte pour maintenir l'atmosphère intacte durant toute la représentation. Sans éviter quelques clichés, la partition musicale se montre efficace, mais avec une trop forte tendance à s'éterniser dans ses longues nappes de cordes, elles aussi souvent d'une trop claire noirceur pour véritablement porter le propos vers le drame. Débutée par un violent tutti d'orchestre, la musique permet immédiatement à l'auditoire d'entrer dans la proposition, faite ensuite de longs temps de latence, entrecoupés de climax où les cuivres et les percussions donnent du volume. Découpée en huit chapitres, l'opéra rend parfois hommage à l'époque de la pièce liminaire, par le style du texte anglais comme par la musique, par exemple avec l'apparition sur scène de quatre musiciens jouant un petit spectacle de cour, ou ensuite par le violon seul de Paul Serri, tandis qu'en fosse, Franck Ollu (déjà créateur de Penthesilea) reprend avec justesse la nouvelle partition lyrique de Dusapin créée par Alain Altinoglu.
Aux utilisations un peu faciles de chaînes métalliques ou de coups froids et mats d'une grosse caisse pendant le final, on préfère la composition pour le chœur de femmes, malheureusement sous-exploité, alors qu'il rappelle grâce à deux très belles interventions comme le compositeur sait si bien mettre cet effectif en valeur. Intègre avec le texte, l'écriture musicale permet aussi de toujours rendre l'histoire intelligible, sans pour autant développer vraiment de grands airs, sauf pour l'enfant, tristement dissonant par la voix de la jeune Rachel Masclet. En Porter, John Graham Hall prend la place d'abord prévue pour Graham Clark, décédé depuis, pour apporter son ombre encore mouvante à côté de celle du Fantôme de Banco d'Hiroshi Matsui, lui aussi comme les deux rôles principaux tout de blanc vêtu, en plus d'être pour sa part affublé d'un poignard dans le dos. Toujours groupées, les Soeurs bizarres (Weird Sisters) aux chevelures roussies de Maria Carla Pino Cury, Mélanie Boisvert et Melissa Zgouridi interviennent régulièrement pour assister à nouveau au drame, jusqu'à la disparition éternelle de Lady Macbeth, entraînée dans l'antre des enfers.
Seule rescapée de la distribution de 2020, où elle devait déjà reprendre le rôle créé par Magdalena Kožená, Katarina Bradić est annoncée légèrement souffrante par Louis Langrée le soir de Première, ce que l'on n'aurait pu entendre étant donné la qualité de la ligne de chant et la tenue de l'aigu, même dans les parties les plus tendues. Pour mari défunt, elle trouve à présent le baryton Jarrett Ott, fraichement arrivé dans la production, mais habitué à la musique contemporaine. Puissant vocalement, lui aussi, il parvient à donner du caractère et des expressions à un personnage refroidi comme tous les autres par la glace du propos, et finalement bien moins vif que celui de la paraphrase de 2002 de Salvatore Sciarrino.
Crédits photographiques : ©Stéphane Brion
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Paris. Opéra Comique ; Salle Favart. 06-XI-2023. Pascal Dusapin (1955*) : Macbeth Underworld, opéra en huit chapitres, chanté en anglais sur un livret de Frédéric Boyer, d’après Macbeth de Shakespeare. Mise en scène : Thomas Jolly. Reprise et dramaturgie : Katja Krüger. Collaboration : Alexandre Dain. Décors : Bruno de Lavenère. Costumes : Sylvette Dequest. Lumières : Antoine Travert. Chef de chant et Piano luth : Yoan Héreau. Avec : Katarina Bradić, Lady Macbeth ; Jarrett Ott, Macbeth ; Maria Carla Pino Cury, Mélanie Boisvert, Melissa Zgouridi, Weird Sisters ; Hiroshi Matsui, Ghost ; John Graham Hall, Porter/Hecat ; Rachel Masclet, Child. Musique de scène : Paul Serri, Violoneux ; Sabine Tavenard, Piccolo ; Illya Amar, Anne Briset, percussions. Figurants : Adhal Bara, Geoffrey Boissy, Alexander Espinosa Correoso, Michael Guevara, Adrien Minder, Aurélien Piffaretti, Gabriel Soler, Kim Tassel. Chœur accentus (Chef de chœur : Richard Wilberforce). Orchestre de l’Opéra national de Lyon, direction musicale : Franck Ollu.